Algérie

Nedroma: Le Filaoussène revisité



Deux livres relatant des évènements de la Guerre de libération nationale viennent de paraître chez Dar El Gharb. L'auteur, M. Chaïb Hammou, un ancien inspecteur de l'éducation rapporte dans le 1er écrit : « Sublimes sacrifices dans le Filaoussène », le récit de batailles meurtrières livrées par les combattants de l'ALN aux troupes de l'occupation des Monts Filaoussène et les exactions commises par les militaires français dans le petit douar des Ouled Berrached perdu au fond des montagnes de la chaîne des Traras qui domine la ville de Nedroma. L'embuscade de Oued Diyène, les deux batailles du Filaoussène, celle de Aïn Fettah, les ratissages de l'armée coloniale, le siège d'une importante cache où s'étaient réfugiés 78 villageois de Ouled Berrached, les bombardements et la destruction sauvage des douars, la torture de citoyens dans les caves du 2ème Bureau, autant d'évènements, de souffrances et de sacrifices héroïques que l'auteur rapporte sur la foi de témoignages d'acteurs qui ont participé aux combats ou subi les exactions de l'armée coloniale, justement pour que jamais ne s'éteigne le souvenir d'une époque tragique de l'histoire d'un peuple fier qu'aucun ne pourra jamais asservir.

Dans le 2ème livre, «Nedroma, le massacre du lundi», Hammou nous raconte les douloureux évènements qui se sont déroulés sous les regards épouvantés de jeunes adolescents durant la funeste journée du lundi 12 août 1957 à Nedroma. « C'était le jour du marché hebdomadaire. Des vendeurs avaient déjà étalé leurs marchandises sur le sol (…) Soudain, une détonation sèche se fit entendre près du marché couvert. Une panique incroyable s'empara de la foule. Les gens abandonnèrent tout sur place pour fuir dans un désordre indescriptible.      Les gendarmes et les policiers de faction reçurent rapidement des renforts pour barrer le chemin aux fuyards.      Des centaines de citoyens, hommes, femmes, enfants furent arrêtés et rassemblés sur la place du marché et sur le boulevard en bordure de «Es-sor». L'auteur âgé alors d'une douzaine d'années a rassemblé tous ses souvenirs pour relater la sensibilité d'un jeune adolescent abasourdi, la folie meurtrière des tirailleurs sénégalais qui perpétrèrent l'épouvantable tuerie qui s'ensuivit. Et tout le mérite et le sublime de Hammou viennent en ce qu'il raconte le vécu avec ce regard d'un enfant de 12 ans.

Les deux récits sont conduits d'une façon étonnante, interrompus par des descriptions des lieux où se déroulent les évènements et par l'évocation des coutumes des Nédromis à cette époque, agrémentée parfois de savoureuses anecdotes. Et c'est précisément dans ces moments que l'on s'aperçoit que ce que veut transmettre l'auteur n'est pas seulement la mémoire de multiples tragédies, mais le vécu de toute une société, son histoire, ses traditions, ses croyances, et ce, d'autant plus qu'il voit avec une certaine nostalgie en s'effacer les traces. Il a connu de l'intérieur la vie des confréries, « le makane des hbara », s'est imprégné de leur mystique. Hammou, très populaire dans la ville de Abdelmoumène, n'a pas droit à l'erreur, en racontant les coutumes urbaines et campagnardes. Ecrasé dans la foule, le lecteur s'évade dans ces évocations avant d'être brutalement rappelé à la sauvage réalité du présent.

Cette magie du récit est portée par une langue travaillée, ciselée et surtout recherchée dans ses expressions profondément imprégnées d'images et d'émotions comme si l'auteur voulait se venger de ces crimes abominables.

Dans une génération qui a vécu des moments historiques, les témoins deviennent rares. Ceux qui aujourd'hui apportent par écrit leur témoignage assument une tâche importante. Et il faut les remercier, ceux qui, comme Hammou, s'appliquent à rendre justice aux victimes du passé, à exprimer leur indignation face à leur sort, à transmettre la mémoire de leur vie, de leur terroir, pour des générations qui en ont reçu la liberté, l'indépendance et la fierté d'être eux-mêmes.




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