Algérie

Nécessité de constituer la mémoire artistique algérienne



Nécessité de constituer la mémoire artistique algérienne
Mansour Abrous, chercheur, auteur et spécialiste des arts visuels en Algérie, actuellement chargé de mission Culture à la ville de Paris, a présenté, samedi dernier, à l'Institut français d'Alger (IFA), une conférence intitulée «Le dictionnaire biographique des artistes algériens (1896-2013) : objet, conception, usages et devenir».D'emblée, le conférencier a souligné l'importance que revêtaient à ses yeux les points positifs de l'avancée des arts plastiques en Algérie, qui sont «des points d'avenir qui aident à le construire». Parmi les nombreux points positifs, M. Abrous notera la plus grande implication de l'Etat algérien et des mouvements citoyens pour créer une effervescence culturelle et aussi l'abnégation et le dévouement des enseignants dans les écoles d'arts pour transmettre leur savoir aux étudiants malgré des conditions difficiles.A propos de son ouvrage, Le dictionnaire biographique des artistes algériens (1896-2013), l'auteur précisera que c'est une continuité et une mise à jour de la première publication parue il y a une dizaine d'années, faisant passer le nombre des artistes de 800 à plus de 4 000. C'est «un élément de synthèse qui permet de comprendre la scène culturelle algérienne. Il a une vocation pédagogique au sens où il permet à tout lecteur d'avoir une vision globale de l'Algérie depuis 1896, la première datation d'une exposition d'une artiste algérienne, en l'occurrence celle de Mme Benyoucef, qui s'est déroulée à Londres en 1896».Mansour Abrous dira également qu'il était important pour lui de faire une présentation exhaustive afin d'identifier tous les acteurs de l'expression des arts visuels en Algérie sans distinction. Il confiera que la nécessité d'un tel outil s'est imposée d'elle-même quand, à l'époque où il était enseignant à l'école des Beaux-Arts d'Alger, il avait relevé que la bibliothèque était riche en ouvrages sur les artistes occidentaux, mais pauvre en ouvrages sur les artistes algériens, pour la simple raison que ce genre de livre était pratiquement inexistant. Parti s'installer en France, il s'est lancé dans un laborieux et minutieux travail de récolte d'information et de documentation afin de recenser et se documenter sur le parcours et les biographies de tous les artistes algériens.Il s'agissait aussi de réparer ce qu'il estime comme une injustice : «Celle qui touche les artistes plasticiens face aux artistes des arts musulmans, l'injustice qui touche également les artistes autodidactes par rapport à ceux professionnels et la troisième est cette discrimination géographique entre ceux qui habitent les grandes villes et ceux qui pratiquent leur art dans l'anonymat dans le reste du pays.»Le conférencier précisera que pour le courrier envoyé à 250 artistes, il n'avait eu qu'une seule réponse. «Le plus chagrinant dans cette histoire est le fait que les artistes algériens ont préféré répondre et mettre leur documentation à la disposition de chercheurs occidentaux que de faire confiance à un compatriote.» «Le plus important aujourd'hui est de se faire confiance entre Algériens pour travailler dans une véritable synergie afin d'écrire notre propre histoire artistique, avec notre vision et non pas celle d'un regard occidental. Car, si on ne peut pas admettre qu'un chercheur algérien peut faire un travail de qualité comme le ferait un Occidental, cela mettrait en péril notre propre histoire artistique que nous transmettrons aux générations futures. Même si je considère que la diversité des regards ne peut être qu'une plus-value essentielle.» Faisant une analyse des informations contenues dans les biographies des artistes recensés, le chercheur, soulignera que 70% des artistes qui ont exposé étaient des hommes, près de 50% des expositions se sont tenues dans la capitale et les espaces d'exposition étaient à 86% publics. Il y a, en moyenne près de 20 expositions par mois au niveau national, avec des pics au mois de décembre et des chutes durant les mois d'été. Le conférencier a également signalé que de nombreuses expositions se tenaient à l'étranger, avec la France comme 2e pays d'exposition pour les artistes algériens qui tournent le dos à l'Afrique et au Maghreb.M. Abrous a également soulevé la problématique de la rupture des recherches universitaires sur les arts visuels en Algérie et l'importance que l'université accompagne les artistes à travers des recherches en apportant des regards de spécialistes en la matière et en opérant des collectes de données. «Nous avons besoin de produire de l'information et du savoir sur notre culture. C'est une des conditions d'émancipation de notre pays», dira-t-il. L'autre problématique abordée est celle de l'acquisition des ?uvres des artistes algériens notamment celles de la nouvelle génération qui partent vers des collections privées ou publiques à l'étranger. C'est «une déperdition qui sanctionnera les générations futures qui n'auront plus accès aux ?uvres de ces artistes et ainsi de la mémoire artistique algérienne», déplore le chercheur.Mansour Abrous conclura son intervention en estimant que «l'art et la culture sont la profondeur stratégique d'une nation, en termes d'éthique, de comportement et de droiture. Se sont les meilleurs remparts pour assurer la sécurité d'un pays et la cohésion nationale».S. B.




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