Alors que les chefs d’État africains étaient en réunion avec les présidents des pays les plus riches de la planète, la même question est revenue dans toutes les discussions. Pourquoi le G8 s’intéresse-t-il maintenant au continent noir et quelles seront les décisions concrètes qui sortiront de cette réunion marathon qui aura duré plus de quatre heures ? Il est vrai que le Japon a intégré depuis déjà plusieurs années l’équation africaine dans son action diplomatique, et ce, à travers la création de la Conférence internationale de Tokyo pour le développement en Afrique (Ticad) et le soutien, aussi bien au Nepad qu’à l’UA. Mais, dans les faits, beaucoup d’interrogations entourent ce regain d’intérêt vis-à-vis d’un continent qui, il y a à peine quelques années, symbolisait la famine et suscitait toutes sortes d’interventions au nom de “l’humanitaire”, des sacs de riz de Bernard Kouchner en Somalie jusqu’à l’action militaire américaine en Somalie. Sur cette question, les avis divergent bien entendu, mais se rejoignent sur une seule certitude : l’Afrique constitue un gros réservoir de ressources mais aussi un marché inévitable pour l’Occident en crise de consommation. Pour Peter Fabricius, Foreign Editor du journal Independent Newspapers d’Afrique du Sud, il est tout à fait clair que le Japon cherche, à travers sa politique africaine, un soutien des pays du continent pour avoir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. “C’est, en tout cas, ce qui constitue la toile de fond de sa politique vis-à-vis de l’Afrique”, commente-t-il, en précisant qu’au-delà de cet objectif diplomatique propre au Japon, le continent traverse une situation difficile et la crise économique qui l’affecte représente l’une des principales causes du terrorisme et de toutes sortes de conflits. C’est aussi une équation de sécurité pour les pays les plus riches.
“Il n’y a pas d’effet direct entre la flambée du baril et la crise alimentaire”, ajoute Peter Fabricius qui semble pessimiste à ce que le transfert de la technologie demandé par les pays africains pour se développer puisse avoir lieu dans un court terme. “Je pense que pour les Occidentaux, il leur sera plus facile de donner de l’argent que de transférer leur technologie, les choses ne sont pas aussi simples car, au-delà de l’aspect politique, il y a la question de la propriété intellectuelle qui se pose”, dit-il. Cependant, il garde espoir que les résolutions du sommet d’Hokkaido apporteront à l’Afrique un apport supplémentaire dans ses efforts de développement. Zarah Ozobia, de l’African Independent Television du Nigeria, est très critique. “Nous n’avons pas besoin d’assistance, nous avons besoin de savoir-faire et de technologie. Ne nous donnez plus de poissons mais apprenez-nous à pêcher”, souligne-t-elle avec force. Tout en relevant que les dirigeants africains ne font pas assez pour le bien de leur continent, Zarah estime qu’il est temps que cesse l’hypocrisie occidentale vis-à-vis du continent. “Pourquoi s’intéresse-t-on à l’Afrique ? C’est simple, beaucoup de ressources, entre autres le pétrole et un gros marché pour les pays riches qui connaissent une crise de consommation”, résume-t-elle en mettant en exergue l’importance du continent dans la nouvelle configuration mondiale. Pas d’assistance ni d’aide, ou seulement des promesses que beaucoup de pays du G8 ne tiennent pas. Zarah soutient dur comme fer que le bien de l’Afrique est entre les mains des Africains. Elle est rejointe dans sa certitude par Ibrahima Khaliloullah Ndiye, grand reporter au journal sénégalais, Le Soleil. “L’Afrique a besoin de prendre sa destinée en main, il ne faut pas compter sur les autres pour se développer”, lance-t-il, avant de préciser que les bonnes intentions des pays riches demeurent seulement au stade de la parole. Si le Japon a fourni d’importants efforts dans le cadre de la Ticad et de la Jica (Agence japonaise de coopération internationale) envers le continent, Ibrahima considère que cette stratégie ne signifie pas que le problème du développement est pris sérieusement en charge. “Le Japon ne peut à lui seul impulser le développement en Afrique”, affirme-t-il, tout en appelant à une rupture dans la façon d’organiser le G8. “Il faut d’abord que le G8 respecte ses engagements”, indique Ibrahima, qui minimise l’apport des IDE dans la croissance. “Faut-il qu’il y ait de l’épargne ? Le drame de nombreux pays africains, c’est qu’il n’existe pas d’environnement sécurisé, sans compter le fait que les étrangers y débarquent pour faire des profits.” Ce qui n’est pas de l’avis de Michael Chebud, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Fortune d’Éthiopie qui considère que l’Afrique a besoin encore d’assistance. “Il faut encore de l’aide dans un moyen terme, mais à long terme, le transfert de technologie sera indispensable pour le développement afin qu’il puisse produire et transformer ses propres ressources”, souligne-t-il. “C’est d’abord une question de sécurité pour l’Occident”, réplique de son côté Ramadan Abdelkader de l’Egyptian Gazette, un quotidien égyptien édité en anglais. Tout en faisant remarquer que l’instabilité en Afrique touche le monde occidental, il relève que peu de promesses ont été tenues, ce qui constitue un discrédit pour le G8 qui continue de ne penser qu’à ses propres intérêts immédiats, mondialisation oblige. Pour Ramadan, “le Japon reste crédible en Afrique vu qu’il n’a pas de passé d’ancien colonisateur dans ce continent ni ailleurs, ce qui lui permet d’avoir une politique africaine assez offensive”. Quant à la problématique du transfert technologique, il estime, cependant, qu’avec les répercussions du réchauffement climatique sur la planète, les pays riches n’auront d’autre choix que d’accepter que les pays en développement puissent accéder aux nouvelles technologies. Mais dans quelle limite ? On ne sait pas. “Il faut commencer par l’agriculture”, soutient le Ghanéen, E. Kingsley Hope, du journal The Ghanain Times, qui considère qu’avec les ressources du continent, ce dernier est à même de régler à lui seul la crise alimentaire. “Le Japon a réalisé que l’avenir est en Afrique”, ajoute M. Hope, qui s’interroge si le G8 va enfin respecter ses promesses. “Ce dont nous avons besoin ce sont les technologies pour améliorer les rendements agricoles, comme c’est le cas au Ghana, en Tanzanie
et même en Éthiopie, où on cultive
le café !”
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Posté Le : 08/07/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salim Tamani
Source : www.liberte-algerie.com