Marine Le Pen propose que l'on baptise de prénoms français les
enfants d'immigrés nés en France pour faciliter leur intégration. Elle rejoint
en cela une proposition d'Eric Zemmour qui avait déjà
fait polémique.
Les Jennifer, Vladimir et autres Nico las (d'origine grecque) peuvent trembler. Là
encore la rhétorique achoppe sur la réalité, qu'est-ce qu'un prénom français ? Un
prénom du calendrier, donc un prénom chrétien qui deviendrait la norme dans une
république fermement laïque ? Un prénom rattaché à l'histoire de France, Zinnedine serait alors toléré puisqu'il fut le premier
français à avoir soulevé une coupe du monde de football. Les prénoms bretons
qui furent interdits jusqu'au milieu des années 60 sont aujourd'hui
parfaitement français.
Hormis le fait que ce serait nier la charge
issue de l'Inconscient qui relie un individu à une histoire et à un mandat transgénérationnel, imposer un prénom ne réglerait sans
doute pas les problèmes dus à la couleur de peau ou au faciès, ni même de
patronyme (par exemple Zemmour vient du berbère «
olive », le prénom Eric n'y change rien). Le résultat pourrait être opposé à ce
qui est escompté, il serait facile de railler ceux qui n'ont « pas une tête à
s'appeler François ».On veut aller plus loin que l'habituelle assignation
identitaire, ce n'est plus l'intégration qu'on recherche, ni l'assimilation, c'est
la dissolution !
Soyons sérieux, personne
n'est dupe, ce n'est pas en baptisant différemment les « Français de branche »,
les éternels « issus de » que l'on réglera leurs difficultés, que l'on réduira
les discriminations au logement, à l'emploi, cela n'aura aucun impact sur les
contrôles au faciès.
Cette proposition vient dans un contexte politique où la
libération de la parole raciste n'a jamais été aussi forte et où la mise en
accusation des Français jusque-là, issus de l'immigration, devenus aujourd'hui
«Français d'origine étrangère» est un fonds de commerce commode. On les
accusait depuis longtemps d'être des délinquants, voilà qu'aujourd'hui on leur
reproche par une analyse tronquée des statistiques, de faire chuter les taux de
réussite de l'enseignement français.
Pire, on
ressuscite, le mythe de l'armée de l'intérieur, quand un député de la majorité
propose qu'on interdise la double nationalité. Proposition qui fait écho aux
débats clandestins de la Fédération Française de Football où déjà on
associait double nationalité et risque de dissidence. La France ce vieux pays qui ne
se sent plus autant aimé n'est-elle pas jalouse de l'attachement que ces immigrés
auraient pour leurs racines ?
Derrière tout
cela s'exprime au moins deux fantasmes. D'abord celui de la nécessité de
contrôler l'étranger, son accès au territoire ce qui peut être légitime, mais
aussi éviter qu'il nous dilue, « 130 000 naturalisations par an c'est trop », déclarait
M Goasguen. En francisant le prénom, on va encore
plus loin en attendant qui sait de changer d'autorité le nom, ultime étape du
contrôle d'identité poussée à son paroxysme. Le second est celui du déni décrit
par Freud comme une non-considération d'une partie de
la réalité, déni d'une France qui n'est plus celle, mythique de l'époque du bal
musette, des colonies et des films en noir et blanc.
La
France d'aujourd'hui est tout aussi métissée que celle du 19ème
siècle où Zola et Gambetta étaient d'origine italienne, où Marie Curie qui
baptisait un minéral du nom de Polonium en référence à sa terre natale. La
mixture est différente, mais la recette est la même. Il y a sûrement plus de
mélanine chez ses Néo-Français, serait-ce leur crime ? On a envie de le croire,
différentes études et statistiques nous y invitent : un Arabe a 7 fois plus de
chance d'être contrôlé, quand un homme d'origine européenne postule pour un
logement il a 4 fois plus de chance de l'obtenir, un candidat avec un patronyme
français a 3 fois moins de CV a envoyer pour être recruté…
Et c'est ainsi
qu'on en revient à la question de l'identité. Pas du débat sur l'identité
nationale, cette triste pantalonnade qui n'aura servie qu'à lancer la curée à
laquelle on assiste aujourd'hui, où chacun se lâche et où il n'y a plus de
limite dans l'escalade et l'injure. Mais cette identité qui s'inscrit en
positif, qui se fait tout seul sans que de quelconque combattant d'arrière-garde
pense pouvoir la façonner. Celle qui se fait au jour le jour et qui parfois
nous surprend quand par exemple l'une des plus belles tables provençales est
tenue par deux frères nés au Pakistan ! Celle qui n'a que faire d'une pseudo-intégration, dont ceux qui en parle sont souvent
ceux qui la souhaitent le moins.
Ces Français-là n'ont pas besoin qu'on leur
dise comment ils doivent s'appeler.
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Posté Le : 21/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Madjid Si Hocine
Source : www.lequotidien-oran.com