Algérie

«Ne jetez pas vos filles dans la rue»



Agée de 27 ans, elle a, aujourd'hui, trois enfants dont deux enfants, qu'elle a eus plus jeune en tant que mère célibataire et elle l'assume très bien. Mais cela n'a pas été du tout facile pour elle...Dans le film Soula de Salah Issaâd elle incarne son propre rôle avec justesse et émotion. Elle nous parle ici des dessous de ce film et comment elle a réussi à dépasser toute cette souffrance pour avancer, tout en jouant dans un film à travers lequel elle dit faire passer un message aux parents...L'Expression: Vous incarnez le rôle principal dans le film Soula de Salah Issaâd. Un film inspiré de votre vie où l'on découvre des moments pas très joyeux. Comment avez-vous fait pour prendre autant de distance envers toute cette violence que vous avez subie'
Souhila Bahri: C'est quelque chose qui est enfoui en moi. Ce n'est pas difficile pour faire sortir quelque chose que l'on a vécu de ses tréfonds. J'étais contente quand Salah m'a proposé le film. C'est lui qui a porté ma voix. Salah et moi on se connaît depuis des années. On se connaît depuis près de dix ans, depuis que j'étais enceinte de ma première fille. C'est là où il a découvert ma vie de mère célibataire. Il me regardait. J'ai trois enfants dont deux que j'ai eu en étant jeune en tant que mère célibataire. Il m'observait. Je rigolais tout le temps. Je faisais de l'ambiance. Salah m'observait en silence. C'est là où il a eu l'idée de faire le film. Il aimait déjà le cinéma à l'époque. Il était parti étudier le cinéma en France. Il a fait de nombreux courts métrages. Le jour où il a décidé de faire un long métrage, il m'a appelé directement. Il a voulu faire un film inspiré de ma vie. J'ai eu mon premier enfant à l'âge de 17 ans. J'étudiais encore au lycée. J'ai préféré assumer moi-même. Je n'ai pas voulu entamer toutes les procédures auprès du juge pour assurer la paternité.... J'ai préféré les garder en leur donnant mon nom de famille. Le papa était plus âgé que moi. Je l'ai mis sur le fait accompli. Soit tu assumes, soit tu n'assumes pas. Il n'a pas voulu le faire. J'ai eu deux enfants avec lui. C'est un médecin. Ce n'est pas comme si c'était quelqu'un qui n'est pas éduqué ou un voyou..Il étudiait lui aussi. J'ai préféré les garder.
Pourquoi'
Je n'ai pas été élevé par mes deux parents biologiques. On m'a adopté quand j'avais une semaine. J'ai grandi avec mes parents adoptifs. J'ai en moi ce manque. Tu restes toujours pensive en se demandant pourquoi tes parents t'ont jetée..C'est pourquoi j'ai décidé d'assumer mes enfants. Je ne pouvais pas les abandonner.
Et quelles ont été vos impressions quand on vous a proposé de jouer dans le film'
Mon rêve était de crier au monde entier ce que je ressentais quand j'étais mère célibataire, et jeune. J'ai souffert et j'ai voulu raconter par quoi je suis passée. Je voulais transmettre un message à travers ce film en s'adressant aux parents qui jettent leurs filles dans la rue quand elles font ce genre de choses ou de bêtises...Au lieu de les soutenir, les épauler, d'être à leurs côtés, ils les jettent. Je voudrais leur dire, voila ce qui arrive à vos filles quand vous les jetez dans la rue. Bien sûr et heureusement, j'ai rencontré des gens bienveillants dans ma vie, qui m'ont aidée, mais je veux parler de la majorité de la société. J'ai été aussi traitée comme un paria, de par mon statut de mère célibataire. Alors, j'étais contente quand j'ai fait ce film, dans un seul but, celui d'éveiller la conscience des parents..Beaucoup de filles finissent aussi par jeter leurs bébés. On lit des choses affreuses dans la presse. Certaines les jettent dans la rue, d'autres l'emmènent au centre et ce, malgré elles...Si j'avais le pouvoir, je ferais une loi dans ce sens pour protéger ces mères célibataires et leurs enfants..
Pour un souci d'authenticité vous avez coécrit le scénario avec Salah Issaâd. Comment cela s'est passé'
Il avait déjà écrit le scénario. Je l'ai aidé dans les détails, les dialogues...je suis rentrée plus avec lui dans le détail de certaines séquences pour que cela soit plus crédible. Quand tu regardes le film,il faut savoir que tout cela a eu lieu, que ce soit à moi ou à d'autres filles. La seule chose en réalisant ce film et qui relève de la fiction est que la fin a été scénarisé. On a voulu montrer les conséquences de la souffrance de cette fille après 24h de déboires. Elle perd la tête...
Un mot sur les conditions de tournage à Batna entre autres'
On a tourné dans plusieurs villes. À Batna, Constantine, Annaba. Ça s'est bien passé. Il faisait un peu chaud, mais à part ça. Tout s'est déroulé simplement. Je n'ai pas eu de difficulté d'exprimer le réel devant la caméra. Bien que je connaisse bien le réalisateur, sur le plateau il était carré. C'était le réalisateur. Il n' y a pas d'amitié sur le plateau. L'équipe était très sympathique, que ce soit les comédiens ou les techniciens. Idir Benaibouche c'est un ami aussi. Je me sentais en confiance.
Vous n'aviez pas d'appréhension par rapport au public algérien en tournant centaines séquences gênantes dans le film'
Non. Aucune! En tant qu'Algérienne, vivant en Algérie, je défie quiconque qui viendra me dire que toutes ces choses-là n'existent pas en Algérie ou qu'il ne les voit pas. Si j'ai menti O.K. j'accepterai ces critiques en toute objectivité et fair-play, si ces choses n'existaient pas. Je ne dis pas que je donne une image de l'Algérie. Je ne généralise pas. Dans le film, j'aborde des cas de société, dont le mien. Je suis prête à affronter les gens. S'il y a des gens qui ont pris soin de leur fille, voisine... dans ce genre de situation, qu'ils viennent me le dire en face. Moi j'ai des preuves car j'ai vécu ce genre de choses. Je connais aussi des amies qui ont connu aussi cela..
Le film est en train de connaître un grand succès en ce moment...
Je suis contente que le film connaisse un tel succès car cela veut dire que mon message est en train de circuler. Je suis contente non pas en tant que comédienne, mais en tant
qu'individu qui a vécu ces choses-la..
Que comptez-vous faire après ce film'
C'est ma première expérience au cinéma. Je voudrai aujourd'hui passer à la réalisation. Je suis très sociable... J'aime les histoires des gens.. J'aime écrire. Je me suis inscrite cette année en licence de français. J'ai entamé ma première année. Je suis gérante de pharmacie aussi. Pour le cinéma, j'ai envie de faire des études dans ce sens. Je dois d'abord régler la situation de mes enfants.


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