Algérie

Navigation à vue et incertitude: Les transporteurs craignent le tram, les usagers les bus !


Le transport, le secteur de tous les maux à Oran. La wilaya qui compte plus d'un million d'habitants et qui a connu, ces dernières années,

une extension vers l'est, la création de nouvelles cités, la construction de nouvelles routes et un exode important des habitants de la ville vers les localités limitrophes, a toujours été mal transportée.

Du point de vue de la circulation, du stationnement, d'exploitation des lignes urbaines et rurales, Oran n'a pas encore adopté le modèle adapté à ses besoins et son statut en tant que 2ème ville du pays. Le transport reste le sujet quotidien des usagers vu sa complexité et son importance en même temps. On n'entend que des critiques, jamais des éloges pour ce secteur qui voit grand avec la réalisation du tramway mais qui se fait tout petit devant l'anarchie et la désorganisation qui ne finit pas de le gangréner. Qui est responsable de ce désastre ? La première institution pointée du doigt est la direction des transports bien que d'autres acteurs tels que les communes, la sûreté et les travaux publics sont partie prenante dans cette pyramide, conçue pour organiser le secteur.

On se renvoie la balle

Sur l'état des routes, le non respect de la réglementation, l'insécurité dans les lignes et le déficit enregistré dans le transport en commun, on se renvoie la balle entre les différents services. Le citoyen se sent toujours victime de la défaillance de responsables dans ce domaine et ne trouve comme moyen de dénoncer cet état de fait que par les critiques et parfois des injures et des disputes éclatées entre usagers ou avec les receveurs ou les chauffeurs de bus. Pourtant, il est le dernier maillon de la chaîne et indissociable de la pyramide. L'usager se défend soulignant qu'il est humilié et méprisé quotidiennement par les receveurs et les chauffeurs car il suffit d'un mot de trop pour que la situation dégénère dans un bus, il considère que faire preuve de civisme dans cette «jungle» serait mal placé.

Alors comment remettre ce secteur sur rail et laisser le citoyen caresser le rêve d'un trafic fluide et bien organisé, de routes bien bitumées, d'un stationnement régularisé et d'un respect du code de la route rigoureux ? C'est la question qui reste posée. Tout le monde parle de la fameuse phrase «il y a beaucoup de choses à revoir» mais qui met la main dans la pâte pour redresser la situation ? Il ne suffit pas de dénoncer mais de faire un diagnostic et trouver les solutions à un problème donné. Chose qui n'est pas encore palpable sur le terrain du moins pour le moment.

 Pour les professionnels du transport, l'avenir du secteur n'est pas clair. Le projet du tramway a faussé tous les calculs des opérateurs et nombreux sont ceux qui vont mettre la clé sous le paillasson une fois ce chantier terminé. «Avec 6.500 taxieurs et 2.600 opérateurs et l'arrivée du tramway, nous ne savons pas où tout cela va mener», nous dira le représentant du syndicat de transport de voyageurs et de marchandises (SNTT). Selon ses estimations, 70% des transporteurs vont déclarer faillite avec la mise en circulation du tram qui compte 5.000 places. Faire des prévisions dans le secteur, cela s'avère difficile pour le moment, souligne notre interlocuteur, du fait que le plan de transport est inexistant et la commission technique n'a pas été en mesure d'élaborer une étude avec une vision claire sur le secteur. Ce syndicat n'hésite pas à afficher son pessimisme et exprimer une inquiétude sur le sort qui sera réservé à tous les professionnels au moment où les portes sont grandes ouvertes à l'investissement dans le transport.

Et le plan de circulation ?

Oran n'a pas encore son plan de circulation. Toute la campagne, tambour battant, menée, il y a quelques années, pour l'élaboration de ce plan n'a pas abouti après le rejet par la commission de wilaya d'une première étude. Actuellement, l'opération est relancée de nouveau. La direction des transports d'Oran a décidé de tout effacer et recommencer la procédure en lançant un avis d'appel d'offres national, cette fois-ci, pour la concrétisation de cette étude. Deux avis d'appel d'offres ont déjà été lancés et qui ont été infructueux car n'ayant pas attiré un nombre suffisant de soumissionnaires. La direction des transports s'apprête donc à lancer un 3ème avis d'appel d'offres pour le plan de circulation de l'agglomération d'Oran avec un nouveau cahier des charges. Dans le cas où cette opération n'aboutit pas, «nous passerons au gré à gré», a affirmé le directeur des transports. En parallèle avec cette action, la direction compte également réaliser, pour la première fois, le plan de déplacement urbain pour le groupement d'Oran. Un plan qui prend en considération le projet du tramway, actuellement en chantier qui prendra en compte tous les accès et points noirs du réseau de transport, le stationnement, la réglementation, le réseau bus et la logistique urbaine comprenant la circulation des poids lourds et les lignes urbaines. Un comité sera créé dans les prochains jours, par arrêté du wali, pour l'élaboration de cette étude. A travers ce plan de déplacement, la direction des transports compte réorganiser le transport au niveau du groupement d'Oran qui a connu une extension, ces dernières années, et inciter, par conséquent, les pouvoirs publics à revoir tout le transport de cette wilaya.

Des mesures pour certaines lignes

En attendant la concrétisation de ce projet, la direction des transports a pris des mesures pour alléger la pression sur certaines lignes. Plusieurs lignes ont été renforcées par deux ou trois bus avec une prolongation des horaires de transport en commun jusqu'à minuit au lieu de 23h durant ce mois de Ramadhan. En effet, les lignes 37, 41, 29, 34, 11, 59 ainsi que les lignes Boutlélis, El Braya, Es-Senia-El Kerma, Les Castor-Oued Tlélat et Aïn El Turck-El Ançor ont été renforcées. Quant à l'entreprise de transport d'Oran (ETO), elle compte actuellement 26 bus pour les différentes dessertes. Malgré ce supplément de véhicules injectés dans le secteur, l'usager citoyen ne ressent toujours pas une amélioration. La bousculade, le non respect des itinéraires, les disputes et le mépris de l'usager font partie du décor quotidien de la ville. Une ville qui grouille de véhicules de transport en commun et qui n'arrive pas à satisfaire les besoins de la population en matière de transport.

La ligne Oran-Boutlélis scindée en deux

 Pour régler le problème de transport qui se pose avec acuité dans la localité de Misserghine, la direction des transports a décidé de scinder la ligne Oran-Boutlélis en deux et partager les 80 opérateurs exploitant cette desserte entre les deux. La localité de Misserghine qui était jusqu'à présent qu'un passage pour aller à Boutlélis, sera avec cette nouvelle mesure qui sera appliquée après le mois de Ramadhan, une ligne à part entière avec un arrêt principal et un terminus. Les habitants de cette localité qui souffrent actuellement de la difficulté du transport et le diktat des transporteurs car l'escale à Misserghine se fait selon les humeurs des chauffeurs de bus et des receveurs, auront une desserte propre à cette commune. Selon le directeur des transports, les opérateurs vont bénéficier, pour activer sur ces deux lignes, de nouvelles autorisations d'exploitation. Les usagers ne seront plus obligés de s'arrêter aux Amandiers pour reprendre une autre correspondance à destination de la ville. Ils auront une ligne directe Oran-Misserghine.

Saturation inévitable ?

Après le gel de plusieurs années des dossiers au niveau des différents dispositifs de l'emploi de jeunes pour investir dans le transport, le secteur est maintenant ouvert aux investisseurs avec l'ouverture de toutes les lignes, nous dira le directeur des transports, à cet effet. Jusqu'à présent 574 dossiers ont été déposés à l'ANSEJ, la CNAC et l'ANGEM dont 51 dossiers pour le transport de voyageurs, 487 pour la marchandise, 31 pour le taxi, 3 pour la création de sociétés de taxis et 2 pour l'ouverture d'auto-écoles. Ce secteur ne cesse d'attirer du monde vu la facilité de procédure par rapport aux autres activités du point de vue paperasse ou crédit bancaire. L'opérateur est tenu de ramener un véhicule grand gabarit pour bénéficier d'une autorisation d'exploitation. Cependant avec l'ouverture, à grande dimension, du transport à l'investissement, le risque d'une saturation n'est pas écarté comme a été le cas durant les dernières années puisque 80% des dossiers déposés concernent le transport uniquement. Un signe révélateur de l'afflux des jeunes et des problèmes qui risquent de surgir à l'avenir si une étude bien ficelée n'est pas élaborée pour déterminer les besoins de la wilaya et les projections dans dix ou vingt ans. Oran compte 2.600 opérateurs et presque 6.500 taxis. Faut-il injecter davantage de véhicules dans le secteur ? La question reste posée.

Des mises en fourrière… mais

Une opération de contrôle a été lancée dernièrement à travers quelques arrêts de bus tels que Place Valéro, Gambetta, Dar El Beïda et Aïn El Turck. Une opération qui sera généralisée à toutes les lignes et qui sera menée en compagnie des services de sécurité. La commission de contrôle a sanctionné 32 opérateurs avec une mise en fourrière de 30 jours pour manque d'hygiène, changement d'itinéraire, non respect de la réglementation… Malgré ces inspections, les dérapages dans le transport sont toujours d'actualité. Une fois monté dans un bus, le citoyen ne se sent pas en sécurité. Il est d'abord agressé par le son assourdissant de la musique, lorsqu'il veut se faire une place, lorsqu'il réclame son ticket, lorsqu'il demande un arrêt et lorsqu'il veut descendre sans oublier le temps très lassant passé dans un bus.


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