«C'est l'un des plus brillantsjoueurs que j'ai eu à coacher durant ma carrière. Virtuose, véritable artistedu ballon, cet élément est un attaquant racé». C'est Lopez, ancien entraîneur du RCT (Racing Club de Tlemcen), qui avaitémis cette réflexion à propos de Rebaï Mohamed, plus connu à Tlemcen sous lepseudonyme de «Nava». Il était le cadet de quatre frères, tous footballeurs,issus d'une famille qui vivait dans une précarité avancée au quartier populairede Boudghène à Tlemcen. Ce surnom de Nava leur vient d'un ancien cyclistefrançais bien connu à l'époque. Chacun avait choisi une équipe. Les deuxpremiers évoluaient avec la fameuse équipe de l'Espérance Sportive de Tlemcen(EST), alors que le troisième, Mustapha, avait opté pour la JSM Tlemcen, ausein de laquelle évoluaient déjà les Sessou, Sid Ahmed, le gardien Redouane. Ce dernier club, créé en 1939,est considéré comme le premier club de la «Perle du Maghreb». Appelée alors leclub des «Blaghdjia» (les fabricants de babouches), la JSMT avait commeprésident Hadj Allal, le vendeur de bouteilles de gaz butane qui était unpersonnage aux qualités humaines irréprochables. C'est au milieu de cettefamille que Nava commença à taper dans un ballon. Comme tous ses semblables, iljouait sur les terrains vagues de Boudghène, Riad El-Kébir, le terrainDennouni, le Grand Bassin, le Champ, Riat El-Hammar et Mansourah, notamment.Selon son ami et ancien coéquipier Kaddour Miloud (une autre grande figuresportive de Tlemcen), Nava avait fait ses débuts en 1957 en cadets avec le RCT.Il formait avec Noureddine Belkhodja, dit «Senara», un duo d'attaqueredoutable. Sous la houlette de Carlos Lopez, un entraîneur franco-espagnol,Nava n'a pas mis trop de temps pour taper dans l'oeil de son entraîneur, qui netarda pas en l'espace de deux ans à le titulariser en équipe senior avec sescoéquipiers Benyellès Abdelkrim, Belkhodja, Mekioui dit Puskas, feu SabriBendimered et le gardien Sid Ahmed, soit tout un groupe de joueurs qui a prisplace aux côtés des Cervel, Bahmane, Komper, Hocine Chérif, Rachid Benhabib,Maâzouz, Benaï, Ahmed, pour ne citer que ceux-là. Après l'indépendance, le RCTdevint le WAT, qui, après le critérium, évoluait en division d'honneur, l'éliterégionale de l'époque. La saison 1965-1966 marquera lacarrière de Nava, car durant cette saison, le Widad de Tlemcen disputait letitre à l'USM Bel-Abbès des Khelladi, Fellah, Hennia, Benyamina, Lacarne etSoudani notamment. Mais le 14 décembre 1965 restera une date bien ancrée dansl'esprit de Nava. Ce jour-là, le Widad affrontait l'équipe de l'EMO au stadeBouakeul. Au cours d'une action dans les 18 mètres oranais, Nava fut carrémentdescendu par un défenseur adverse: «et là, je ne sais quelle mouche a piqué legardien oranais, Lagha Lahbib, qui effectua un sprint pour se jeter sur legenou droit de Nava, qui verra ses ligaments croisés complètement arrachés»,dira Kaddour Miloud. Inconscient, Nava fut évacué en urgence à l'hôpital. A Tlemcen, c'est le défuntprésident du Widad, Abdou Bendimered, qui évacua son joueur vers un hôpitalparisien où il passa près de quatre mois. C'est appuyé sur des béquilles qu'ilassista au fameux match WAT-USMBA joué à Tlemcen. Sans son maître à jouer et avecla complicité de son gardien de but Si Mohamed, ex-WA Casablanca, qui avaitlevé le pied ce jour-là, le Widad s'inclina par trois buts à zéro. Deux buts duTunisien Henia, dont le premier, à la 18', le fut sur un tir du rond central.Ce jour-là, Nava fondit en larmes, car il n'avait plus ses jambes pour venir enaide à ses camarades. Malgré des soins intensifs, Nava dut attendre près dedeux ans pour retrouver le terrain et la plénitude de ses moyens. La saison 1969-1970 a permis àNava d'étaler tout son talent avec les Belarbi, Khiati, Khelifa, Senara,Betahar dit Manoël, le gardien Verdier, Merad et Chiali. Il ne tarda pas àhisser le Widad au sommet sous la houlette du défunt entraîneur Balogh, unHongrois qui avait fait sa classe avec Puskas, Kocsis, Csibor. Le Widad estarrivé à remporter le titre de champion de la division Honneur. Face au Galliade Mascara, drivé alors par Khenane Mahi, c'était le dernier match de la saisonjoué à Tlemcen, sous une pluie torrentielle et sous la direction de l'arbitreKhellifi, qui s'était achevé sur le score de 1 à 0 au profit du Widad, le butétant inscrit par Bentahar à la 32'. Le lendemain, le journal de l'époque, «LaRépublique», titrait: «Sous la pluie et dans la boue, le Widad vainqueur».L'auteur de l'article soulignant: «Balogh a réussi là où Popov a échoué»,faisant allusion à un autre entraîneur yougoslave qui avait lui aussi donné auWidad une certaine allure. Quatre ans plus tard, Nava tira sa révérence, nonsans avoir permis au Widad d'accéder en division II, et une année plus tard endivision I. C'est donc en 1973 que Nava mis fin à sa carrière. Un parcours fait de joie, desatisfactions mais aussi de tristesse. La satisfaction était ces multiplessélections en Sélection d'Oranie et en 1970 en Equipe nationale. Son premiermatch avec les Verts a eu lieu en 1970 au stade de 19 Juin face à l'URSS. Cejour-là, le public oranais n'oubliera jamais sa fameuse talonnade qui a clouétoute la défense russe. A son époque, le professionnalisme était une optionpresque taboue. Pourtant, il a fallu de peu que Nava signe une licence enfaveur du club de Toulouse. Voulant rester près de sa famille, Nava, et aprèsune formation au CREPS d'Oran, embrassa la carrière de moniteur de sport, avantde sortir en retraite et de vivre humblement dans son quartier des Cerisiersauprès des siens. Un homme qui, par son parcours, a marqué le sport à Tlemcen.Serviable, humble, modeste, Nava était d'une gentillesse exemplaire. Malgré lepoids des années, la fatigue, Mohamed assistait aux rencontres du WAT ou de laJSMT, tout en donnant des conseils aux jeunes. Nava a fait rêver toute unerégion. Il a offert de la joie aux jeunes de son âge, aux milliers desupporters du Widad, dont on peut citer le défunt Belkheir Ba Ahmed, le marchandde vaisselle, Aïssa le peintre, Sepaoui, vivant modestement, qui savaient créerl'ambiance dans les tribunes. Tout ce monde a écrit une belle page sportive deTlemcen en faisant vibrer toute une wilaya sans rien recevoir en contrepartie.C'était un moment de rêve et une belle histoire.En fouillant dans sa mémoire, l'ami et le compagnon de Nava, Kaddour Miloud, nous racontecette histoire bien triste. Cela se déroulait en 1982, lorsque Nava, encompagnie d'un autre ami, est parti visiter des pays de l'Est. Notamment laYougoslavie, la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie à bord, tenez-vous bien,d'une Renault 4 ! Après avoir visité les pays des Balkans, le duo s'apprêtait àrentrer au pays. Ils ont préféré transiter par la Tunisie et passer une nuit à Annaba,la R4 pleine à craquer d'emplettes et de cadeaux. Après une nuit passée chez unami, le duo s'apprêtait à rejoindre Tlemcen. Mais à leur grande surprise, leurvéhicule avait les portes ouvertes et était vide de tout chargement ! La malédiction semble toujours s'acharner sur Nava. Aumoment où nous avions rendez-vous avec lui pour réaliser ce travail, il futévacué en urgence au CHU de Tlemcen pour subir des soins intensifs, sa jambeayant subitement enflé. Mohamed, ce sympathique athlète, mérite toutel'attention des dirigeants du Widad et de la famille tlemcénienne qui semblentindifférents à la situation d'un homme qui leur a procuré joie et satisfaction.Une aide matérielle et un réconfort moral ne seront pas de trop pour Mohamed,qui a été un joueur exemplaire et un éducateur hors pair.C'était une histoire bien triste qui a eu pour cadre en 1973 lestade des Frères Zerga. Ce jour-là, le Widad jouait un match décisif avec leNara d'Oran, avec comme enjeu l'accession en division I. Les tribunes étaient pleines àcraquer et la partie bien serrée. Les visiteurs, cantonnés en défense,donnaient du fil à retordre aux widadis. Le temps s'égrenait et le score n'apas chargé d'un iota. Il ne restait que treize minutes à jouer. Nava prit laplace de Benyekhlef. Et sur un débordement de Khelifa, Nava, bien embusqué,d'un tir croisé, ouvre le score et libère le public. Seulement, parmi les fanswidadis, il y avait un jeune atteint d'une insuffisance cardiaque qui, n'ayantpu supporter le choc de la joie, succomba, son coeur s'étant arrêté de battre. Sa mort soudaine jeta l'émoi cejour-là à Tlemcen. Deux évènements majeurs ont marqué la carrière de Navadurant tout un parcours sportif, brisant le rêve d'un joueur aux qualitéstechniques irréprochables qui le prédestinaient à un avenir prometteur. Unjoueur qui se distingue par une vision de jeu exemplaire, des coups de reins,des gestes techniques hors pair, des dribbles déroutants et des tirsfulgurants. Le premier évènement a eu lieu le 14 décembre 1965 au stade deBouakeul, lors de la rencontre EMO-WAT. Ce jour-là, Nava fut évacué dansune civière, le genou sérieusement touché, vers l'hôpital local pour lespremiers soins, avant de se rendre à Paris pour y subir une interventionchirurgicale et observer une période de convalescence de quatre mois. C'estavec des béquilles qu'il retournera dans son pays, la mort dans l'âme. Cetteblessure a provoqué chez l'avant-centre du Widad une première cassure, bienqu'il ait retrouvé quelques années après la plénitude de ses moyens. Mais lavivacité, l'ardeur et la hargne qui étaient les siennes avant la blessuren'étaient plus celles d'avant. Nava avait alors perdu grandement de sa superbe. Le deuxième évènement qui marquasa vie de sportif demeure encore une fois une deuxième blessure reçue lors dujubilé de son ami et un grand sportif de la wilaya, en l'occurrence KaddourMiloud. Au cours du match, Nava s'est fracassé le talon d'Achille, ce quil'obligea à observer une longue période d'inactivité, car plâtré. Triste sortpour un joueur de football qui n'a pas fait parler la poudre trop longtemps endépit de son potentiel, de ses atouts et de sa technique considérée commeexceptionnelle par tous les observateurs. Deux méchantes blessures et deux momentsdouloureux qui ont fait basculer la carrière d'un joueur. Tout le monde àTlemcen se rappelle ses slaloms, ses jeux de jambes, ses coups de reins, sesdribbles déroutants et ses passes décisives. Durant toute sa carrière, Navan'a raté aucun penalty: c'était le seul qui était chargé de botter ces coups deréparation. Feu Baker de Mascara, Benchemina de Relizane, feu Krimo de Tiaret,Fellah de Bel-Abbès, Larbi du MCO, Djillali de l'ASMO, Hadir de Sig, Hezzab deSaïda en savent quelque chose à ce sujet. A ses coéquipiers, il montrait lavoie à suivre. Outre Nava, tout ce beau monde: les Senara, Khelifa, Bettioui,Abbès, l'ancien gardien de la Marsa, Verdier, Markovich, Maghfour,l'international Marocain, Popov le Yougoslave et Hadefi, avait permis au Widadd'entrer dans la cour des grands. Aujourd'hui, et ironie du sort, selon sonfils, Nava se trouve hospitalisé à l'hôpital de Tlemcen, souffrant de sa jambequi l'a cloué au lit un certain 14 décembre 1965. Les dirigeants du Widad etl'association des «Amis du WAT» sont interpellés pour prêter assistance etréconfort à ce monument de Tlemcen.
Allah y rahmou mon grand pere qu'allah lui accorde le paradi inchallah c'etais un homme en or ............ :'(
hind - marseille, France
23/11/2013 - 150374
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Posté Le : 20/03/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Saïd B
Source : www.lequotidien-oran.com