Lorsque j’ai lu, pour la première fois, le roman de Dalila Daouadji Naufrage d’une destinée j’ai tout de suite été frappé par deux choses : la facture de l’ouvrage et surtout la veine surprenante de l’écrivain.
Mon Dieu, que j’étais loin de ces bouquins alambiqués, entortilles qui empestaient l’étouffoir et l’édition bon marché !
Pour une fois, m’étais-je dit, quelqu’un me parle de ce que j’ai envie d’entendre. Autant l’écouter jusqu’au bout.
Et, croyez-moi, ce fut un régal tout au long du livre. Et pourtant, rien ne prédisposait cette scientifique à la littérature. Elle y est entrée comme on entre en religion.
Par la grande porte et par son talent. Plus qu’une saga au sens cinématographique du terme, Dalila nous invite à une grande épopée, l’épopée d’une vieille famille algérienne soudée derrière ses anciens, ces chênes tutélaires qui protégeaient le clan, mais que les vents contraires, finiront par courber.
Dans ce sympathique loft réglé comme une horloge suisse, garçons et filles, belles-filles et brus, ne parlent que de poésie, de tradition, de religion et de musique aussi.
Zyrieb tient une grande place dans leur cœur. Le passé flamboyant de l’Alhambra aussi. Comment pourrait-il en être autrement quand on vit à Tlemcen, au milieu des remparts, des dédales de la vieille ville, des dômes séculaires et des minarets almohades où les muezzins avaient, jadis, appelé princes de cour et serviteurs du royaume à la prière, où chaque pierre est une relique, où chaque relique est un morceau d’histoire arraché au temps et à la culture de l’oubli.
Les femmes tiennent une grande place dans cette fresque, parce qu’au pays des Andalous, elles doivent tout savoir, chanter, déclamer des poèmes, jouer du luth, dresser une table, tisser des burnous en soie, préparer des gâteaux aux amandes, les mets les plus délicats et les plus raffinés pour les soirées nuptiales. Mis dans ce havre ultra-aseptisé qui ne sied qu’aux «H'dars» et où la grand-mère, enfile, le soir, légende sur légende pour endormir ses petits, rien n’est jamais tout blanc ni jamais tout noir.
Stigmates des passions qui soudent, blessures souterraines, aucun membre du clan ne sortira indemne des écorchures du temps ni des éraflures de la vie. Tous en porteront les cicatrices en perdant, à chaque fois, un peu plus de leur candeur dans l’immense foire des désillusions. Divisée, éclatée puis recomposée, la famille traversera le siècle avec, pour tout viatique et pour tout passeport, son authenticité, son identité.
Sans doute pas encore habitée par le souffle de Tolstoï, Dalila Daouadji, n’en écrit pas moins avec ivresse, la tendresse de Tourgueniev en prime. Et c’est peut-être là, l’estampille de son génie. J’ai parcouru ce livre avec beaucoup d’émotion parce qu’il m’a permis de retrouver les hommes et les femmes, qui ont peuplé mon enfance, et de me réconcilier avec un rêve longtemps interrompu. C’est sans doute, pourquoi Victor Hugo disait souvent que, lorsque vieillard regarde le soleil qui se couche, le soleil qui se couche regarde le vieillard, qui se meurt…
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Posté Le : 15/05/2007
Posté par : nassima-v
Ecrit par : H. Delli
Source : www.infosoir.com