Algérie

Nathalie Quitane. Auteur de Grand ensemble



La littérature revisite l?Année de l?Algérie en France Nathalie Quintane dresse de l?« Année de l?Algérie en France » (2003) un audit poétique. Sans autre ambition que de nous embarquer dans ces mots qui font tilt dans les non-dits de l?histoire. L?auteure de Grand ensemble (éditions POL, avril 2008) réussit à nous interroger sur le sens des commémorations. Qu?en reste-t-il après le plaisir de rencontres parfois passionnantes, mais souvent sans lendemain ? Pas grand-chose, dit-elle, dans ce splendide radeau littéraire, fait pour être lu, ou mieux hurlé, lancé sur les flots tumultueux de l?incompréhension. Amère, elle pense au leurre de retrouvailles trop légères pour être sincères et trop éphémères pour nous projeter dans la résolution des contentieux. Pas assez vibrantes pour faire oublier les « on utilisera tous les moyens ». Nathalie Quintane est née en 1964. Son père a été un des soldats de cette guerre longtemps sans nom, dans les djebels : « Là où il y avait quelqu?un reste un goût de métal. Image de mâchoire défoncée, de moitié du visage ôtée, sans prendre de gants. L?humaine est une espèce à mains gantées, où rouge = beau, où bleu = ciel, où blanc domine, des laboratoires. L?espèce ricanante et sensible. Tue d?un revers. Pleure un lustre. Commémore ». Pensez-vous que « l?Année de l?Algérie en France » était décalée par rapport à la force de l?histoire ? C?est tellement ambigu les rapports entre la France et l?Algérie, entre les Français et les Algériens. C?était tellement compliqué? Cela m?a ennuyé que cela soit encore enterré sous les clichés, les approximations, les n?importe quoi. Je me suis dit que tout le pays était en train de faire un devoir de mémoire de façon maladroite. Je trouve que la manière dont c?était fait, et dont on en parle encore de nos jours, cela a été fait pour maquiller les problèmes réels, pour éviter le vrai travail (que font les historiens) que la société dans son ensemble ne veut pas faire alors qu?il est indispensable. Je pense que les gens, moi y compris avant que je n?entreprenne cette écriture, pensent qu?un spectacle, une petite fête, va arranger les choses, qu?avec quelques photos dans une médiathèque, tout le monde va être content et on passe à autre chose. On ne peut quand même pas tout condamner et tout mettre dans le même sac? Je n?ai pas vu tout ce qui s?est passé en 2003 dans le pays et je ne condamne pas en bloc, bien sûr. Mais j?ai l?impression, pas seulement sur cette année là, que sur la manière dont on peut parler de l?immigration des Algériens en France, puisque c?est lié à ça, je trouve que oui, ce qu?on retient dans la société prouve que cela n?a pas été aussi bien fait que ça. Dans ce cas, que faudrait-il faire ? Mon travail est un intermédiaire entre la narration et l?acte poétique, c?est pourquoi, il est constitué comme un recueil de textes. Je ne suis pas historienne. Ce que fait le livre, c?est ouvrir, disloquer les énoncés, pour qu?il y ait une circulation de sens qui s?installe, qu?on arrête de s?auto-mystifier, qu?on casse le béton mental qui nous enserre et qu?on mette un terme à une certaine forme d?exotisme. Je cite dans le texte quelque chose qui m?a frappée, c?est lorsque la médiathèque a voulu organiser un petit goûter avec des pâtisseries algériennes. Les responsables ont donc cherché des Algériennes mais elles n?en ont pas trouvées. Elles ont alors fait appel à des Marocaines. Pour la médiathèque, cela n?a pas posé de problèmes car je pense que cela n?en pose à personne. Il y a une espèce d?amalgame, de train train, de ronron, de gentillesse parfois mal placée. Ce livre essaie de revenir sur ce type d?anecdotes. On peut aussi extrapoler. Sur votre 4e couverture vous dites « ce livre donne corps à ce spectre » qui inclut l?immigration, la colonisation, le regard sur l?Afrique, tout ce qui vous semble dur à digérer? La France, plus que l?Angleterre, ancienne puissance coloniale aussi, a plus de mal que d?autres et l?arrivée de notre nouveau président de la République et ses discours avant et après son élection, comme celui de Dakar, en est une preuve supplémentaire. Il y a un embarras français, une difficulté. Cela ne s?arrange pas et plus le temps passe plus cela ajoute de la distance et une régression du discours. C?est ce que dit « Grand ensemble » ; le discours est régressif. Il faut faire quelque chose, car sinon des discours de Dakar on va en avoir d?autres et c?est intolérable, ce n?est plus possible pour les personnes à qui c?est adressé et c?est aussi insupportable pour les Français.


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