Algérie

"Naqd", la revue qui ne passe pas à l'université algérienne




La revue dont 18 numéros sur les 34 édités jusque-là sont épuisés, continue son petit bonhomme de chemin grâce à l'engagement de ses concepteurs et malgré un prix en dessous du prix de revient.C'est à croire que le pays a un sérieux problème avec son élite : la revue Naqd, lancée il y a vingt-cinq ans par une brochette d'intellectuels algériens et dont les études sur nombre de sujets de société que vivent les peuples du Maghreb et du Moyen-Orient sont réputées pour leur pertinence, a bonne presse dans de prestigieuses universités de par le monde, et pas dans les universités algériennes.C'est la révélation faite hier par Daho Djerbal, maître de conférences en histoire contemporaine au département d'Histoire, université d'Alger II et directeur depuis 1993 de cette revue d'études et de critique sociale. "Je trouve que c'est un drame que des universités comme Oxford, Harvard, Columbia, Cambridge soient abonnées à la revue Naqd et pas une université algérienne, depuis 25 ans !", a-t-il révélé aux journalistes en marge d'une table ronde organisée à l'hôtel Sofitel, à Alger, à l'occasion du 25e anniversaire de la fondation de la revue."On a donné deux fois des CD de la collection au Cerist, il ne les a jamais diffusés sur son réseau. L'an dernier, il a acheté un accès à la plateforme dans laquelle se trouve Naqd pour 400 000 euros alors qu'on le lui a donné gratuitement, mais il n'a jamais publié !... J'ai des preuves, il y a des correspondances !" a-t-il encore révélé.À la question de savoir si l'élite politique algérienne prend graine de ce qui est publié par cette revue, expédiée dans plusieurs pays, et comme cela se fait sous d'autres latitudes, Daho Djerbal s'est demandé s'il y avait d'abord une élite politique. "La réponse est à deux niveaux :Y a-t-il une classe et une élite politique ' Lit-elle Naqd ' Aucun parti n'a pris un abonnement avec Naqd. En Espagne, le parti socialiste (PSOE) a fondé un institut d'études économiques et sociales pour alimenter sa réflexion et sa pratique dans le domaine politique. Ici, aucun parti n'a de pôle de réflexion, de production de savoir (...) On peut parler de n'importe quel sujet, polémiquer, discourir et faire de la propagande, mais derrière, il n'y a aucun travail (...)" "Encore une fois, l'économie de la rente", ironise-t-il.Mais qu'à cela ne tienne, la revue dont 18 numéros sur les 34 édités jusque-là sont épuisés continue son petit bonhomme de chemin grâce à l'engagement de ses concepteurs et malgré un prix au dessous du prix de revient. "Nous payons de nos poches pour que cette revue soit accessible aux Algériens, aux Maghrébins et à tous les lecteurs", dit Djerbal, précisant que "c'est grâce à la société civile et aux lecteurs que la table ronde est organisée". "On a saisi la bibliothèque nationale, mais les responsables étaient insaisissables." "Aujourd'hui, dans le pays, tout se passe comme si on pense à ce qu'on ne fera jamais et on fait ce à quoi on n'a jamais pensé", ajoute-t-il, par ailleurs, comme pour suggérer qu'il n y a pas de réflexion autour de la conduite à prendre pour le pays.Et la polémique avec la France ' "Essayons de divorcer un peu de la France, il n'y a pas que la France dans notre horizon, univers... Dans beaucoup de pays, il y a des problèmes à régler avec le passé... Débarrassons-nous de ces débats algéro-français, ou franco-algériens. Je vous rappelle que dans la presse généralement, quand on parle des algériens en France, on parle des Franco-Algériens. On n'a jamais dit les Algéro-Français..." Pour le vingt-cinquième anniversaire, le thème retenu portait sur "Que signifie la pensée critique dans un monde en plein bouleversement '"Une pléiade d'intellectuels a été conviée pour intervenir, parmi lesquels Etienne Balibar, professeur émérite à l'université Paris-X Nanterre, Antonis Liakos, professeur à l'université d'Athènes, Mohamed Harbi, Guy Bruit, Madjid Bencheikh, Hocine Zehouane, Fadela Boumendjel Chitour, Fatma Oussedik et Ahmed Slimani.Karim Kebir


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