Le rapport Nabni 2012 arrive sur les bureaux ministériels. Ses
initiateurs soutiennent que les cent mesures proposées sont concrètes et peu
coûteuses et peuvent donc être mises en Å“uvre rapidement. Najy
Benhassine, économiste, expert international et co-fondateur
de Nabni revient sur l'aventure humaine qui a permis
la naissance d'un premier document dit du « court terme». Qui va être suivi
d'un autre, le rapport du cinquantenaire, en juillet 2012. Les officiels
peuvent-ils faire la sourde oreille ?
Maghreb Emergent: Vous
avez recueilli plus de 1300 commentaires autour de l'initiative Nabni. Quels enseignements avez-vous tiré de ce flux
d'informations ?
Najy Benhassine: La première surprise était l'engouement des
gens pour le concret. Un grand intérêt pour les choses qui peuvent avoir un
impact immédiat. Nous avons eu beaucoup moins de commentaires idéologiques qu'attendu. Les commentaires étaient très concrets et très
peu de remise en cause du projet lui-même. Autre constat relevé, le scepticisme
partagé par beaucoup d'internautes qui nous ont contactés. Ils posaient des
questions liées à la mise en Å“uvre des propositions. Nous pensons avoir répondu
à ces inquiétudes dans les vingt dernières mesures qui portent sur la capacité
institutionnelle à mettre en place des mesures proposées. D'autres commentaires
étaient axés sur l'urgence d'entreprendre des changements dans l'éducation et
la santé par exemple et ce par souci de visibilité à long terme. Mais le gros
des idées concernait des solutions à la bureaucratie et sur les institutions et
la gouvernance. L'entreprise et l'économie en général intéressaient moins.
Comment avez-vous
opéré à la sélection de vos mesures ? Est-ce que une partie de ces mesures
étaient déjà prêtes avant la collecte des propositions sur Internet ?
Un des critères de
sélection de ces mesures était qu'elles soient réalisables en 12 mois. Nous
avons vu que dans d'autres pays c'est tout à fait faisable. Le gouvernement
anglais l'a fait lors de l'élection de Tony Blair. C'est vrai que prises
ensemble, ces cent mesures ont besoin, pour être appliquées, d'une organisation
de l'exécutif avec un cahier des charges spécifique pour suivre l'application
de ces mesures. Très honnêtement, les cent mesures n'étaient pas prêtes. Sur
certains sujets nous avions nos idées notamment pour ce qui est de l'économie, sur
l'emploi ou l'entreprise, mais la grande majorité des mesures proviennent ou
bien des consultations avec des experts ou des membres de l'initiative. Il y a
peut être une dizaine de mesures au total qui proviennent des internautes.
Il y a eu des
critiques sur certaines mesures jugées d'inspiration libérale comme celles
relatives à la libéralisation des marchés des changes ou encore
l'externalisation de certaines fonctions de l'hôpital…
Nous avons tout au
long des consultations et de la collecte des avis tenu-compte
des critiques qui nous ont été faites. Pour ce qui est de l'externalisation de
certaines fonctions non médicales de l'hôpital nous nous sommes dit que cela
pourrait se faire de manière pilote sur certains axes tout en maintenant les
emplois. Donc une sorte de transition en douceur. Cela dit, nous avons un
document contenant toutes les critiques que nous avons jugées assez fortes. Nous
devrions le rendre public d'ailleurs. Nous avons tenu compte de toutes les
remarques que nous avons trouvées fondées. Les idées proposées et publiées ont
déjà fait leurs preuves dans d'autres pays. Idéologiquement, je trouve que les
cent mesures demeurent neutres.
Une logistique
importante a fait vivre l'initiative Nabni. Comment
s'est organisé votre travail et de quelle façon les futurs besoins financiers
de Nabni 2020, votre prochaine initiative, vont être
comblés ?
Jusqu'à maintenant
cela s'est fait d'une manière un peu artisanale. Chaque membre du noyau des
initiateurs a donné du sien jusqu'à la publication des cent mesures. Le gros
des dépenses a concerné justement cette publication. Il y a également la
traduction des textes et l'organisation d'événements liés aux consultations. Si
nous voulons maintenant réussir l'exercice 2020 et produire un rapport bien
documenté dans un an, nous devrons aller vers plus de consultations de terrain.
Cela demandera plus d'organisation d'événements et de rencontres de
consultations. Nous pourrions peut-être faire alors sponsoriser quelques-unes
de nos manifestations.
Une des dernières
mesures proposées par Nabni, est la création d'une
instance d'évaluation des politiques publiques. Est-ce Nabni
qui va, avec son observatoire, incarner cette instance d'évaluation ?
Non. Ce serait, en
fait, plutôt une institution publique indépendante qui existe dans beaucoup de
pays rattachée le plus souvent au parlement. C'est quelque chose de très
rigoureux qui demande beaucoup de moyens. Nos ambitions dans l'évaluation des
politiques publiques sont plus mesurées. Nous voulons mettre en place un
observatoire pour prendre certains sujets des politiques mises en place et les
débattre à une grande échelle L'observatoire n'aura pas comme mission de
délivrer de bons ou de mauvais points mais de déterminer quelle est la
meilleure manière d'évaluer telle ou telle mesure et aussi de tenter de
comprendre pourquoi cela a échoué ou pourquoi cela a marché.
Est-ce que vous
avez déjà eu une réaction de la part des institutions publiques, politiques et
autres que vous avez contactées ?
Pas encore. Nous
avons une longue liste de destinataires de notre rapport. Nous allons
rencontrer tous ceux qui voudront parler de ces mesures avec nous. Nous
proposons de présenter le rapport et d'expliquer quel est le but de notre
travail. Nous avons toujours l'ambition de faire prendre en charge tout ou
partie de ces mesures par l'exécutif dans un agenda du cinquantième
anniversaire de l'indépendance. Nous allons d'ailleurs enchaîner avec Nabni 2020, afin de produire en juillet 2012 un rapport du
cinquantenaire qui ouvre des pistes de propositions de plus long terme
comparativement aux actuelles cent mesures. La qualité de ce que nous allons
faire pour Nabni 2020 va, en partie, dépendre de
l'étendue du retour qu'on aura sur le contenu des propositions que nous venons
de publier. Un retour de la part de certains ministères, du patronat ou
d'autres organisations sur certains sujets abordés cela va enrichir notre
travail. La production de notre initiative reste toutefois ancrée dans la
société civile auprès des acteurs de terrain et des experts.
Est-ce qu'il est
possible d'engager de telles mesures sans changement politique préalable ?
Des plans
ambitieux et urgents dans plusieurs secteurs ont déjà pu être appliqués dans
d'autres pays sans grands changements politiques. Nous avons l'exemple de
l'Inde qui a lancé, au milieu des années 90, un grand programme économique radical
sans qu'il y ait de mutations profondes au niveau décisionnel. Nabni n'est pas dans la grande politique, celle des enjeux
constitutionnels. Ni dans la politique partisane. Ceci dit, lorsque nous
proposons de taxer fortement les actifs du foncier industriel inutilisés afin
de lutter contre la spéculation, nous savons bien que nous touchons des
intérêts et sommes donc dans le politique. Les vingt dernières mesures de Nabni traitent de la gouvernance, et donc, d'une certaine
façon, des conditions minimales de succès dans les politiques publiques. Ne
serait-ce qu'à ce niveau, une dose de changement dans les pratiques est
nécessaire.
Entretien réalisé
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Posté Le : 12/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salim Haïrouz
Source : www.lequotidien-oran.com