Après des années de rêve, Nadia Benamar est confrontée à la réalité du terrain de la vie quotidienne. La famille passe avant tout. Il fallait prendre soin du mari et éduquer les enfants. Une mission lourde. Nadia Benamar tire le frein à main de l’écriture.
Nadia Benamar a quitté Boghni il y a des décennies. En partant de sa région, elle a oublié, comme tous les exilés, de prendre avec elle quelque chose de très important : son cœur. Maintenant, elle vit et travaille à Oran et sa douleur l’accompagne partout.
Où qu’elle soit, taqbailit lui manque. Pourtant ses enfants parlent en kabyle et elle fréquente l’association Numidia, le berceau des enfants de la région. Plus encore, elle conjure sa nostalgie en composant des poèmes. Le mal ne cesse que le temps de la composition du poème. Juste après, il revient, comme un fantôme. Nadia vit à Oran depuis 1981. Un quart de siècle ou l’âge de sa fille aînée ! Le temps passe vite, elle l’avoue et qui pourrait ne pas l’avouer ? Quand est-ce qu’elle a commencé à écrire des poèmes ? «Aussi loin que ma mémoire remonte dans le temps, j’ai toujours écrit des poèmes en langue française. C’était depuis l’école primaire. Dans mon enfance, j’étais férue de poésie. Je lisais beaucoup les poésies de Victor Hugo et de Lamartine», raconte-elle avec une pointe de nostalgie.
Le mariage freine ses élans de jeunesse. Après des années de rêve, Nadia Benamar est confrontée à la réalité du terrain de la vie quotidienne. La famille passe avant tout. Il fallait prendre soin du mari et éduquer les enfants.
Une mission lourde. Nadia Benamar tire le frein à main de l’écriture. Mais la poésie est une maladie incurable surtout pour les gens qui vivent loin de leur terre natale. Un jour ou l’autre, elle reviendra vous hanter. Sa mission de mère enfin bien accomplie, Nadia Benamar renoue avec la plume. Cette fois-ci, dans sa langue maternelle. A quoi est dû ce revirement linguistique ? L’assassinat de Lounès Matoub en 1998. Son premier poème en tamazight s’intitule Tighri. Il évoque le Rebelle. «J’avais ressenti la plus grande douleur de ma vie à l’annonce de son assassinat», dit-elle, les larmes aux yeux.
Depuis, elle n’écrit plus qu’en kabyle. Elle a composé plus de cent cinquante poèmes en français et en kabyle. Elle a participé à un concours de poésie, organisé par l’association Anoual et a obtenu un prix d’encouragement. Nadia Benamar dira : «La poésie résume tout, elle me fait vivre, me donne de l’oxygène. Je retrouve ma sérénité en écrivant des poèmes. C’est une relaxation. J’écris la nuit…aux environs de trois heures du matin, dans les moments difficiles. Quand je suis bien, je n’écris pas. Je rédige mes maux». A la question de savoir quel était son poème préféré ? Elle répond : «A chaque fois que j’écris un nouveau poème, je le considère comme le meilleur. Le meilleur, c’est celui que je n’ai pas encore écrit». Ses sujets : «J’écris sur ce que je vis et sur ce que les autres vivent».
Après avoir baigné dans la mer de la poésie pendant des années, Nadia Benamar a entamé un travail d’écriture très important depuis quelques mois. Il s’agit de la traduction du roman autobiographique de Fadhma Ath Mansour : Histoire de ma vie vers le kabyle. En tamazight, le titre donne : Amezruy n’tudert iw.
Des chapitres de cette traduction sont publiés chaque mois dans la revue de l’association Numidia Takukt. Nadia Benamar collabore régulièrement dans cette publication associative. Quand elle parle, son visage reflète une blessure intérieure éternelle, que ni son sourire permanent, ni ses poèmes, ni le temps ne parviennent à dissimuler. Cette plaie lui permet d’écrire, de rester jeune d’esprit mais surtout de rester Kabyle. Une vraie Kabyle.
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Posté Le : 07/08/2007
Posté par : nassima-v
Source : www.dziriya.net