De nombreux tribunaux du pays ont acquitté des manifestants poursuivis pour avoir brandi le drapeau amazigh, alors que celui de Sidi M'hamed (Alger) a prononcé des peines fermes contre plusieurs détenus pour des faits similaires ! Pourriez-vous nous expliquer cette différence de traitement des dossiers des détenus du hirak 'Le verdict prononcé confirme le caractère exceptionnel du tribunal de Sidi M'hamed. Il confirme aussi ce que nous avions dénoncé, dès le départ, à savoir que les dossiers sont préfabriqués. Inventer une infraction qui n'existe pas dans le code pénal constitue une entrave à la loi et à la justice. Des juridictions (Annaba, Constantine, Guelma, Chlef, etc.) ont acquitté des détenus, et hier, celui de Bab El Oued a fait de même. On a atteint un degré d'allégeance très grave pour la justice. Tout ce qui s'est passé dimanche et lundi au tribunal de Sidi M'hamed n'honore pas la justice. On ne comprend pas pourquoi ce tribunal se singularise par ses décisions et ses procédures ! Il y a un abus de procédures.
Dans le cas d'une élue condamnée à une peine ferme, il sera mentionné dans son casier judiciaire qu'elle avait porté atteinte à l'unité nationale et ne pourra plus se porter candidate à une élection, et un médecin condamné ne pourra pas postuler pour un poste dans un hôpital public. Avec nos clients, nous ferons appel et irons très loin pour que cette sentence ne soit pas portée sur leur casier judiciaire.
Nous ferons aussi un pourvoi en cassation au niveau de la Cour suprême afin que leurs casiers judiciaires ne soient pas salis par une telle peine. A travers leurs décisions, les juges du tribunal de Sidi M'hamed envoient malheureusement un signal à l'opinion selon lequel le tribunal est aux ordres.
Les juges reconnaissent, eux-mêmes, qu'ils subissent des pressions, alors que beaucoup dénoncent une justice à deux vitesses. Qu'en pensez-vous '
Aujourd'hui, il y a des juges honnêtes qui se battent pour être réellement un pouvoir judiciaire et non pas un appareil et il y en a d'autres qui veulent rester un appareil pour servir d'autres intérêts. Ces derniers sont les plus dangereux, car la notion de responsabilité n'existe pas dans leurs têtes. La démocratisation de la corruption, sous l'ère Bouteflika, a fait des dégâts dans le secteur judiciaire. Il y a tellement de juges qui ont extrêmement peur, parce qu'ils traînent des casseroles. Le président du Syndicat des magistrats a reconnu que nous n'avions pas de justice indépendante depuis 1962. Cela ne l'a pas empêché de négocier et de casser la grève des juges pour des augmentations salariales. Cela veut dire qu'il a subi des pressions. On ne peut pas opérer un changement d'attitude de manière aussi radicale.
Le peuple doit continuer à se battre pour avoir une justice indépendante, qui lui garantira un Etat de droit. Le peuple, en réclamant l'indépendance de la justice, a pris conscience que les jugements sont rendus en son nom. A ce titre, il doit continuer à se battre pour aider les hommes et les femmes de ce secteur à se libérer. Beaucoup m'ont fait le reproche d'avoir soutenu la grève des magistrats. J'ai expliqué que je ne soutenais pas des hommes, mais l'idée d'une indépendance de la justice.
Ce qui est extraordinaire avec le hirak, c'est qu'il y a comme un filtre qui est en train de faire le ménage. Le mouvement de grève des magistrats a démonté qu'il y a un espoir qu'il faut encourager. Si cette grève était allée plus loin, on aurait arraché plus d' acquis.
Propos recueillis par Hocine Lamriben
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Posté Le : 14/11/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Hocine Lamriben
Source : www.elwatan.com