Algérie

Nabila Aghanim. Astrophysicienne et cosmologiste algérienne au CNRS (France) : «Notre découverte est un premier pas pour mieux appréhender la théorie du Big Bang»



-Quelle importance revêt la dernière découverte et quel sera son impact sur l'astrophysique, la cosmologie et les autres disciplines 'Depuis 2017, mon équipe et moi menons un programme de recherche financé par European Research Council, dont le but est de débusquer la matière cachée de l'univers dans les plus grandes structures qu'il contient, à savoir les filaments cosmiques. Les observations astronomiques nous renseignent sur les ingrédients qui composent l'univers. Elles nous en indiquent principalement trois : la matière ordinaire, constituée des neutrons et protons formant les atomes ; la matière noire, constituée de particules dont on ignore la nature physique mais dont on voit les effets de manière indirecte, comme via la déformation des images des galaxies ; et pour finir l'énergie noire, cette composante mystérieuse qui fait que l'expansion de l'univers est de plus en plus rapide.
La matière ordinaire se trouve sous une forme dense comme les planètes, étoiles et galaxies. C'est celle qui émet la lumière observée par les astronomes.
Elle existe aussi sous une forme diluée de gaz, principalement d'hydrogène qui remplit la toile cosmique. La théorie, fondée sur l'étude des réactions entre noyaux pendant les quelques minutes qui ont suivi le Big Bang, et les observations du rayonnement fossile, la plus vieille lumière de l'univers, par le satellite Planck indiquent que la proportion de matière ordinaire primordiale est environ 5% ; mais lorsque l'on décompte la matière dans les réservoirs observés de matière ordinaire dans l'univers, on n'en retrouve que la moitié. Où est donc cette matière manquante ' Est-elle cachée dans les méandres de l'univers ' Son absence indique-t-elle une différence fondamentale entre la théorie et les observations '
-Peut-on parler d'une révolution scientifique '
Dans l'hypothèse que la formation des premiers atomes s'est déroulée comme le prédit la nucléosynthèse primordiale, les simulations numériques présagent que la matière cachée est presque aussi âgée que l'univers lui-même et qu'elle se trouve dans les filaments qui forment la toile cosmique. C'est là que nous l'avons traquée et finalement trouvée. Pour ce faire, nous avons identifié 15 000 filaments aux tailles colossales, environ 300 millions d'années-lumière (le diamètre de notre galaxie est, quant à lui, de 100 000 années-lumière) et ils ont empilé le signal très faible de leur contenu en gaz d'hydrogène. Nous avons ainsi mis en évidence, pour la première fois, l'émission dans les rayons X de la matière cachée, enfin révélée.
-Pourquoi cet intérêt pour la matière invisible ' Vers où ouvrira-t-elle les portes '
Cette découverte est un premier pas vers la confirmation des prédictions de la formation des atomes quelques minutes après le Big Bang, mais pour conclure, il faudra compter précisément les quantités de matière présentent dans tous les filaments de la toile cosmique mais aussi les ponts de matière entre amas de galaxies. Cela nécessitera de nouvelles et plus précises observations et des modèles théoriques plus fidèles. Tout un programme !


Propos recueillis par Omar Arbane
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