Algérie

Nâama Ruée vers les terfès



Les truffes, ces tubercules que forme le réceptacle de certains champignons et qui constituent un mets très prisé de par son goût succulent (le diamant de la cuisine), commencent à faire leur apparition sur les étals des marchés populaires de la wilaya de Naama, à la faveur des dernières pluies qui se sont abattues sur la région. Loin d'expliquer scientifiquement le phénomène, Hadj Larbi, éleveur de la région, dira tout simplement que la naissance des truffes est subordonnée à l'abondance des pluies en hiver. Une fois la terre chauffée, elle donne naissance à une plante connue sous le nom d'«El Guessis». «Là où El Guessis apparaît, nous confie El Hadj, la zone sera, à coup sûr, prolifique en terfès». El Guessis est donc un signe révélateur de présence des truffes. «Il existe dans la région de Naama deux sortes de truffes: la blanche dite «Benhourech» et la truffe rouge, plus consistante en éléments nutritifs. Hadja Fatna, une octogénaire habitant le quartier d'El Graba, nous confie que la présence des terfès au printemps était traduite chez les autochtones d'antan comme étant synonyme d'une bonne année «El âm zine», en ce sens que les terfès profitaient à tout le monde. Les gens allaient en chercher à quelques encablures seulement de la ville. On vendait un peu aux riches et le reste est cédé aux pauvres gratuitement. Lorsque l'année est prolifique, on se permettait même de sécher les truffes et les conserver pour agrémenter le couscous de «Lilt el âm» (le jour de l'an amazigh ou Nayer). Les truffes, selon El Hadja Fatna, rentrent dans la préparation de toute une variété de plats aussi succulents les uns que les autres. En matière culinaire, les truffes peuvent être associées aux petits pois, aux oeufs (omelettes aux truffes). Mais le plat le plus prisé reste sans conteste «Refsa». Truffes assaisonnées au beurre de la brebis. «Il n'y a pas mieux qu'une Refsa, dira El Hadj Fatna, pour s'armer contre le froid glacial de la région». Certains témoignages recueillis en zone rurale, dans le milieu des éleveurs, font état d'utilisation des truffes séchées à des fins thérapeutiques pour traiter des plaies cancéreuses chez l'animal domestique notamment. El Hadja se souvient avoir vu son père traiter sa vache en appliquant des truffes séchées sur des plaies causées par des piqûres d'insectes. Pour une ruée vers les terfès, c'en est une, ces derniers temps, à Naama. Entassés dans de véritables tacots, équipés de tentes, d'ustensiles de cuisine, de couvertures, les chômeurs locaux, qui ont trouvé en cette conjoncture providentielle une aubaine pour glaner quelques sous, se ruent sur les zones frontalières de la wilaya, Kasdir, Benamar et Aïn Benkhelil notamment. Guidés par des gens rompus à la profession, ils passent généralement 3 à 4 jours sur les lieux avant de revenir avec une quantité assez importante de truffes qu'ils revendent au kilogramme. Des pièces de la grosseur d'un oeuf de poule sont cédées entre 450 DA et 500 DA le kg. A Mécheria, le plus grand centre urbain de la wilaya, c'est au marché dit «La Bastille» que les terfès se vendent à même le sol. Alignés côte à côte, les vendeurs de circonstance exposent leur marchandise dans des sacs en toile. Ils ne fixent pas le prix; ils attendent l'offre. Une grande animation règne au niveau de ce marché. D'interminables palabres sont engagées alors entre marchands et clients avant d'extirper la marchandise. Les marchands de truffes ne consentent généralement de rabais que si le client accepte d'acheter au «Joumla». Ainsi donc pour un sac de 10 kg, par exemple, on peut consentir un rabais de 50 DA seulement au kg. «Mafihoumch Sahbi», disent-ils. «Comme si c'est eux qui les ont semées et irriguées», ironise à mes côtés Daho Belkhadem, rencontré sur les lieux. Le marché des terfès, à Naama, n'échappe pas lui aussi à la spéculation. Nombre d'intermédiaires s'interposent. Selon certaines indiscrétions, on parle même d'étrangers opérant en Algérie, des Syriens notamment qui achèteraient en gros des truffes sélectionnées jusqu'à 800 DA pour les acheminer dans leur pays, et de là vers l'Arabie Saoudite où ils les revendent à plus de 50 euros le kg. L'Etat devrait en principe s'intéresser à ce créneau qui favorise des rentrées assez importantes en monnaie forte», pense un citoyen.


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