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N LIGNE - INFO WEB - NATHALIE BONDIL : « LE MUSÉE DOIT PRODUIRE DU MIEUX-ÊTRE ENSEMBLE »



N LIGNE - INFO WEB - NATHALIE BONDIL : « LE MUSÉE DOIT PRODUIRE DU MIEUX-ÊTRE ENSEMBLE »

du lundi 12 juillet au lundi 26 juillet

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Le musée comme lieu de contemplation, mais aussi de vie, d’apprentissage et de découverte… Depuis dix ans, la Française Nathalie Bondil, directrice du musée des Beaux-Arts de Montréal, mène avec ferveur une politique muséale innovante prônant une approche humaniste et vivante de l’art.



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Nathalie Bondil : « Le musée doit produire du mieux-être ensemble »



Le musée comme lieu de contemplation, mais aussi de vie, d’apprentissage et de découverte… Depuis dix ans, la Française Nathalie Bondil, directrice du musée des Beaux-Arts de Montréal, mène avec ferveur une politique muséale innovante prônant une approche humaniste et vivante de l’art.



Délaissant les talons hauts pour des tongs plus confortables, Nathalie Bondil, frange franche et débit ininterrompu, fait visiter « son » musée des Beaux-Arts de Montréal de haut en bas, de long en large et en travers, s’arrêtant devant chaque objet, dont elle connaît par cœur et par amour l’origine, l’intérêt esthétique et l’importance historique. Directrice depuis dix ans de cette institution, poste auquel elle succéda à son mentor Guy Cogeval, qui vient lui-même de quitter la direction du musée d’Orsay, à Paris, la Française désormais canadienne en a démultiplié les espaces d’exposition, a engagé une politique d’acquisitions active, mis en place un département de médiation innovant incluant de l’art-thérapie et la notion de « mieux être », expérimenté le mapping dans ses salles de peinture et suscité l’intérêt de nombreux mécènes nord-américains ou européens qui donnent, donnent sans compter. Par trois fois, des visiteurs lambda, la reconnaissant au détour d’une salle, viendront la saluer et la remercier pour son action. De mémoire de journaliste culturelle, on n’avait jamais vu cela. Rencontre avec Nathalie Bondil, qui nous explique sa vision humaniste du musée.



On a le sentiment qu’on demande aujourd’hui au musée de résoudre tous les problèmes : sociaux, éducatifs, psychologiques… Quel est « l’esprit » du musée des Beaux-Arts de Montréal que vous dirigez depuis dix ans ?



Un musée est un lieu de collection. Mais au-delà de cela, grâce à la force des arts, je suis persuadée qu’il peut être vecteur de progrès social, car il produit du mieux-être ensemble. L’art fait du bien : les neurobiologistes et les chercheurs en biologie constatent que la beauté est un besoin physiologique, lié à la sexualité et à la nécessité de reproduction. L’émotion esthétique produit des impacts neuronaux, elle est donc liée à la santé et au bien-être.



« On s’adresse à la part sensible des êtres, pas seulement intellectuelle. »



Le musée est un lieu de neutralité et de bienveillance où peut s’activer l’empathie des uns envers les autres, et de soi à soi. On s’y adresse à la part sensible des êtres, pas seulement intellectuelle. En anthropologie, on raccorde désormais l’être rationnel à l’être émotionnel : on est passé de « je pense, donc je suis » à « je ressens, donc je suis ». Alors qu’on est bombardé d’images, le musée permet la distanciation par rapport à elles, car on y apprend à voir et à activer notre regard critique sur le monde. Par ailleurs, les œuvres d’art sont un vocabulaire encyclopédique du monde, souvent passé au filtre de l’histoire de l’art, mais elles s’adressent à tous les champs de la connaissance humaine : la chimie, la symbolique, l’anatomie, la sociologie…

L’histoire de l’art a enfermé les œuvres dans un cadre qui n’est pas suffisant : le musée tel que je le conçois ici invite toutes sortes d’expertises à regarder et s’approprier les œuvres, pour qu’elles soient pertinentes pour divers publics. Que l’on parle d’environnement, d’histoire des sociétés, de rapport aux corps (comme ce que l’on fait auprès des jeunes souffrant d’anorexie), etc.



Comme cela a été relevé récemment dans un colloque à Genève sur l’avenir des musées, la mode est à l’expérience, qui doit primer sur la contemplation passive des œuvres, l’objet étant relégué au second plan. Est-ce selon vous une évolution positive ?



Dans Les Temps hypermodernes, Gilles Lipovetsky explique que, désormais, on « design » nos vies, qu’on est dans l’expérientiel à tous les niveaux. Mais ces deux réalités – contemplation et expérience – ne s’annulent pas. La contemplation est elle-même une expérience, mais elle est liée à un vocabulaire de beauté platonicienne. C’est la vision traditionnelle des musées de « chefs-d’œuvre », de « beaux-arts » : la beauté est définie à l’extérieur de soi. De nos jours, on va vers une compréhension philosophique qui inclut la beauté dans une sensation : ça n’est plus l’objet qui définit la contemplation, mais l’expérience qu’on en vit.



Ce phénomène correspond à une meilleure compréhension de la contemplation, qui est moins objectivée et plus subjectivée. Le fait que l’on accorde plus d’importance au ressenti des visiteurs est lié à une attention plus grande au corps. C’est une question de sémantique et d’époque : on ne définit plus de la même manière son rapport à l’art, on est désormais plus dans l’interaction entre l’œuvre et le visiteur. Alors qu’on passe beaucoup de temps devant des écrans, dans un monde plat, on perd beaucoup d’empathie. L’« expérience immersive », comme l’exposition « Révolution » [présentée au musée des Beaux-Arts de Montréal] en est l’exemple parfait, mais elle ne doit pas être absolue : il ne faut pas être dans la fabrication de stimuli.



À une époque où on est déjà hyper stimulés, où il y a un excès d’informations, il ne faut pas perdre le focus et sur-activer le musée. Je n’aime pas du tout les écrans didactiques, car il faut concentrer l’attention sur les objets. En revanche, la musique ou le son permettent de mobiliser le visiteur sur un temps et de mieux regarder les œuvres.



On voit les musées s’ouvrir à divers types d’« événements », notamment adressés aux jeunes, dans le but de renouveler ses publics : ne percevez-vous pas le danger d’une « événementialisation » du musée ?



« Un musée est aussi un espace physique et social, un lieu de vie. »



Autrefois un musée était comme un coffre-fort. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée de faire venir les gens au musée. Au musée des Beaux-Arts de Montréal, on fait même de l’exercice physique, de la marche sportive pour les convalescents et les personnes âgées. Un parcours d’une heure est défini avec des cardiologues et des infirmiers, avec des arrêts devant des œuvres. Les gens se sociabilisent, ils voient de belles choses. Un musée est aussi un espace physique et social, un lieu de vie. On a aussi un programme sur la nourriture, des ateliers d’art plastique, un art-thérapeute à plein temps, une salle de concert et bientôt un cinéma. Tout est acceptable à condition que l’intention soit bonne.

Par Magali Lesauvage, BeauxArts

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