La littérature orale et le patrimoine culturel immatériel de l'Algérie regorgent de références au printemps.Dans la culture amazighe, cette saison tient une forte place symbolique liée au caractère agraire des anciennes communautés. Même la fête de Yennayer, qui a lieu à la mi-janvier, était, à ses origines, plus une espérance du printemps à venir que la célébration d'une année nouvelle. D'ailleurs, un des rituels importants de Yennayer, aujourd'hui oublié, était «amagar n'tefsuth», soit «la rencontre du printemps» qui se traduisait par la sortie des femmes en procession pour souhaiter l'avènement rapide et surtout fécond de cette saison.D'ailleurs, Yennayer est plus proche du printemps qu'on ne le pense. En effet, si l'équinoxe du printemps correspond au 21 mars, la célébration ancestrale de la belle saison tombait le 28 février, lequel coïncide avec le 15e jour du mois de Fourar. En Algérie et dans l'ensemble du Maghreb, les cérémonies et rituels liés au printemps sont innombrables. D'une diversité remarquable, ils se rejoignent tous dans la recherche de l'allégresse et de la convivialité. Au fil des siècles, beaucoup de ces fêtes se sont mêlées à la foi religieuse, comme pour illustrer le hadith prophétique qui qualifie le Coran de «printemps des c?urs».C'est le cas des «ziyarate» aux mausolées des saints qui, souvent, correspondent avec la venue du printemps. A Constantine, par exemple, les femmes se rendaient au mausolée de Sidi Mohamed Loghrab. Celles d'Alger à celui de Sidi Abderrahmane Ethaâlibi ainsi qu'à Sidi M'hamed. Dans le M'zab, c'est à travers le mqam de Baba Saâd et d'autres figures cultuelles que s'exprimaient ces traditions.En cette occasion, les prières et dévotions s'accompagnent de festivités (chants, jeux?) en rapport avec la saison. Les fleurs y avaient leur place. Dans plusieurs villes, le narcisse était un symbole du passage des saisons dures aux saisons fructueuses et lumineuses. A Constantine, la fleur d'oranger et la rose de Damas étaient cueillies aux aurores pour en conserver tout l'arôme. A Blida, la ville des Roses, cette fleur prenait alors une dimension particulière.La plupart des rites liés au printemps ont subi les affres de l'oubli, de la déculturation et des effets de la vie moderne. Aujourd'hui, la majorité des Algériens sont urbanisés, et le rapport aux saisons s'est perdu. C'est pourquoi, même si l'on remarque dans les villes un nouvel intérêt pour ces traditions, elles continuent surtout à être observées en milieu rural où le rapport à la nature est plus intime.Un des volets importants des rites et cérémonies de printemps est celui du patrimoine culinaire. Des plats particuliers étaient préparés avec un lien fort à la nature. C'est le cas de «ayerni», purée de racines, ou de «arbit», soupe à base d'herbes que l'on préparait dans la région de Jijel. C'est aussi le cas de nombreux couscous du printemps dans toute l'Algérie, à l'image de «secssou ouderyess» en Kabylie, dont les grains étaient vaporisés avec une eau contenant les racines odorantes de cette plante (halhal en arabe, thapsia en latin) servi avec des ?ufs durs dessinés au henné.Il reste tout à faire pour répertorier l'ensemble de cet immense patrimoine du printemps.
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Posté Le : 21/03/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Slimane Brada
Source : www.elwatan.com