Mystérieuse censure à la Radio nationale

L'instruction verbale ordonnant de ne plus souffler mot sur Yennayer est tombée jeudi, vers 22h, témoignent des journalistes et des techniciens de la Radio nationale.Les réflexes des années de plomb ont la peau dure. À la Radio nationale, rien ne présage une ouverture ou un semblant de liberté d'expression. L'affaire de l'annulation du programme spécial Yennayer 2968 de la journée du vendredi 12 janvier, le nouvel an amazigh, décrété cette année journée chômée et payée, en est la preuve. On apprend qu'au sein de cette entreprise censée pourtant faire dans le service public, une instruction "verbale" a annulé tout le programme concocté par les chaînes de radio, y compris les radios locales pour fêter Yennayer. "Nous avions prévu un riche programme pour la journée du jeudi 11 janvier afin de marquer la célébration du nouvel an amazigh, mais, ironie du sort, la direction de la Radio a appelé pour annuler toutes les programmations", témoignent des journalistes des différentes chaînes, sous le couvert de l'anonymat de peur de représailles. "Des émissions spéciales, des comptes rendus de nos correspondants et ceux des radios locales ont été prévus, mais l'instruction est tombée vers 22h pour stopper net tout le travail réalisé ou en cours de réalisation", rapporte une source à l'intérieur de la Chaîne II. "On a prévu même des émissions avec des invités venus de différentes wilayas, mais on ne pouvait pas diffuser", ajoute-t-elle. Notre source a regretté que des émissions qui devaient être diffusées en direct ne l'ont pas été, mais ces mêmes émissions "ont été diffusées dans les plages horaires prévues pour les rediffusions tard dans la nuit".
La décision de ces journalistes et techniciens de dénoncer cette "censure" vient après les protestations des auditeurs qui ont remarqué que contrairement à la Télévision publique, la Radio nationale n'a pas suivi les autres médias, publics ou privés, pour marquer cette date et surtout cette reconnaissance tant attendue. "On nous a pris au dépourvu par ces décisions qu'ils n'assument même pas", ajoute un journaliste qui a dénoncé le recours aux "instructions verbales" pour censurer. Un autre technicien estime que cette censure obéit "à un jeu malsain". Plus explicite, il a indiqué qu'une entreprise censée assurer le service public n'a pas fait mieux que de se mettre en porte-à-faux avec des décisions prises au sommet de l'Etat. "La reconnaissance de Yennayer est une décision du chef de l'Etat, les institutions de l'Etat doivent suivre, les médias publics y compris", estime-t-il. Contacté par nos soins, Chabane Lounakel, directeur-général de la Radio nationale, a nié une quelconque censure du programme prévu pour Yennayer. "Toutes les radios ont accompagné les festivités célébrant le nouvel an amazigh", a-t-il dit, ajoutant que "la Radio fait dans le service public, donc aucune annulation des programmes n'a eu lieu". M. Lounakel a estimé, par ailleurs, que la Radio a fait son devoir. "Ceux qui ont écouté les radios savent que nous avions accompagné cette célébration", a-t-il souligné, précisant que "des auditeurs ont même appelé pour dire qu'on en avait fait un peu trop".
Mohamed Mouloudj