Algérie

Mustapha Mekideche à propos des hydrocarbures



Mustapha Mekideche à propos des hydrocarbures
L'Algérie a repris sa souveraineté sur ses richesses du sous-sol depuis plus de 40 ans. L'exploitation de ces ressources avec la contribution de partenaires étrangers a permis au pays d'augmenter ses réserves et sa production, d'être un exportateur majeur sur le continent européen, et de financer des programmes de développement dont l'impact sur la société est indéniable bien qu'insuffisant.Dans l'une de ses déclarations relatives à cet événement, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, déclarait que «c'est grâce à une politique judicieuse que les recettes d'exportation des hydrocarbures nous ont permis de préserver la souveraineté de la décision nationale par notamment la réduction drastique de l'endettement extérieur du pays et (?) le financement de nos projets de développement».Pourtant, comme un retour de manivelle d'une politique trop axée sur l'exportation d'hydrocarbures bruts au détriment du renforcement des capacités de transformation et trop dépendante des hydrocarbures au détriment d'une diversification de l'économie, les richesses naturelles ne sont pas loin de devenir une malédiction, d'autant que la production est en déclin.La dépendance de la rente aux hydrocarbures pour assurer le développement «n'est ni une mauvaise ni une bonne chose si elle est isolée du contexte historique, économique et social du pays», tempère Mustapha Mekideche, expert énergétique. Evoquer «les différents captages indus de la rente, y compris la corruption, et/ ou à sa mauvaise utilisation ou son gaspillage» ne doit pas faire oublier «l'autre face des choses, celle des progrès économiques et sociaux qui n'auraient pu être réalisés sans les capacités financières produites par le secteur des hydrocarbures», dit-il.Mais, hormis la propriété sur le sous-sol, l'Algérie contrôle-t-elle quelque chose ' Une petite instabilité sur le marché international du pétrole et du gaz devient une véritable menace sur la stabilité politique et sociale et pays. Que reste-t-il donc de cette souveraineté 1970 '«En vérité, la souveraineté est liée aux conditions de valorisation internationale des hydrocarbures par le mécanisme des prix», explique Mustapha Mekideche. Pays mono-exportateur, l'Algérie se gère en fonction de l'évolution des cours du pétrole.Et, depuis les années 70', l'évolution de ces cours a été rythmée par des phases favorables et d'autres défavorables. «1973 a été une année de rupture favorable aux pays exportateurs dont l'Algérie. 2015 est celle d'un rapport de forces défavorable qui divise par deux les prix du baril de brut pour des raisons d'offre surabondante, mais aussi géopolitiques», souligne notre interlocuteur. Et, de ce point de vue, «la propriété physique de la ressource ne garantit donc pas sa souveraineté sur celle-ci puisqu'elle ne vaut que par les niveaux de prix que lui affectent les marchés internationaux».Et comme l'allocation des produits des exportations ne favorise pas la construction d'une économie diversifiée, la vulnérabilité s'accentue. La baisse des prix devient une piqure de rappel, poussant à chaque fois le gouvernement à entreprendre des réformes alors que «la logique voudrait qu'on réforme quand les prix sont élevés, car on a à ce moment-là les moyens de prendre en charge le coût social de ces réformes», observe Mourad Ouchichi, économiste.PartenariatMais l'évolution des prix est-elle la seule limitation à la souveraineté ' Car l'exploitation du secteur ne saurait se faire sans l'apport des compagnies étrangères. «Si vous situez la souveraineté dans les conditions de partenariat avec les grands groupes pétroliers, cela renvoie au niveau de maîtrise de l'industrie des hydrocarbures par vos capacités nationales et de vos besoins en financement provenant de la fiscalité pétrolière, mais aussi de l'offre internationale en la matière», explique M. Mekideche.Et la place occupée par le partenariat est considérable. En 2013, 16% de la production de gaz naturel s'est faite en association et 47% de la production de pétrole brut.Au total, les partenaires de Sonatrach ont compté pour un quart de la production totale, soit 45,6 millions de tonnes équivalents pétrole sur près de 187 millions de tonnes produits. La présence étrangère est notamment significative dans le domaine des forages. Elle représentait plus d'un tiers des forages de développement en 2013.En revanche, moins de 10% des forages d'exploration sont réalisés en association. La rémunération des associés au titre des contrats de partage de production s'est quant à elle chiffrée à plus de 600 milliards de dinars en 2013, soit 11% du chiffre d'affaires de l'année. Si elle ne peut pas opérer seule, Sonatrach a néanmoins gagné en expérience, ce qui lui permet notamment d'investir à l'étranger (Afrique essentiellement).Insécurité«J'ai la faiblesse de croire que l'Algérie a accumulé à la fois de l'expérience et de l'expertise dans ces types de partenariats. L'histoire nous enseigne qu'elle a cependant mieux réussi dans l'amont pétrolier que dans l'aval pétrochimique».Une demi-réussite qui se traduit aujourd'hui par l'importation de produits issus de la transformation de pétrole brut. L'Algérie vend du pétrole, mais importe du gasoil pour couvrir une partie de ses besoins.Si la sécurité énergétique est une mesure de la souveraineté économique, l'avenir de l'Algérie promet d'être difficile. Récemment encore, le Premier ministre justifiait le recours à l'exploitation du gaz de schiste par la nécessité de maintenir la souveraineté du pays. Mais, avec le tarissement des ressources, la baisse des prix sur le marché international et celles des quantités exportées, la souveraineté a besoin de nouveaux fondements. «Notre sécurité, notamment énergétique, est liée à notre capacité à nous inscrire dans un nouveau paradigme de croissance. C'est un problème sociétal et politique existentiel pour le pays», estime Mustapha Mekideche. C'est aussi le plus gros défi que l'Algérie devra relever, en gageant que ce n'est pas déjà trop tard.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)