Algérie

Mustapha Boutadjine, artiste engagé, à l’Expression «Je pratique une esthétique de la révolte»



Publié le 25.09.2024 dans le Quotidien l’Expression

Son art consiste à déchirer des pages de publicité de magazines de luxe pour recréer des portraits de résistants, qu’ils soient poètes, artistes, militants ou médecin savant. Son geste est hautement symbolique. Il expose actuellement et jusqu’au 12 octobre Les Résistants au Palais de la culture Moufdi-Zakaria. Celle-ci s’inscrit dans le cadre de la commémoration du 70e anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne le 1er Novembre 1954. L’occasion de revenir avec lui sur son travail, sa passion. Rencontré lors du vernissage, l’artiste nous parle à battons rompus..
L'Expression: Vous exposez actuellement au Palais de la culture Moufdi-Zakaria...

Mustapha Boutadjine: Effectivement, je reviens exposer en Algérie, après une absence de près d'une quinzaine d'années avec une exposition intitulée Les Résistants ayant trait aux figures de résistants dans tous les domaines, que ce soit littéraire, scientifique ou politique..

Des personnalités engagées, c'est aussi le propre de votre travail, l'engagement...

Et ça bouge pas. Ca restera toujours ma problématique. Depuis longtemps, je travaille comme ça, sur les révolutionnaires du monde. Mais là, il fallait que je parle de ceux de mon pays. Des révolutionnaires algériens. Evidemment, j'ai fait la parité, il y a douze femmes et douze hommes, donc il y a 24 tableaux, la majorité des femmes est constituée d'Algériennes comme Djamila Bouhired, Djamila Boubacha, Djamila Amrane, Jacqueline Geuroudj, Baya El kahla... Il y a ce qu'on appelle aussi les Algériennes d'origine européenne, dont Jacqueline Guerroudj ou bien sa fille Danièle, ou encore Simone de Beauvoir, des femmes qui ont soutenu les femmes algériennes pendant la guerre de libération..Ces dernières ont été violées, ont été assassinées... elles participaient activement à la révolution. Jacqueline était dans le réseau bombes avec Ali la Pointe, Fernand Iveton etc Je voulais montrer cette partie algérienne qu'il ne faut pas oublier parce que c'est fondamental, sans parler que la révolution algérienne n'est pas qu'algérienne, elle est internationale. Son aura a dépassé le pays, c'est l'une des révoltions du monde d'où le choix des autres révolutionnaires résistants à travers le monde, à l'instar de Ho Chi Minh du Vietnam, car c'est à partir du Vietnam que l'Algérie a commencé sa révolution. Je citerai aussi Cuba, avec Fidèle Castro et Che Guevara. Et puis il y a le Chili et Mahmoud Darwich, bien évidemment pour la Palestine. J'ai préféré mettre quelque chose de subtil comme la poésie de combat, dans cet esprit là, concernant la Palestine...

Votre méthode qui consiste à faire du collage à partir de papiers de revues est une démarche esthétique que vous pratiquez depuis des années, n'avez-vous pas peur de vous lasser un jour de cette pratique?

Un peintre a sa technique, avec sa palette, toujours la même technique, il développe peut les sujets, mais.. Moi, au contraire ce que je propose est assez révolutionnaire, ce n'est pas pour me jeter des fleurs. Ma technique est singulière, elle n'existe nulle part ailleurs. Il y a des collagistes, mais qui ne font pas comme moi. Eux, ils découpent des bouts de papier, des images qui tombent, au contraire, moi je prends le magazine, je le déchire en petits bouts comme si c'était de la peinture, d'ailleurs, les gens de loin pensent que c'est de la peinture, c'est en s'approchant qu'ils voient que c'est du collage et cet effet je le fais exprès, ça vient de la psychologie de la forme Gestalt. C'est un des éléments qui compose la théorie Gestalt. C'est-à-dire la composition à partir d'éléments hétéroclites qu'on ne comprend pas mais c'est en reculant qu'on voit l'image. Bien sûr qu'il y a une esthétique particulière par rapport au collage, c'est une autre forme d'esthétique de la révolte, je ne déchire, pas n'importe quel papier, ce sont des magazine de luxe, des bourgeois, de pays occidentaux qui mettent des images qui sont inaccessibles au grand public, on ne peut pas acheter par exemple une Lamborghini ou un parfum de luxe, je le fais pour des raisons de sens et pour des raisons de qualité de papier. Ce papier est pérenne, il reste quant je fais un tableau. Je détourne donc la matière première du capital de la bourgeoisie pour créer des images plus engagées.

Vous avez exposé en France Les Femmes d'Alger, en 2022....

C'est grâce à cette expo que je suis là. J'ai fait débat avec cette expo. Le principe consistait à imprimer des images des femmes révolutionnaires sur des bâches et les monter sur des immeubles, vous imaginez?, Vous mettez la révoltions en plein boulevard de Paris? J'ai essuyé pas mal des plaintes, des attaques de la part des fachos. C'est une expo que j'ai faite dans le cadre du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie...

C'était transgressif de votre part...

Tout! Salah Gemriche, grand écrivain algérien avait affirmé que «le FLN était, avant, dans les murs et maintenant il est sur les murs». C'est à partir de ce moment- là, qu'on a envoyé un courrier au ministère de la Culture et c'est comme ça que j'ai été contacté et que cette expo s'est faite, ici au Palais de la culture. C'est suite à cette expo en France. Le directeur du Palais, Mourad Benoussi, c'est du miel. J'ai toujours été réticent vis-à-vis des autorités, mais lui, il était super coopératif. Il nous a donné carte blanche. Je lui tire chapeau et on l'a emmerdé jusqu'à la dernière minute.

Donc il y a 26 tableaux dont 2 orignaux sous verre qui sont exposés ici...

Oui, ce sont des doublants, notamment de Ben M'hidi, c'est pour que les gens voient la technique réellement. En Europe j'expose les orignaux mais, en général, je vends les tirages en digigraphie. Les gens acceptent volontiers.

Quels sont vos projets?

Il va y avoir bientôt mon expo sur les insurgés en plein Berlin. Elle sera permanente. J' ai à peu près une trentaine de tableaux. J'ai aussi deux autres expos en Allemagne dont une qui sera aussi a Berlin, dans le cadre du festival du film anticolonial à Cologne ou j'envoie quatre tableaux. J'ai d'autres expos qui arrivent en Belgique et en Espagne, je n'ai pas encore de dates, au Canada aussi. À Paris, j'en ai trois en cours. L'exposition qui se tient au Palais de la culture est visible jusqu'au 12 octobre.

O. HIND
Publié le 25.09.2024 dans le Quotidien l’Expression
Son art consiste à déchirer des pages de publicité de magazines de luxe pour recréer des portraits de résistants, qu’ils soient poètes, artistes, militants ou médecin savant. Son geste est hautement symbolique. Il expose actuellement et jusqu’au 12 octobre Les Résistants au Palais de la culture Moufdi-Zakaria. Celle-ci s’inscrit dans le cadre de la commémoration du 70e anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne le 1er Novembre 1954. L’occasion de revenir avec lui sur son travail, sa passion. Rencontré lors du vernissage, l’artiste nous parle à battons rompus..
L'Expression: Vous exposez actuellement au Palais de la culture Moufdi-Zakaria...

Mustapha Boutadjine: Effectivement, je reviens exposer en Algérie, après une absence de près d'une quinzaine d'années avec une exposition intitulée Les Résistants ayant trait aux figures de résistants dans tous les domaines, que ce soit littéraire, scientifique ou politique..

Des personnalités engagées, c'est aussi le propre de votre travail, l'engagement...

Et ça bouge pas. Ca restera toujours ma problématique. Depuis longtemps, je travaille comme ça, sur les révolutionnaires du monde. Mais là, il fallait que je parle de ceux de mon pays. Des révolutionnaires algériens. Evidemment, j'ai fait la parité, il y a douze femmes et douze hommes, donc il y a 24 tableaux, la majorité des femmes est constituée d'Algériennes comme Djamila Bouhired, Djamila Boubacha, Djamila Amrane, Jacqueline Geuroudj, Baya El kahla... Il y a ce qu'on appelle aussi les Algériennes d'origine européenne, dont Jacqueline Guerroudj ou bien sa fille Danièle, ou encore Simone de Beauvoir, des femmes qui ont soutenu les femmes algériennes pendant la guerre de libération..Ces dernières ont été violées, ont été assassinées... elles participaient activement à la révolution. Jacqueline était dans le réseau bombes avec Ali la Pointe, Fernand Iveton etc Je voulais montrer cette partie algérienne qu'il ne faut pas oublier parce que c'est fondamental, sans parler que la révolution algérienne n'est pas qu'algérienne, elle est internationale. Son aura a dépassé le pays, c'est l'une des révoltions du monde d'où le choix des autres révolutionnaires résistants à travers le monde, à l'instar de Ho Chi Minh du Vietnam, car c'est à partir du Vietnam que l'Algérie a commencé sa révolution. Je citerai aussi Cuba, avec Fidèle Castro et Che Guevara. Et puis il y a le Chili et Mahmoud Darwich, bien évidemment pour la Palestine. J'ai préféré mettre quelque chose de subtil comme la poésie de combat, dans cet esprit là, concernant la Palestine...

Votre méthode qui consiste à faire du collage à partir de papiers de revues est une démarche esthétique que vous pratiquez depuis des années, n'avez-vous pas peur de vous lasser un jour de cette pratique?

Un peintre a sa technique, avec sa palette, toujours la même technique, il développe peut les sujets, mais.. Moi, au contraire ce que je propose est assez révolutionnaire, ce n'est pas pour me jeter des fleurs. Ma technique est singulière, elle n'existe nulle part ailleurs. Il y a des collagistes, mais qui ne font pas comme moi. Eux, ils découpent des bouts de papier, des images qui tombent, au contraire, moi je prends le magazine, je le déchire en petits bouts comme si c'était de la peinture, d'ailleurs, les gens de loin pensent que c'est de la peinture, c'est en s'approchant qu'ils voient que c'est du collage et cet effet je le fais exprès, ça vient de la psychologie de la forme Gestalt. C'est un des éléments qui compose la théorie Gestalt. C'est-à-dire la composition à partir d'éléments hétéroclites qu'on ne comprend pas mais c'est en reculant qu'on voit l'image. Bien sûr qu'il y a une esthétique particulière par rapport au collage, c'est une autre forme d'esthétique de la révolte, je ne déchire, pas n'importe quel papier, ce sont des magazine de luxe, des bourgeois, de pays occidentaux qui mettent des images qui sont inaccessibles au grand public, on ne peut pas acheter par exemple une Lamborghini ou un parfum de luxe, je le fais pour des raisons de sens et pour des raisons de qualité de papier. Ce papier est pérenne, il reste quant je fais un tableau. Je détourne donc la matière première du capital de la bourgeoisie pour créer des images plus engagées.

Vous avez exposé en France Les Femmes d'Alger, en 2022....

C'est grâce à cette expo que je suis là. J'ai fait débat avec cette expo. Le principe consistait à imprimer des images des femmes révolutionnaires sur des bâches et les monter sur des immeubles, vous imaginez?, Vous mettez la révoltions en plein boulevard de Paris? J'ai essuyé pas mal des plaintes, des attaques de la part des fachos. C'est une expo que j'ai faite dans le cadre du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie...

C'était transgressif de votre part...

Tout! Salah Gemriche, grand écrivain algérien avait affirmé que «le FLN était, avant, dans les murs et maintenant il est sur les murs». C'est à partir de ce moment- là, qu'on a envoyé un courrier au ministère de la Culture et c'est comme ça que j'ai été contacté et que cette expo s'est faite, ici au Palais de la culture. C'est suite à cette expo en France. Le directeur du Palais, Mourad Benoussi, c'est du miel. J'ai toujours été réticent vis-à-vis des autorités, mais lui, il était super coopératif. Il nous a donné carte blanche. Je lui tire chapeau et on l'a emmerdé jusqu'à la dernière minute.

Donc il y a 26 tableaux dont 2 orignaux sous verre qui sont exposés ici...

Oui, ce sont des doublants, notamment de Ben M'hidi, c'est pour que les gens voient la technique réellement. En Europe j'expose les orignaux mais, en général, je vends les tirages en digigraphie. Les gens acceptent volontiers.

Quels sont vos projets?

Il va y avoir bientôt mon expo sur les insurgés en plein Berlin. Elle sera permanente. J' ai à peu près une trentaine de tableaux. J'ai aussi deux autres expos en Allemagne dont une qui sera aussi a Berlin, dans le cadre du festival du film anticolonial à Cologne ou j'envoie quatre tableaux. J'ai d'autres expos qui arrivent en Belgique et en Espagne, je n'ai pas encore de dates, au Canada aussi. À Paris, j'en ai trois en cours. L'exposition qui se tient au Palais de la culture est visible jusqu'au 12 octobre.

O. HIND



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