Algérie

Musique constantinoise Toufik Touati : pour que vive le malouf



Musique constantinoise Toufik Touati : pour que vive le malouf
Publié le 14.12.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie
ABDELHAK MÉBARKI

Maîtrisant à la perfection les règles immuables du malouf, pour avoir, dès sa tendre jeunesse, côtoyé de nombreux maîtres de cet art, Toufik Touati s'impose comme une voix magistrale dans ce genre musical incrusté au cœur du Vieux Rocher.
Malgré les difficultés que connaît tout jeune musicien en herbe, Toufik Touati ne tarda pas à se frayer un chemin dans le monde exigeant de la musique arabo-andalouse pour imposer son nom et une réputation désormais bien établie.
Travaillant sans répit avec pour objectif essentiel d’enrichir son répertoire et s’imposer sur scène, Toufik Touati s’intégra dans un premier temps à la troupe musicale de la maison des jeunes Filali, alors qu’il venait à peine de fêter ses quatorze ans (1980), date à laquelle débuta sa carrière.
Depuis lors, le destin de Toufik Touati épouse intimement celui du malouf constantinois, cette musique populaire présente dans les manifestations artistiques et les fêtes, mais aussi dans les rues et les ruelles des quartiers historiques. En 1986, il rejoint l’association culturelle El Bastanjia où il réussit rapidement à obtenir une reconnaissance méritée pour sa virtuosité et son talent en tant que chanteur et violoniste.

Un dossier qui traîne à l'Onda depuis 2013 !
Comme tout artiste rigoureux, et afin d’apporter un «plus» à sa formation, Toufik Touati opta finalement pour l’orchestre pilote de la ville de Constantine sous la houlette du grand maître Cheikh Kaddour Darsouni. Fort de l’expérience acquise et grâce à sa voix lumineuse aux tonalités romantiques, il finira par créer sa propre association en l’an 2000, sous le nom de Awtar Qasantina. Dès lors, il vole de ses propres ailes en accédant au statut de maître incontesté participant à de nombreuses manifestations culturelles.
«À la tête de cette association, raconte-t-il, je me suis attelé à travailler sans relâche et à m’investir davantage pour mieux perpétuer cet art et transmettre son flambeau aux jeunes et nouveaux chanteurs et musiciens. Parallèlement, je continuais à apprendre tout ce que je pouvais sur le malouf, cette riche et profonde musique, ce patrimoine à transmettre aux nouvelles générations qui ne doivent pas s'en détourner car les modes musicaux sans profondeur et attache historique et civilisationnelle sont éphémères.» Et de poursuivre : «Mon but essentiel aujourd’hui est de ressusciter un patrimoine culturel enseveli sous les poussières de l’oubli. Et ce n'est pas facile : n’étaient l’amour et ma bonne volonté, j’aurais déjà jeté l’éponge ! Un exemple, parmi d'autres : nous avons introduit un dossier bien ficelé auprès de l'Onda (Alger) depuis 2013. Cette tâche est colossale et elle a nécessité plusieurs années de recherches. C'est dire tout le manque de respect à notre égard, surtout qu’il s’agissait d’un travail de recherche inédit dans son genre ; c'est le malouf qui aurait gagné...»
Il enchaîne : «Nous espérons qu’avec la réhabilitation des artistes, grâce au nouveau statut — décision tant attendue prise dernièrement par le président de la République auquel nous exprimons nos sincères remerciements —, les choses vont certainement s'améliorer et éclaircir l'avenir. Notre confiance est entière en un nouvel élan des arts et de la culture.»
Honoré dernièrement au centre culturel Malek-Haddad pour son «disque d’or», Toufik Touati, toujours accompagné de son violon professionnel, type Stradivarius, peut se targuer d’avoir atteint un sommet que peu de musiciens ont côtoyé : «Pour parvenir à ce stade, il fallait beaucoup de travail et de recherches permanentes et approfondies. Cela a demandé pas moins de vingt-cinq ans d’adhésion à l’Onda afin de réunir tous les genres de la chanson malouf (de l’école constantinoise), à savoir Mahdjouz, Ezzegel, Qcid, etc. C'est dire toute la valeur que représente une telle consécration.»
Protéger cet art authentique
Se considérant comme le successeur des grands maîtres que furent Hadj Mohamed Tahar El Fergani, Cheikh Kaddour Darsouni, Cheikh Toumi, Cheikh Bouaziz, Abdelmoumen Bentobal, Rachid Bastandji, Toufik Toumi se dit porteur d'un idéal, «celui de toujours représenter l’authenticité et l’identité de la culture constantinoise».
À 58 ans, il est aussi l'ambassadeur de cet art à l'étranger grâce à des concerts donnés en France, Tunisie, Maroc, Egypte, Libye, Turquie, Suisse pour ne citer que ces pays. Toufik Touati, grâce à son style et son cachet particuliers, a réussi à donner une bonne image du malouf à l’international, ce genre musical algérien inspiré des traditions andalouses. «Je saisis cette occasion pour appeler à la protection du malouf, ce patrimoine qui nous est cher. Cet appel est lancé en direction des jeunes qui ne doivent ménager aucun effort pour que cette musique continue d'exister avec toute son authenticité et sa richesse, sans être polluée par de mauvaises expériences. Ils doivent se rapprocher sans complexe des maîtres qui ont pris la relève des anciens. Il y va de l'avenir de ce patrimoine musical.»
Et de conclure : «Dans notre cas bien précis et afin de nous permettre de développer davantage nos connaissances, il serait souhaitable qu’au niveau de la tutelle (ministère de la Culture), le malouf soit présent dans le cadre des échanges au plan international.»
Il n’est pas inutile de souligner enfin que la télévision devrait également ouvrir ses portes à ces authentiques représentants de la musique arabo-andalouse citadine.
Abdelhak Mebarki



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