En dehors des sérieux défis que doivent relever plusieurs pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MOAN) et des risques géopolitiques importants liés à la République islamique d'Iran, la région MOAN pourrait être fortement affectée par la situation en Europe. Les problèmes internes, qui sont illustrés par l'agitation sociale actuelle, ont entraîné un accroissement des transferts sociaux. L'action publique devra, en priorité, viser à préserver ou rétablir la stabilité macroéconomique, malgré l'agitation sociale, et évoluer en même temps vers un modèle de croissance inclusive, moins tributaire des transferts publics. Les problèmes venus de l'extérieur sont principalement liés aux prix du pétrole et aux liens commerciaux avec l'Europe. Dans le cas des pays exportateurs de pétrole, une recrudescence de la crise en Europe pourrait faire baisser les prix pétroliers et compromettre l'accroissement récent des dépenses publiques consacrées à l'aide sociale.
En Afrique du Nord, les liens traditionnellement importants, tissés avec l'Europe par le biais des échanges commerciaux, des envois de fonds et du tourisme manquent actuellement de vigueur.
La croissance dans la région MOAN a été inférieure à son niveau potentiel en 2011, surtout pour des raisons propres aux pays qui composent cette région. Dans les pays exportateurs de pétrole, la vigueur des prix pétroliers a contribué, en 2011, à une croissance de 4%, qui a été freinée par les moins bons résultats enregistrés par la République islamique d'Iran sous l'effet d'une récolte médiocre et de la réforme des subventions. Dans les pays importateurs de pétrole, la croissance a été de 2%, même sans les données de la République arabe syrienne.
Ce faible taux de croissance est une conséquence directe de l'agitation sociale. En dehors des effets qu'ils ont eus sur les prix pétroliers, les facteurs mondiaux et la situation en Europe ont eu un impact relativement minime sur la région jusqu'à présent - les révisions apportées aux prévisions tiennent principalement à l'évolution intervenue au niveau régional.
Les répercussions sur la région MOAN de l'agitation sociale ont été importantes et ont surtout touché le tourisme et les flux de capitaux, qui ont diminué dans l'ensemble des pays de la région. Etant donné l'ampleur des chocs propres aux pays et les fortes répercussions régionales qu'ils ont eues, il est difficile d'isoler l'effet européen en dehors de l'affaiblissement des envois de fonds constaté.
Ceci dit, les retombées potentielles d'une résurgence de la crise en Europe, telles qu'elles ont été modélisées dans le premier scénario baissier, pourraient faire fléchir la production régionale d'environ 3,25% par rapport au niveau de référence, ce qui constituerait le plus important effet induit observé dans une région extérieure à l'Europe. Cet effet est imputable, en majeure partie, à la baisse des prix
pétroliers et, pour le reste, aux importantes répercussions sur la région du fléchissement de la demande des partenaires commerciaux se manifestant principalement par le biais des flux de capitaux étrangers, des échanges commerciaux, du tourisme et des envois de fonds. Ces liens ressortent clairement de la structure des échanges de la région. Les exportations de marchandises vers l'Europe représentent environ 20% des exportations, ou 7% du PIB, soit davantage que pour l'Asie, le Canada, l'Amérique latine, l'Afrique subsaharienne ou les Etats-Unis. Malgré la faiblesse apparente des liens financiers actuels, la région MOAN a été l'une des régions les plus fortement affectées pendant l'année qui a suivi l'effondrement de Lehman Brothers en 2008.
Ces forts effets externes de la situation en Europe influent sur les risques qui pèsent sur les perspectives d'évolution, mais le scénario de référence est principalement déterminé par des facteurs régionaux. Les prévisions de référence tablent sur une croissance de 4,25% en 2012 et 3,75% en 2013. Les principaux aspects négatifs, pour les pays importateurs de pétrole, sont la vigueur des cours pétroliers, l'atonie du tourisme liée à l'agitation sociale dans la région et la diminution des flux commerciaux et des envois de fonds due aux difficultés que connaît actuellement l'Europe.
Dans le cas des pays exportateurs de pétrole, l'évolution défavorable de la situation en Iran devrait être compensée par un accroissement de la production pétrolière en Iraq et en Arabie saoudite et le redressement de la Libye. Etant donné la croissance relativement modérée qui est attendue et le recul observé des prix des produits de base hors pétrole, le taux d'inflation dans la région devrait fléchir légèrement pendant la période couverte par les prévisions et passer de 9,95% en 2011 à 8,75 % en 2013.
Comme on l'a vu plus haut, les risques externes tournent autour de l'évolution de la situation en Europe. Les risques internes sont dominés par des événements politiques. L'instabilité intérieure a provoqué, pour la région, une baisse notable du tourisme, qui n'a pas encore retrouvé ses niveaux antérieurs. Une intensification de la récession en Europe pourrait ébranler encore davantage le secteur du tourisme déjà chancelant, ce qui aurait des répercussions sur le reste de l'économie. Dans le cas des pays exportateurs de pétrole, les risques tournent autour du prix du pétrole - qui, dans le cadre d'un scénario baissier, est surtout lié à la possibilité d'une aggravation de la crise en Europe provoquant un ralentissement de la croissance dans le reste du monde. Les dépenses publiques ont tellement
augmenté qu'une baisse relativement faible du prix du pétrole peut conduire à des déficits budgétaires. Inversement, bien qu'ils soient déjà élevés du fait de l'incertitude politique qui règne dans la région, les cours du pétrole pourraient encore augmenter sous l'effet de la montée des inquiétudes suscitées par la possibilité d'une crise de l'offre de pétrole liée à l'Iran, d'une propagation de l'agitation sociale dans la région ou d'une interruption effective des livraisons de pétrole. Ces effets pourraient être considérables étant donné que les stocks et les capacités disponibles sont limités et que les marchés physiques devraient rester tendus pendant toute l'année 2012. Avec ces risques et perspectives, les pays de la région doivent faire face à de sérieux défis. Ils doivent non seulement assurer en premier lieu la stabilité économique et sociale, mais aussi mettre rapidement les finances publiques sur une trajectoire soutenable. Dans les pays exportateurs de pétrole, les pouvoirs publics doivent saisir l'occasion que présentent les cours élevés du pétrole pour évoluer vers des économies plus viables et diversifiées.
En outre, les troubles sociaux observés dans la région soulignent la nécessité d'un programme de croissance inclusive à moyen terme qui mette en place des institutions solides pour stimuler les activités du secteur privé, facilite l'accès aux opportunités économiques et s'attaque à un chômage chroniquement élevé, en particulier chez les jeunes.
Un objectif budgétaire primordial à moyen terme est de réorienter les politiques budgétaires vers la réduction de la pauvreté et l'encouragement des investissements productifs. Cependant, l'augmentation des dépenses consacrées aux subventions aux combustibles et à l'alimentation (la République islamique d'Iran constituant une exception importante à cet égard), conjuguée à des pressions visant à relever les traitements et les retraites de la fonction publique, fait peser une lourde charge sur les finances publiques (en particulier dans les pays importateurs de pétrole) qui ne sera pas soutenable.
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Posté Le : 11/01/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : La Tribune
Source : www.latribune-online.com