Algérie

Mouvement pour la démocratie en Algérie : De l'exil forcé à «l'amnistie générale»



Le MDA d'Ahmed Benbella avait décidé, en 1989, de poursuivre son action sur le territoire national mais il fallait compter sans l'acharnement du pouvoir qui voulait en découdre avec un parti dont il a toujours craint le leader.
Désigné comme porte-parole du parti, Hocine Guermouche avait écrit dans un communiqué de presse daté du 2 mai 1989, que «Le Mouvement (…), après un exil forcé, qui a duré 7 années au cours desquelles il a 'uvré inlassablement pour que triomphe dans notre pays la démocratie, la justice et le progrès, (…), s'adresse à tous les citoyens et citoyennes déterminés à mobiliser leurs forces morales et les capacités intellectuelles pour être au grand rendez-vous de l'histoire de notre pays et afin que la démocratie ne reste pas un vain mot mais connaisse une réelle et large application». En lançant cet appel, Guermouche et ses compagnons savaient que la tâche n'avait rien de facile. «La libération du président Ahmed Benbella en 1979, laissait supposer un certain fléchissement du pouvoir dans le sens d'une ouverture politique, (…). Mais c'était sans compter avec un régime très attaché à ses privilèges,» rappelle Guermouche en référence à ce qui avait été écrit à la même année dans le numéro 8 du journal du MDA, Tribune d'Octobre. «La répression qui s'ensuivit sonna le glas d'une amorce de réactivation politique du parti,» note encore notre interlocuteur qui a rendu visite dimanche à la rédaction. Benbella n'avait ainsi de choix que de s'exiler pour continuer son combat à l'extérieur. Durant les années 80, Guermouche «ainsi qu'un nombre très important de frères connus pour leurs idées ouvertement opposées au régime-comme il le souligne lui-même, allaient connaître les affres d'une nouvelle longue détention, précédée de plusieurs semaines de torture les plus inhumaines et les plus abjectes exercées sur leur personne par des agents, des commissaires divisionnaires, des renseignements généraux et de la police judiciaire.» Transféré dans les locaux de la sécurité militaire à Bouzaréah, où il demeura trois semaines, Guermouche connaîtra le pénitencier de Berrouaghia pour y avoir été emprisonné durant 27 mois assortis d'une période d'isolement de 7 mois. Il sera aussi transféré à la prison de Serkadji, et fût présenté devant la cour de sûreté de l'Etat de Médéa qui prononcera son acquittement.
L'HISTOIRE DES ARCHIVES DU MDA
Convaincu de la noblesse de la tâche partisane, Guermouche reprend ses activités politiques en faveur du lancement du MDA sur le territoire national. Il en sera son porte-parole et créera, en parallèle, un comité de soutien à Benbella composé des supporters de plusieurs équipes de football qui se sont occupés à coller les affiches du parti et de son leader, lancer des tracts et même marquer de grandes façades de tags proBenbella. «A l'époque, le FIS avait pris les mosquées, nous avons pensé alors à investir les milieux sportifs notamment le football pour raviver le MDA en Algérie,» nous a-t-il déclaré. Hafidh Ouadhah rappelle que «bien que le MDA ait été crée en premier en 1981 en France, pour les besoins de la clandestinité, et n'est né qu'en 1989 en Algérie, son esprit, son idéologie ainsi que ses idéaux qui étaient en évidence celle de Benbella et des grandes figures de l'Histoire qui l'entouraient comme Mohamed-Seghir Nekkache, étaient présents à travers l'Algérie bien avant 1965, l'année du coup d'Etat.» Pour mieux organiser le MDA, Guermouche s'est déplacé en France au cours de l'année 90, pour récupérer tous les documents et les livres qui retracent l'itinéraire et l'histoire de son leader, Benbella, de ses collaborateurs, de ses militants ainsi que les combats qu'il a menés et les idéaux qu'il défend. «Je voulais en constituer une bibliothèque à Alger, « nous dit-il. A son retour et à son arrivée au port d'Alger, il était attendu par, précise-t-il «18 officiers des différents corps de sécurité.» Il est convaincu qu'il a été «donné par les taupes qui nous avaient noyautés à Paris et à Alger.» Il se voit saisir de force les 13 cartons de documents qu'il avait ramenés de France. «J'étais accompagné de trois militants, on leur a tenu tête mais ils les avaient quand même saisis,» raconte-il
«JE RENDS HOMMAGE A LA JUGE QUI A CONDAMNE LE MINISTRE DE L'INTERIEUR»
Guermouche décide alors de se mettre en grève de la faim avec quatre de ses compagnons au niveau même de l'esplanade de l'aérogare du port d'Alger. Leur cause a été défendue par trois avocats lorsqu'elle a été présentée devant la chambre administrative prés la Cour d'Alger. Dans un communiqué daté du 11 juillet 1990, la Ligue des droits de l'Homme (LADH) a déclaré s'être saisie «du cas des quatre militants du MDA, rejoints par la suite par un cinquième, qui observent une grève de la faim dans les locaux réservés aux voyageurs(…) pour protester contre la mesure de confiscation par les autorités de police des documents constituant les archives de leur mouvement rapatriés le 1er juillet 1990.» La LADH a précisé que «sa médiation (pour dénouer la situation et trouver une solution rapide et adéquate aux niveaux appropriés), n'a malheureusement pas abouti (…).» Elle ajoute que «(…), une délégation de la LADH comprenant un médecin, venu pour contrôler l'état de santé des grévistes de la faim, s'est vu refuser l'accès au port d'Alger par les services de police en date du 8 juillet 1990.» Présidée à l'époque par Youcef Fethallah, la ligue a jugé la mesure de confiscation des documents «de nature à freiner le processus démocratique(…)», et a appelé les autorités concernées à «veiller à ne constituer aucune entrave à l'activité politique des partis dont l'action s'inscrit dans le cadre des institutions démocratiques et de l'Etat de droit.» Après 12 jours de grève de la faim, les militants du MDA eurent gain de cause. C'est par une ordonnance en référé que la juge Lebied Ghania siégeant en séance publique a statué en faveur des plaignants contre le ministre de l'intérieur géré à l'poque par Mohammedi. «L'Etat en la personne de Monsieur le ministre de l'intérieur est tenu de restituer les documents litigieux appartenant au requérant(…) ,» disait l'ordonnance datée du 14 juillet 1990. «Je rends hommage à la juge qui a condamné le ministre de l'intérieur à une époque où il n'était pas facile de toucher aux hommes du pouvoir, elle a été formidable et courageuse,» a souligné Guermouche. Très affaibli par la grève de la faim, ce militant infatigable a essayé de reprendre son activité partisane mais il a été découragé par les sordides épisodes d'infiltrations des services de sécurité qu'a vécues le parti de Benbella. «On a été noyauté par des agents, par des vautours et par des rapaces qui n'avaient jamais hésité à se faire des fortunes sur le dos du MDA. Je n'ai pu accepter de telles situations, ça m'a fait tellement mal que j'ai quitté le parti en gardant Benbella dans mon c'ur,» nous explique Guermouche. Il citera «le cas des militants MDA de France qui avaient refusé de rentrer même sur décision de Benbella parce qu'ils recevaient des salaires faramineux et profitaient de privilèges exorbitants.» Il aura aussi été marqué avant fin 89, par «la manière»dont il a été destitué pour voir nommé Nekkache président du parti et Djamel Guenane secrétaire général. «Je n'ai absolument rien contre ce grand homme que je respecte et qui mérite tous les honneurs, mais j'ai été évincé d'une manière qui m'avait fait très mal qui a été initiée par des opportunistes,» se rappelle-t-il encore. D'ailleurs, si la disparition du «Raïs» semble avoir redonné du courage à beaucoup de ses militants pour penser à relancer le MDA, Guermouche refuse l'idée en affirmant que «je resterai foncièrement contre parce que je sais d'emblée que sa relance ne servira pas les idéaux de Benbella mais d'autres opportunistes.» Il prie pour que «Benbella repose en paix» tout en ne manquant pas de «saluer le président Bouteflika pour les honneurs qu'il lui a rendus.» Guermouche nous précisera dira-t-il «pour l'histoire» que contrairement à ce que nous avons annoncé dans l'édition de dimanche, «Benbella a été libéré le 4 juillet 1979 et assigné à résidence à M'Sila jusqu'au 1 novembre 1980. Il est retourné à Alger à cette date pour quitter le pays en 1982 pour un long exil qui a commencé en France et a continué à Genève jusqu'au 25 juillet 1990 où Benbella retournera en Algérie.»
L'AMNISTIE GENERALE, UNE IDEE DE BEN BELLA
Les militants de Paris, eux, évoquent très souvent l'aide «morale» que leur a apportée Ait Ahmed après son rapprochement avec Benbella. Ceux qui écrivaient tout au début dans El Badil, faisaient dans l'invective, l'insulte et l'irrespect mais nous avons mis fin à cette situation grâce aux recommandations d'Ait Ahmed à l'occasion du fameux accord MDA-FFS conclu entre les deux historiques le 16 décembre 1985 à Londres,» se rappelle Mohamed Benelhadj. Hafidh Ouadhah, lui, se rappelle que les militants du MDA en Algérie avaient donné un nouvel élan au parti surtout nous dit-il «quand Nekkache en a pris la présidence, Guenane le secrétariat général et militant aux côtés de Hocine Guermouche, Tahar Khelil, Hadj Ahmed Harek et autres hommes déterminés et acquis à la cause benbelliste.» Guenane rappelle-t-il a été «aux côtés du président bien avant, il a été à son cabinet en 1964.» Ouadhah souligne surtout que «nous avons été avec Benbella quand tout le monde l'avait abandonné et ne voulait plus entendre parler de lui.»
Notre interlocuteur se rappelle aussi quand «des personnalités connues et beaucoup qui se disaient être militants avaient peur de se retrouver dans le bateau qui est allé le chercher de Barcelone pour le ramener en 90 à Alger après plusieurs années d'exil.» Tous s'accordent à ce que Benbella ait été un homme de pardon. «Il recherchait la réconciliation avec tout le monde, il a tenu à revoir les putschistes qui l'ont destitué de son poste de président de la république,» affirment-ils. «Lorsqu'il est rentré à Alger en 90, il a séjourné à l'hôtel El Aurassi pendant plus de trois mois parce qu'il n'avait pas de maison à Alger,» se rappelle Ouadhah. «Très fatigué par les visites que lui ont fait un grand nombre de personnes, il a décidé de quitter l'Aurassi pour être installé dans le Moncada, prés du Mouflon d'Or de Ben-Aknoun,» dit-il encore. Benbella avait, se souvient Ouadhah, accepté de rencontrer Kasdi Merbah en tant que président du MADJ, un parti politique qu'il avait créé au lendemain de l'ouverture démocratique de 88. Merbah, faut-il le rappeler, a dirigé la sécurité militaire pendant de longues années. Réconciliateur qu'il est, il s'était longuement entretenu avec Merbah «sans rancune.» Une rencontre qui a valu à Benbella le mécontentement d'un grand nombre de ses militants. Ouadhah nous apprend que «plus de 800 cartes d'adhésion ont jetées par terre.» L'on apprend que c'est sur proposition de Benbella que Bouteflika tente de faire admettre l'idée d'une amnistie politique générale. Un projet dans ce sens a été remis il y a quelques mois au chef de l'Etat, par les soins de Maître Ksentini.




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