Algérie

Mouvement des pays non alignés : le renouveau ?



Mouvement des pays non alignés : le renouveau ?
Publié le 06.02.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
Par Mostefa Zeghlache, ancien diplomate

La capitale ougandaise Kampala a abrité, les 19 et 20 janvier 2024, le 19e sommet du Mouvement des pays non alignés ou Mouvement des Non-Alignés (MNA) ayant pour thème l’«Approfondissement de la coopération pour une prospérité mondiale partagée».
Du 15 au 20 janvier, près de 120 pays y étaient représentés à différents niveaux des travaux du Sommet, et près de 15 000 délégués, 28 chefs d'État, plusieurs dizaines de chefs de gouvernement, des centaines de diplomates et 17 pays observateurs y ont participé.
A l’issue du Sommet, la Déclaration de Kampala du 20 janvier 2024 a été adoptée.
Les thèmes examinés par le 19e sommet du MNA et que l’on retrouve dans le texte de la déclaration finale sont divers. Les questions relatives à la paix et la sécurité internationales figuraient en tête de l'ordre du jour. Les conflits armés dans différentes parties du monde, notamment la guerre israélienne contre la Palestine, en particulier la bande de Ghaza, le conflit ukrainien, l'escalade de la tension entre la Somalie et l'Éthiopie et le terrorisme international, notamment au Sahel. S’y ajoutent des questions touchant l'insécurité alimentaire, la migration, le chômage, les pandémies et le changement climatique.
Au plan multilatéral, la déclaration a souligné l’importance de la réalisation des Objectifs du développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 des Nations unies adopté en septembre 2015 par l’Assemblée générale de l’ONU et qui met l’accent sur l’éradication de la pauvreté dans le monde.
Les pays non alignés, à travers la déclaration, s’engagent à renforcer le multilatéralisme dans les relations internationales et réformer les structures de gouvernance mondiale, y compris les Nations unies, en particulier au niveau de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité et les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
Après avoir rappelé l’attachement des pays non alignés aux valeurs et principes fondateurs du Mouvement, la Déclaration de Kampala a souligné l’importance d’une «coopération renforcée entre les membres du MNA pour relever les défis mondiaux et œuvrer ensemble vers un monde plus pacifique, équitable et prospère».
La question du droit des peuples à l’autodétermination a été évoquée, conformément à la Charte des Nations unies, notamment l’article 1 alinéa 2 qui inclut, parmi les buts de l’organisme onusien, celui de «développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes» et aux résolutions de l’Assemblée générale, notamment les résolutions 15.14 du 14/12/1960 et 26.25 du 24/10/1970. Parmi les peuples concernés par ce droit figurent les peuples palestinien et sahraoui.
S’agissant de la Palestine, les non-alignés lancent un appel pour une «action d’urgence pour faire cesser l’agression israélienne et le déplacement forcé des Palestiniens» et expriment leur «préoccupation face à la détérioration continue de la situation humanitaire dans la bande de Ghaza»… Ils appellent à la mise en œuvre de la résolution 2720 du Conseil de sécurité de l’ONU pour assurer une aide humanitaire vitale aux Palestiniens» et s’engagent à coordonner leurs efforts afin que l’Etat de Palestine obtienne la qualité de membre à part entière de l’ONU.
L’Algérie a participé au Sommet par une délégation conduite par le Premier ministre qui a notamment annoncé une initiative algérienne portant proposition de création d’un fonds africain dédié aux catastrophes dues au changement climatique. La proposition a été retenue par le Sommet.
Le rôle de l’Algérie dans la lutte antiterroriste a été souligné tout en rappelant que le Président algérien est actuellement le coordonnateur de l’Union africaine (UA) en matière de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Enfin, la délégation algérienne a réitéré l’engagement de l’Algérie, en sa qualité de membre non permanent du Conseil de sécurité pour une durée de 2 années, à promouvoir les valeurs et les principes du Mouvement au niveau de ce Conseil.
Pour rappel, l’Algérie a de tout temps milité en faveur du renforcement du rôle du MNA dans les relations internationales. En abritant le 4e sommet du Mouvement du 5 au 9 septembre 1973, Alger avait endossé la responsabilité de porte-parole des pays du Tiers-Monde dans leur quête de réappropriation de leur souveraineté sur leurs richesses et ressources naturelles nationales. C’est grâce à ce sommet historique que les Nations unies avaient adopté les textes qui fondent l’action des Nations unies en faveur d’un Nouvel ordre économique mondial.
Le 19e sommet des PNA s’est tenu dans un contexte international marqué par les tensions et l’incertitude sur l’avenir du monde. Cette situation nécessite de relancer le Mouvement en tant que facteur de stabilisation des relations internationales et de promotion de la paix et de la coexistence pacifique entre les peuples.
Depuis la disparition du camp socialiste d’Europe et la fin de la guerre froide opposant les deux blocs antagoniques Est-Ouest, l’utilité du maintien d’un mouvement — qui n’est ni une organisation ni une alliance —, bâti en 1961 sur la base du refus d’allégeance à l’un de ces blocs, s’est vite posée.
Mais le Mouvement est un rassemblement de 120 pays représentant 4,6 milliards de personnes (environ 58,30% de la population mondiale) et environ les 2/3 des pays membres de l’ONU qui, nonobstant leurs différences idéologiques, politiques et leurs orientations économiques, sociales et culturelles, militent en faveur des idéaux du Mouvement pour la paix, la coexistence pacifique, la solidarité et le droit au développement partagé. Autant de principes qui étaient valables durant la guerre froide et le demeurent aujourd’hui pour donner un nouveau souffle au Mouvement qui, à défaut des 2 blocs, refuse majoritairement de s’aligner sur les grandes puissances. L’attitude de la majorité des pays non alignés envers le conflit ukrainien en est la preuve.
Au lendemain de la chute du mur de Berlin, le système international semblait pour longtemps centré sur les États-Unis, au sommet de leur puissance.
Mais aujourd'hui, de nouvelles forces notamment économiques et militaires, ajoutées à la Russie, héritière de l’ex- URSS, s’imposent progressivement comme des acteurs majeurs des relations internationales. Ces forces, connues sous l’appellation de pays émergents, refusent l’hégémonie américano-occidentale et son système de relations internationales conçu par l’Occident et à son profit exclusif. Ce système a abouti à une fragmentation internationale et à la «constitution de voies plurielles» dont pourrait tirer profit et vitalité le Mouvement des pays non-alignés. L’Organisation de Coopération de Shanghai et le groupe des BRICS+ témoignent du processus de redéfinition des relations internationales en cours ces dernières années.
En l’absence d’une charte ou de tout autre texte contraignant pour le Mouvement et eu égard à leur diversité, leurs potentialités économiques et leur importance numérique, les pays membres sont toujours appelés à adopter une position de principe basée sur l’engagement en faveur de la paix et la sécurité internationales, à travers un processus consensuel qui engage tout le monde mais sans contrainte autre que la solidarité de groupe.
Ce fut le cas, par exemple, lors du sommet de Kampala s’agissant de la question palestinienne. La condamnation du génocide sioniste perpétré en Palestine et le soutien à l’Afrique du Sud dans sa plainte contre l’entité israélo-sioniste pour ses crimes ont, dans ce contexte, obtenu l’unanimité. Mais le Mouvement n’entreprend rien qui puisse aller au-delà de cet engagement de principe laissant le soin à ses membres de prendre la décision qu’ils jugent opportune pour mettre en pratique cet engagement collectif.
La perte d’influence de l’Occident mené par les Etats-Unis permet aujourd’hui aux pays du Sud Global en général et à ceux du MNA de contribuer plus efficacement à l’édification d’un monde multipolaire et d'un ordre international plus équilibré et plus juste.
M. Z. 



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