Algérie

Mourir assurés Point Net


Ils ont leurs sites connus de tout le monde, mais ils sont partout où il y a de la pierre. Ils ont Tala Bouzrou qui porte bien son nom. Une source et une route vers la mer qui auraient pu suggérer autre chose que ce qui fait sa réputation.
A Tala Bouzrou, à Ath R'houna, à T'kout dans les Aurès comme dans d'autres lieux-dits moins exposés au regard des passants et des clients potentiels, on taille la pierre.
On va chercher de quoi vivre là où il est plus évident de trouver de quoi mourir. La silicose. Nombre d'entre les jeunes et les moins jeunes contraints aujourd'hui de tirer le diable par la queue auraient pu au moins entendre parler de cette saloperie depuis longtemps. On l'appelait la maladie des mineurs et les mines, des générations entières d'Algériens en ont connu. Celles de Belgique, de France et de Navarre.
Eux aussi sont partis chercher la vie, ils sont revenus dans le caisson ou crachant encore leurs poumons jusqu'à ce qu'ils rendent l'âme dans leur montagne. Les jeunes et les moins jeunes de Tala Bouzrou, d'Ath R'houna ne connaissent pas la silicose de nom, ils la vivent tous les jours, avant d'en mourir un jour.
Ils taillent la pierre parce que la vie a refusé de leur tailler un destin. Alors ils investissent les monticules rocailleux, s'assoient sur leur cercueil pour gagner de quoi bouffer comme Darwich a pris le sien sur ses épaules pour quêter une patrie. Leurs instruments, des mains noires blanchies par la poussière de silice,
un marteau rabougri par l'usage et un burin trempé dans le feu. Sur les monticules ravagés par le vent givrant et le soleil atomique, se négocient les charges de gros tonnages et s'esquissent les riches demeures de mauvais design. Plus loin se déverseront les camions du tapage diurne et s'érigeront les maisons de la rapine à l'esthétique de boucher. Pendant ce temps, dans une sombre salle de mairie, un médecin pathétique fait ce qu'il peut en expliquant les dangers de la silicose. C'est la mairie qui sensibilise, paraît-il, les tailleurs de pierre sur le péril qu'ils encourent à tenter de vivre.
Dans une salle sombre comme une mine de Makouda a eu la sensibilisation et la comptabilité des morts. Entre 2007 et 2010, une trentaine de malades enregistrées au CHU de Tizi Ouzou, six décès. Trois cents malades dont 76 morts et 5 cas graves à T'kout. Des dizaines chaque année. On meurt encore de silicose alors que le nom de la saloperie évoque des temps immémoriaux.
Il paraît que la tronçonneuse a remplacé le burin pour accélérer la mort. On n'arrête pas le progrès, on demande même aux tailleurs de pierre de contracter des assurances. Pour mourir assurés '
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