Après le G8, le Canada abrite le G20. Quels résultats peut-on attendre de ces regroupements au sommet, alors qu'Européens et Américains affichent leur désaccord ' Entre la zone monétaire dollar et la zone monétaire euro, les différents protagonistes sont en train de se battre pour avoir la suprématie, chacun selon ses intérêts. Il y a clairement des rapports de force, mais on évite la confrontation. Lors de ce genre de sommets, on essaye en fait d'apporter des solutions, mais celles-ci restent toujours partielles. Il ne faut donc pas s'attendre à des annonces spectaculaires car personne n'a intérêt à voir le système changer ou à perdre sa place dans le système. Les pays européens sont, par rapport aux Etats-Unis et au Japon, dans des situations conflictuelles parce que leur situation économique n'est pas la même. L'Europe n'a appliqué face à la crise qu'une demi-solution, celle d'accentuer les déficits publics afin d'éviter l'explosion du système basé sur le traité de Maastricht. Ce n'est pas le cas des Etats-Unis, qui amorcent une croissance économique, du moins au niveau des fondamentaux, contrairement à la zone euro. De ce fait, le déroulement du G8, du G12 et enfin du G20 ne peuvent être que le reflet de toutes ces divergences et de tous ces rapports de force monétaires et financiers.Ces réunions au sommet se déroulent au Canada, alors que le système financier international qui a détruit plus de 500 banques dans le monde et mis le feu à des milliards de ressources s'attaque directement aux Etats. La Grèce en a fait les frais et il y a menace sur l'Espagne, sur le Portugal et sur la France. C'est une autre forme de la crise à laquelle nous assistons. Des pays deviennent douteux dès lors qu'ils accumulent un déficit important et il y a deux phénomènes qui s'enclenchent : d'abord, on ne leur prête plus, ensuite on va les surcharger d'intérêts lorsqu'ils se présentent sur le marché international. La situation de la Grèce est-elle similaire à celle de l'Algérie dans les années 1990 ' Exactement, ce fut le cas de l'Algérie dans les années 1990. En fait, le marché financier, dès qu'il considère qu'une économie est douteuse, arrête de la financer. Le plan d'ajustement structurel qui ne dit pas son nom qui est appliqué actuellement à la Grèce, c'est ce que l'Algérie a vécu en 1992, lorsqu'elle a signé un plan d'ajustement avec le FMI et la Banque mondiale, et c'est ce qui a causé la perte de 400 000 postes d'emploi dans le secteur BTPH. Cela, personne ne le dit. Aujourd'hui, on déplore ce qui arrive à la Grèce mais on ne dit pas que le Maroc, la Tunisie, l'Egypte la Jordanie, l'Algérie et d'autres pays sous-développés sont passés par là et ont subi des dégâts très importants.Dans le cas de la Grèce, la solidarité européenne a joué parce que c'est toute la zone euro qui est concernée. Les autres pays européens ont emprunté et rétrocédé ces emprunts à la Grèce. Voilà les palliatifs trouvés pour que l'incendie ne se propage pas à l'Europe, mais en fait, le problème n'est pas réglé dans le fond car on est en train de faire baisser la fièvre sans traiter le fond, qui est le système monétaire international de manière générale et son corollaire numéro 1, le rôle du dollar au niveau international. Depuis la création de l'euro, beaucoup de pays ont diversifié la structure de leurs réserves de change. C'est ce qu'a fait l'Algérie, qui a opté pour un pourcentage dollar-euro. C'est une politique de confortement des risques. Aujourd'hui, au moment où l'euro commence à montrer des signes de faiblesse, va-t-on aller vers l'or qui a dépassé les 1000 dollars l'once ' Ce serait très grave car si on retourne vers l'or, c'est le système monétaire entier qui explose et il y aura un gros risque de récession mondiale. Personne ne souhaite arriver à ce schéma. Et donc à travers le G8, le G12 et le G20, on essaye de trouver des palliatifs sans aller à des solutions véritables. Que peuvent attendre l'Afrique et les pays en développement du G20 ' A partir du moment où l'économie mondiale est en crise, il est évident que les pays africains, et d'autres pays à travers le monde, vont être plus fragilisés et encore plus vulnérables. Ce ne sont pas les promesses d'aides à maintes fois mises en avant qui vont y changer quelque chose. Quand on fait le bilan, on se rend compte que moins de 15 ou 20% des promesses ont été tenues par le passé. De ce fait, il y a un processus de détérioration de la situation des pays africains et cela tend à devenir très inquiétant. On risque, pour certains pays, de revenir aux famines mémorables d'il y a quelques années. La plupart de ces pays sont mono exportateurs de minerai ou de produits agricoles et à partir du moment où la machine de l'économie mondiale, ' c'est-à-dire les Etats-Unis ' tombe en récession, ces pays vont être impactés car il y aura moins d'importation. Qu'en est-il de l'Algérie ' L'Algérie est bien sûr concernée. Nous sommes mono exportateurs d'énergie. Nous avons un problème en ce qui concerne les prix du gaz, même si par ailleurs le prix du baril reste relativement bon. Le problème qu'il faut résoudre, à mon avis, est celui du réglage du robinet. Quand on affiche 100 à 150 milliards de dollars de réserves de change, je suis inquiet car à quoi servent ces réserves en dollars ' On aurait dû produire selon nos besoins. Pourquoi transformer du pétrole en dollars et placer ensuite ces dollars en bons du Trésor américain avec des taux de rendement plutôt bas ' Demain, peut-être qu'il y aura une dévaluation du dollar et nous nous retrouverons avec « une monnaie de singe ». J'espère vivement qu'avec les changements intervenus au niveau du ministère de l'Energie et de Sonatrach, il va y avoir une redéfinition de la politique énergétique au niveau du Conseil national de l'énergie de manière à préserver le maximum de réserves et avoir une politique agressive afin d'aller jusqu'aux consommateurs pour s'assurer des parts de marché supplémentaires. Nous sommes extrêmement fragiles à cause de notre dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et il faut qu'il y ait une réflexion très large pour tirer le maximum d'avantages de notre situation et se prémunir, au cas où la conjoncture se retournerait contre nous. Justement, quel peut être l'impact des déficits budgétaires en Europe sur le Maghreb ' Cela variera selon le degré de dépendance de chaque pays vis-à-vis de l'Europe. Il est évident que des pays tels que la Tunisie et le Maroc, qui ont un besoin fondamental d'exporter leurs biens et services vers l'Europe, risquent d'être directement touchés. Ils ont donc intérêt à trouver d'autres palliatifs et d'autres marchés pour pouvoir continuer à générer des ressources. Pour l'Algérie, nous exportons de l'énergie et il faut donc consolider notre part de marché, c'est-à-dire être plus agressifs, ne plus rester dans l'attente. Il faut acheter des sociétés de distribution, acheter des sociétés européennes pour pouvoir aller jusqu'au consommateur final, notamment pour le gaz dont nous sommes un gros producteur.
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Posté Le : 27/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Zhor Hadjam
Source : www.elwatan.com