Algérie

Mouloud Mammeri, un «homme de son temps» en quête de son identité



Homme de culture constamment interpellé par le destin des siens, Mouloud Mammeri, disparu il y a 32 ans, était un «homme de son temps» dont les ?uvres «se confondaient avec sa vie et sa quête de son identité et de sa culture» qui ont constitué, un demi-siècle durant, le fil conducteur de ses travaux, estiment des universitaires. «De ses premiers écrits datant du milieu des années 1930, alors qu'il n'avait qu'une vingtaine d'années, à sa dernière ?uvre, cette quête d'identité et de soi était omniprésente», souligne Abdelmalek Sayad, anthropologue et élève de Mammeri. Héritier d'un savoir traditionnel au sein de sa famille dont plusieurs de ses membres, père, oncle, étaient lettrés, il était parti acquérir le savoir «universel» pour, ensuite, s'en servir à développer cet héritage et se réapproprier son identité. Son intérêt pour la poésie ancienne, première matière qui lui ai tombé sous la main, s'est vite développé pour le conduire à explorer d'autres disciplines qu'il a exploitées pour exprimer cette quête de soi.De sa venue, «accidentelle», à l'anthropologie en prenant la direction du Centre national de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques (Crape), il en a fait «une opportunité d'approfondir cette quête et d'aller encore plus loin dans ses recherches de tout ce qui constituait cette identité sur toute l'étendue de l'Afrique du Nord», a souligné M. Sayad. Auparavant, «l'anthropologie était une discipline dont l'objet d'étude est l'Autre, mais, Mammeri l'a retournée pour en faire une discipline d'étude de soi à coups de séminaires et de travaux de recherche sur l'identité nationale», a-t-il fait remarquer.
De ces recherches prenant tamazight comme matrice, il a contribué grâce à ses travaux sur ses différentes composantes à la réhabilitation du gouanche (berbère canarien), en mettant en évidence ses liens avec le targui, et à constituer un trait d'union entre les amazighs des îles Canaries et ceux du continent. Aussi, fait remarquer Sayad, «il a beaucoup encouragé les travaux de recherche sur la derdja (l'arabe populaire algérien) pratiquée dans différentes régions du pays dans laquelle il entrevoyait les racines de tamazight».

L'écriture comme arme contre l'occupant
S'agissant de son ?uvre romanesque, Djamel Laceb, écrivain-journaliste ayant traduit Le sommeil du juste en tamazight, considère qu'elle était «un perchoir d'où l'écrivain, militant pour l'indépendance de son pays et pour son développement, déclinait ses positions et faisait passer ses messages».
Et malgré «la difficulté d'être écrivain dans le contexte d'alors face à la censure coloniale et l'ignorance régnante parmi les siens dont peu avaient accès au savoir, Mammeri, avec son érudition, son héritage ancestral, s'est approprié cette arme libératrice qu'est l'écriture pour la retourner contre l'occupant» dira-t-il. Et de souligner qu'«il se mettait lui-même en scène en campant un personnage dans chacun de ses romans», notamment dans sa trilogie qui retraçait l'Histoire de l'Algérie sous domination coloniale, dont le décor était La colline oubliée, bousculée par sa prise de conscience de sa condition dans le sommeil du juste qui conduit à la délivrance dans L'opium et le bâton.
Dans Le sommeil du juste où il exprimait «sa grande désillusion d'avoir cru aux idéaux occidentaux par sa prise de conscience de sa condition d'indigène, Mammeri avait aussi assumé, dans un moment de lucidité, une condition d'hybride malgré soi que l'on est, qui contraste avec toute idée de condition pure et immaculée» soutient l'écrivain.
Pionnier, en outre, dans le domaine de la recherche sur tamazight, langue et culture, ses travaux universitaires et académiques, notamment le Précis de grammaire berbère, constituent aujourd'hui le support incontournable dans l'enseignement de cette langue.
Par ailleurs, un programme d'activités commémoratives à l'occasion du 32e anniversaire de la disparition de Mouloud Mammeri (1917-1983) qui a débuté le 25 février à Tizi-Ouzou et qui prendra fin aujourd'hui 28 février, rapporte un communiqué de la Direction locale de la culture et des arts. Expositions autour de la vie et l'?uvre de l'écrivain, vente-dédicace, récital poétique, projections cinématographiques, ateliers de lecture et de dessin ainsi que des conférences sont au programme de cette manifestation placée sous le thème «Mouloud Mammeri et la poésie de Si Mohand Ou M'hand» dans les différentes structures culturelles de la wilaya. La manifestation verra, également, l'organisation d'une cérémonie au profit des lauréats du concours de poésie en hommage à Si Mohand Ou M'hand en collaboration avec l'association culturelle Mouloud-Feraoun.
Au programme aussi, un recueillement sur la tombe de l'écrivain dans son village natal Taourit-Mimoun, à Beni-Yenni.


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