Algérie

Moufdi Zakaria vu par l’administration française, Le grand homme, l’hymne et la national



L’œuvre Moufdi Zakaria vu par l’administration française, qui vient de paraître aux éditions El Arabia sous la plume de Salah Bendrissou chercheur historien, dépouille la vie prodigieuse de ce grand homme.

Dans un livre préfacé par Gilbert Meyner, historien français, Bendrissou explore hardiment l’aventure humaine fascinante vécue par Moufdi Zakaria. Il décrypte un à un quelques événements historiques sur l’Algérie tirés des archives françaises à Aix-en-Provence. S’y mêlent des « pages brillantes et souvent terrifiantes », comme a tenu à le souligner l’auteur. C’est comme si Bendrissou voulait imposer au lecteur de poursuivre une rêverie intelligente sur le poète et le combattant que fut Moufdi Zakaria. Aidé en cela par des documents inédits composés de notes et renseignements généraux de l’armée coloniale, Salah Bendrissou retrace comme un métronome une épopée riche en sujets jusqu’ici tabous. Il le fait avec le talent d’un historien capable d’ordonner et de dominer une documentation surabondante et minutieuse sur la guerre d’Algérie. Il a pu ainsi franchir le décor d’Aix-en-Provence pour, via les archives, pénétrer dans l’Algérie profonde, celle du M’zab, des Aurès, de l’Ouarsenis, du Djurdjura, de l’Etoile nord-africaine, du PPA, MTLD et du FLN. Ce livre vaut par les nombreux passages incessants du réalisme le plus sordide au fantastique le plus merveilleux de différentes étapes vécues par Moufdi Zakaria. Il vaut également par l’amour profond pour l’Algérie qui, jusqu’à la dernière page, nimbe ce personnage qui offrit à l’Algérie Kassamen, son hymne national. Celui qui dès son plus jeune âge avait vécu par et pour la création littéraire, le journalisme, le cinéma et le théâtre. Loin d’être fébrile, la plume de Bendrissou s’est attardée sur la course à l’Assemblée de 1948, le boycottage et la dérive tragique de 1955/1956 et Kassamen un hymne, une nation. Moufdi Zakaria fut un des premiers héros de la révolution à parler de la nécessité du combat armé pour arracher l’indépendance de l’Algérie. Bien que placé sous une surveillance de tout instant des services de renseignements français, il ne se priva pas de le déclarer le 2 août 1937. C’était à Boufarik à l’occasion d’un meeting du PPA qu’il avait animé au stade municipal : « Cette terre nous appartient, elle doit nous revenir un jour. N’oubliez pas que nos ancêtres l’ont pétrie de leur sang, leurs os sont ensevelis un peu partout où ils ont lutté pour la conserver… Il faut réagir, être digne de nos aïeux, nous aider à lutter pour notre indépendance. Il ne doit pas exister chez nous des distinctions d’ethnie, car nous sommes tous des musulmans... », ce fier propos donne le ton au livre. Il nous fait oublier tant de mauvais ouvrages dus à des historiens ratés qui, d’une certaine manière et en taisant des vérités, déconsidèrent l’histoire de la révolution algérienne. Le travail de recherche de Salah Bendrissou est en quelque sorte une réhabilitation éclatante de tout ce qui a trait à une partie de cette histoire. Dans ce livre, il n’ y a pas de pruderie ni de moralisme et encore moins d’agressivité dans la narration des faits. Honneur et trahison, domination et soumission, authenticité et travestissement se bousculent et nourrissent les événements. D’une conscience politique très éveillée depuis son plus jeune âge, Moufdi avait déploré l’adoucissement des ouléma favorables à l’intégration. En diverses occasions, il s’activa à les amener à épouser la position du PPA favorable à la lutte armée. Ne leur avait-il pas dit à l’occasion de la réunion du PPA à Oran le 1er août 1937 : « Vous savez que pour arracher des libertés, il faut tout sacrifier, même sa personne… Alors, nous lutterons jusqu’au bout, car nous sommes chez nous, dans un pays qui a vu naître nos aïeux… » Faut-il être amoureux de cette ample traînée moire flottant sous le ciel pâle d’une Algérie colonisée, faire fi de cette multitude acharnée et clapotante favorable au rattachement de l’Algérie à la France et taire l’héroïsme de Moufdi Zakaria pour aimer une telle évocation de l’Algérie combattante ? Tant de questions que l’historien Salah Bendrissou semble vouloir poser dans son livre. Il l’a fait d’une manière très subtile en retraçant certains événements vécus, Moufdi Zakaria décédé le 17 août 1977 à Tunis, terrassé par une crise cardiaque. Le poète auteur de Kassamen, notre hymne national, avait alors 64 ans.




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