A Tigditt, des palmiers ont vite fait de «rendre l’âme», donnant une bien piteuse idée de l’action de l’homme.
Le grand rush pour la phoeniciculture ayant frappé la plupart des villes du nord du pays n’a pas épargné Mostaganem. Ce fut d’abord le tout nouveau front de mer de Salamandre qui aura droit à sa rangée de vieux palmiers ramenés de très loin. Ces palmiers, dont le pays d’origine demeure un grand mystère, avaient déjà fait leur apparition dans les grands axes routiers des hauteurs d’Alger. Puis devant l’avalanche de plants plusieurs fois décadaires, certaines villes de l’intérieur seront à leur tour atteintes par la mode.
Toutefois, ces arbres âgés de plusieurs dizaines d’années, très probablement ramenés à gros frais, nécessitent pour leurs transplantations le respect de certaines règles, au demeurant élémentaires pour un jardinier amateur. La première des règles consiste à réduire au maximum la photosynthèse, grosse consommatrice de sève que seules les radicelles sont capables d’aller pomper dans les anfractuosités du sol. Or, il se trouve que tout végétal transplanté subit bien malgré lui une détérioration de ses radicelles, voire parfois de ses racines. La conséquence immédiate se paye au comptant, une fois le végétal dépourvu de ses radicelles, il périclite. Si pour les arbres et les arbustes, les spécialistes procèdent à une lourde réduction du feuillage et des branches, pour le palmier c’est plus compliqué, puisque cet arbre très particulier ne dispose que d’un seul bourgeon terminal qu’entourent des palmes.
La réduction du feuillage est dans ce cas très limitée, tandis que l’arbre consiste en un tronc longiligne de plusieurs mètres, autant de parties vitales qui nécessitent une alimentation en sève. C’est là où les horticulteurs ont cherché à résoudre l’équation ; pour maintenir en vie un arbre long de plusieurs mètres tout en le déplaçant parfois sur des milliers de kilomètres, il suffisait de réduire au maximum ses dépenses nutritives, soit en réduisant les parties feuillues, soit en procédant au transplant durant la période de l’année où l’arbre rentre en dormance ou réduit considérablement ses besoins. C’est ce qui permet de déplacer les arbres sans aucun risque d’assèchement.
Pour les vieux palmiers, c’est plus compliqué, d’où le recours à une dormance artificielle, l’opération consistant à envelopper les palmes sur une très longue période, le temps que le système racinaire s’implante progressivement dans son nouvel espace. Cette dormance artificielle peut durer une année complète, une fois les radicelles reconstituées, l’arbre peut à nouveau déployer ses palmes et reprendre une photosynthèse normale.
Enfin, durant toute cette période, il est recommandé de garder les racines en milieu humide, afin d’empêcher tout dessèchement mortel. Que dire à ceux qui se sont transformés en horticulteurs du week-end, déplaçant des vieux palmiers comme s’il s’agissait de statues en plastique? Les habitants du quartier de Tigditt, non loin de la zaouïa, en savent quelque chose. En effet, l’hiver dernier, des palmiers de tous âges et de tous gabarits sont venus prendre place sur leurs minuscules trottoirs. Moins d’une année plus tard, ces arbres jadis rutilants ont vite fait de rendre l’âme, donnant une bien piteuse idée de l’action de l’homme.
Atteints par un mal sournois qui s’appelle la bêtise humaine, ces cadavres de palmiers font pitié à voir. D’autant que dans leur détresse, personne ne s’est senti concerné par leur retrait du paysage, ce qui donne une pitoyable image de ce quartier si paisible par ailleurs.
* Photo: Un triste spectacle !
Yacine Alim
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Posté Le : 21/11/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: © Aziz ; texte: Yacine Alim
Source : El Watan.com du jeudi 21 novembre 2013