Algérie

Mostaganem: Découvertes archéologiques majeures


Publié le 07.06.2024 dans le Quotidien d’Oran
par Abdelkader Benguettat*

En ce jeudi 09 Mai 2024, accompagné de mes copains Noredine Ould El bey et de Norine Ould Moussa de l'association Nadi el Fikri El Moustaghanimi , J'ai effectué une visite de courtoisie à nos amis les éminents professeurs et chercheurs, Monsieur DERRADJI Abdelkader et Madame CHEMERIK Farrah qui se livraient à des travaux de recherches au site archéologique mondialement connu d'ERRAYAH de Sidi Ali de la wilaya de Mostaganem.

Quel fut notre désarroi à notre arrivée à ce merveilleux site archéologique de le voir jonché d'un tas d'immondices, d'ordures et de déchets provenant de chantiers de constructions ! Désolant spectacle! A notre troisième visite depuis 2018, la dégradation du site archéologique prend des proportions alarmantes et à laquelle on devrait y remédier opportunément.

Equipés de leurs outils et dans une ambiance conviviale et bon enfant, les deux savants coordonnent les travaux minutieux de fouilles avec une vingtaine d'étudiants de l'institut d'archéologie d'Alger. Tâches auxquelles s'adonnent pleinement et équitablement étudiants et étudiantes. Ce qui n'est pas de tout repos !

Madame le professeur CHEMERIK, conjuguant compétence et éloquence, nous fait part des résultats de près de vingt années de recherches.

Il s'agit de découvertes archéologiques majeures et d'importance mondiale eu égard aux quantités impressionnantes de pièces archéologiques découvertes dont les plus célèbres sont les bifaces récoltés depuis près de vingt années à Mostaganem.

Ces découvertes révolutionneraient complètement notre compréhension de l'évolution et de la migration de l'homme préhistorique d'origine africaine vers d'autres continents.

Le biface qui est l'ancêtre du couteau, est un merveilleux outil de pierre taillée de forme elliptique, indispensable à la survie de l'homme et caractéristique des périodes anciennes de la Préhistoire.

Sa symétrie bifaciale pourrait être interprétée comme la première manifestation esthétique et artistique que l'homme préhistorique ait pu concevoir.

D'après les manuels d'archéologie, le biface aurait fait son apparition en Afrique de l'Est (Tanzanie et Kenya) et se serait diffusé en Europe via l'Asie . Cette théorie est largement contestée par nos chercheurs car les analyses des pièces archéologiques et leur datation déterminent un âge à plus de 1,4 millions d'années. Ce qui prouverait que l'homme préhistorique a bien séjourné pendant très longtemps en regroupement organisé dans notre région Mostaganemoise en Algérie, en Afrique de l'ouest précisément et qu'il possédait de véritables ateliers de fabrication de bifaces.

Quant à sa migration européenne, encore une première dans les milieux savants, l'homme préhistorique aurait choisi le chemin le plus court pour atteindre l'Europe, c'est-à-dire le « détroit de Gibraltar » qui n'était distant que de sept kilomètres à l'époque de l'Afrique du nord. Comme quoi, nos aïeux les Homoerectus avaient bien un don très précoce de la « Harga »….

Madame le professeur Chemerik nous a informé que lors du dernier congrès international d'archéologie en Italie, la communauté scientifique a été stupéfaite de ces révélations scientifiques si bien que des chercheurs du monde se bousculent pour venir faire de la recherche et de l'exploration sur notre site archéologique d'ERRAYAH .

Hélas ! Les conditions sont loin d'être réunies pour que de telles expéditions scientifiques et culturelles soient organisées… A moins qu'on veuille un jour donner une part d'intérêt au tourisme dit culturel et scientifique plutôt qu'au tourisme de masse avec tous ses revers écologiques et sociétaux. Les cas de nos voisins sont assurément révélateurs à ce sujet.

Une publication dans une célèbre revue internationale d'archéologie est en attente d'approbation par le comité de lecture en vue de la consécration de cette riche et formidable découverte.

Monsieur le professeur DERRADJI, dont la bonhomie et la prestance inhérente à sa qualité de chercheur de longue carrière, exhorte toute personne jalouse de notre pays à protéger nos nombreux sites archéologiques exposés hélas aux actes de vandalisme. Son vœu le plus cher serait la création d'un Musée de la Préhistoire à Mostaganem qu'il dotera de pièces archéologiques uniques dans le monde, fruits de ses longues années de recherches. Pourtant, ce ne sont pas les infrastructures vacantes qui font défaut….

Comme couronnement aux durs labeurs, une monographie détaillée des sites archéologiques de la région de l'ouest du pays sera publiée prochainement. Espérant que nos chercheurs savants les professeurs DERRADJI et CHEMERIK ainsi que leurs assistants auront tous les égards académiques qu'ils leurs sont dus.

En ce mois de Mai dit mois du patrimoine, les habitants de Mostaganem et de Sidi Ali, réputés pour leur hospitalité et leur générosité ont l'obligation morale d'accueillir ces chercheurs universitaires usant de leurs propres et modestes moyens lors de ces expéditions scientifiques. Et si «budget» y afférant ferait défaut, un appel à cotisation par les notables lors des Waadas de Sidi Belkacem et de Sidi Afif, les saints patrons de la région, contribuerait largement à prendre en charge dignement ces scientifiques qui œuvrent à éclairer l'histoire lointaine de notre pays et de celle de l'humanité.

*Docteur ès sciences médicales