Algérie - Ibrahim Ben Mohammed El-Masmoudy


MOSQUEE DE SIDI BRAHIM
Le plan de la mosquée est copié sur le plan classique des monuments de la belle époque mérinide. Les dispositions archi- tectoniques sont les mêmes. La porte principale est au Nord; deux autres portes latérales ouvrent la première travée de la salle de prières, l'une à l'Est, l'autre à l'Ouest. Elles n'ont rien de monumental. L'arcature qui borde le çahn porte sur tout son pourtour l'auvent établi sur des consolettes de maçonnerie. La salle de prière est composée de cinq nefs formées par deux rangées de pieds droits, soutenant des arcades brisées sans aucun décor. Elle a 19 mètres de large sur 15 mètres de profondeur. Les nefs extrêmes de droite et de gauche sont couvertes de voûtes d'arête.
Le mihrâb est précédé d'une coupole, décoré de grandes cannelures convergentes semblables à celles que présente la Grande Mosquée. Trois fausses fenêtres le surmontent. La petite coupole intérieure est à huit pans et sans ornements. Le cadre du mihrâb, où l'on remarque le croissant turc, est garni de plaques de faïence, à fond lustré variant de l'ocre claire au rouge sombre, et à dessins floraux bleus, jaunes, blanc et vert. Le lustre du fond rappelle les produits de Gubbio et de Pessaro; on en trouve d'analogues à Alger sur les monuments datant de l'époque turque. Le mihrâb est flanqué de deux ouvertures, l'une à droite où s'enfonce le minbar, l'autre à gauche qui donnait entrée dans la salle de prêche maintenant disparue(1). Cette dernière est fermée par une porte assez élégante dont le battant et le cadre sont garnis de petits panneaux, de cordelières, de feuillages avec fleurons dans le goût turc, de pentures de cuivre fort minces sur transparents d'étoffe, enfin d'une inscription en caractères maghrébins. Celle-ci nous indique que les sculptures sur bois furent exécutées dix-huit jours avant la fin du mois de Rejeb 1247 par Sàlim Bou-Djenân Ben-Ferfara. Le minbar, de facture semblable, porte la date de Chabân 1217 et le nom de Moham- med Ben-Hasen Ben-Ferfara. Cette date (1831-1832) nous reporte à la fin de l'époque turque. Le nom de Ben-Ferfara était porté par deux artistes cousins, dont les vieux Tlemceniens ont gardé le souvenir et qui travaillèrent pour le compte d'Abd-El-Kàder(2). Les œuvres qu'ils nous ont laissées, d'une exécution assez maladroite, se rattachent, à cinq siècles de distance, à l'école qui sculpta la maqçoura de la Grande Mosquée, l'auvent et la frise de Sidi El Halwi. Le bois y est traité comme le plâtre; le décor sans modelé sensible se découpe sur un faible défoncement.
La mosquée de Sidi Brâhîm, primitivement simple oratoire annexe d'une médersa, devint avec le temps mosquée-cathédrale; elle était le lieu de réunion, pour la prière solennelle du vendredi, des qouloughli, qui habitaient les quartiers voisins. Elle a donc une sedda fort simple. Aujourd'hui encore, on y dit la Khotba, et l'on y fait la prière eu commun.
Dans le çahn, deux bassins servent aux ablutions : l'un porte une vasque dont le pied est une colonnette d'onyx avec chapiteau d'un type assez archaïque; Brosselard réussit à y déchiffrer à la loupe le nom d'Abou-Hammou ; mais, depuis trente ans, l'eau a coulé dessus nuit et jour, et nous n'avons pu aujourd'hui rien y lire(3). Diverses bases, divers chapiteaux épars dans le çahn proviennent apparemment des édifices disparus, dont la mosquée n'était qu’une annexe.
Le minaret, placé à l'angle Nord-Ouest du monument et en saillie sur la face Ouest, est de hauteur moyenne, assez trapu, de proportions peu élégantes. Son décor est fort simple. C'est d'abord sur les quatre faces, au tiers environ de la hauteur une arcature à grands lobes encadrée dans un panneau de briques; une bande de faïence de 10 centimètres de largeur environ, et formée de qiràti(4) blancs, bruns, verts et jaunes disposés en damier, surmonte ce premier étage de décoration. Un grand panneau de treillis à lambrequins dont l'entrecroisement s'appuie sur quatre colonnettes vient au dessus: des fleurons de faïence verte incrustée dans la brique en relèvent la couleur générale. Enfin l'étage supérieur est formé d'un panneau de quatre arcades fort frustes, se détachant sur un fond de mosaïque en damier de qiràti blanc, brun et jaune. Des merlons crénèlent la plate-forme. L'édifice terminal ne porte aucun ornement. L'ensemble donne une impression de rudesse et d'inhabileté; et cette œuvre de décadence, si l'on ne connaissait sa date, pourrait passer pour une œuvre de début.


NOTES :

1- Elle a été abattue lorsque le passage qui fait communiquer la rue Ximenès avec la rue de Sidi Brahim derrière la mosquée a été élargi.
2- Cf. supra, Intr, p. 39: — et Tombeaux des Emirs B»ni-Zeiyan,p. 50. note 1.
3- Cf. Tombeaux des emirs beni zeiyans. p. 12.
4- Cf. Supra, lntr, p 80, 81.



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