Algérie

Monuments historiques et legs oral toujours vivant



De nombreux monuments historiques emblématiques de la présence ottomane en Algérie subsistent dans la ville de Blida, dont la population a sauvegardé jusqu'à nos jours nombre de coutumes et us hérités de cette époque et préservé la dénomination de plusieurs quartiers et sites connus, qui semblent tant bien que mal résister à l'usure du temps.Le quartier «Douirette», également connu par «Hai Ouled Essoultane», le palais Aziza ou encore le siège de la commune de Blida, au même titre que nombre de mosquées et ruelles de la ville des roses font partie de ces sites emblématiques, à haute valeur culturelle et historique. L'architecture du quartier «Douirette», construit au XVIe siècle, est similaire à celle de la Casbah d'Alger, à quelques détails près, relatifs notamment aux toitures des maisons, faites en tuiles à Douirette, alors que celles de la Casbah sont surmontées de terrasses, selon l'historien attitré de la ville de Blida, Youcef Ouraghi.
L'autre particularité de ces maisons est que chacune d'elles comptent plusieurs chambres de forme rectangulaire de 6 à 10 m de long, sur 3 m de large, construites de façon à entourer un patio disposé au centre, que les familles s'ingéniaient à agrémenter de plantes ornementales, généralement du jasmin et des citronniers. De nos jours, aucune touche d'esthétique n'est plus visible dans ce vieux quartier, également de style mauresque, tel que voulu par le fondateur de la ville de Blida, Sidi Ahmed Elkbir (XVIe siècle).
Le temps et les modifications apportées par ses habitants ont fini par faire disparaître son cachet originel et ainsi toutes les touches originelles attestant de l'histoire andalouse de ce quartier. En dépit de son patrimoine culturel riche à plus d'un titre, ce vieux quartier historique de plus de 30 000 âmes ne compte aucun centre culturel, ni association dédiée à la préservation de son patrimoine et de sa mémoire, déplorent ses habitants. Aussi, nulle pancarte ne signale aux visiteurs l'existence du site au niveau d'aucune de ses entrées, a constaté l'APS.
Le palais Aziza en attente de restauration
Le palais Aziza, édifié par le Dey Mustapha Pacha pour sa fille Aziza, fait partie des monuments historiques d'une importance extrême à Blida. Selon Youcef Ouraghi, son édification remonte à l'époque ottomane, précisément au début du XVIIIe siècle. Aussi, son architecture est fort similaire à celle du palais Aziza de la Casbah d'Alger. Erigé dans la commune de Beni Tamou, ce palais servait de résidence de vacances pour la famille du Dey, qui y trouvait un espace naturel privilégié, entouré d'orangers et de bigaradiers et disposant de toutes les commodités nécessaires pour la cour.
Son autre spécificité est qu'il est l'unique monument historique de la wilaya ayant résisté au séisme de 1825. Toutes les bâtisses de l'époque avaient été détruites à l'exception de ce monument édifié par les Turcs selon des normes parasismiques forts similaires à celles actuellement en vigueur, selon des spécialistes du domaine. Objet de convoitises, la bâtisse avait été exploitée au début du colonialisme français en tant que prison centrale. Les détenus étaient exploités dans la réalisation de routes, de travaux hydrauliques et pour l'agriculture.
Le palais fut, ensuite, transformé en caserne militaire, au déclenchement de la Guerre de libération nationale, avant de devenir une résidence pour le parachutiste sanguinaire Lagarde, jusqu'en 1962. Aujourd'hui, il est aisé pour le visiteur de constater les profondes modifications subies par la structure de ce palais, s'étalant sur une surface de 560 m2, à l'exemple d'un mur érigé au milieu du couloir du premier étage défigurant complètement la structure, des escaliers construits dans la cour du palais, ou encore la fermeture des portes en voûte afin de séparer les familles y habitant.
L'imposant portail du palais (3,25 m de hauteur sur 2,90 m de largeur) fait en bois de cèdre a, lui aussi, subi les aléas du temps, au même titre que ses fenêtres, ses murs en pierre et ses larges colonnes de soutènement. Selon les chargés de la direction locale de la Culture, l'entame de la restauration de cette bâtisse, pour laquelle une enveloppe de 10 millions de da a été débloquée par la tutelle, «est tributaire de l'évacuation des familles y résidant».
L'opération permettra, selon eux, la «restitution de ce monument historique et son enregistrement dans la liste du patrimoine local de la wilaya». La direction de la Culture entend par cette démarche proposer ce site au classement afin d'en faire un musée culturel, qui préservera l'histoire et le patrimoine de la ville de Blida.
Les autres sites emblématiques de la présence ottomane
Le bâtiment abritant le siège de la commune de Blida fait, également, partie des sites emblématiques de la présence ottomane dans cette région de la Mitidja. Cette bâtisse historique, qui faisait partie des propriétés d'Ibrahim Agha, jouit d'un grand intérêt auprès des visiteurs de la ville, qui l'apprécient particulièrement pour son architecture singulière «très ottomane», attestée par ses colonnes, ses portes en bois et la cour avec son jet d'eau et ses plantes ornementales.
Ces vestiges témoignent d'une époque révolue, en dépit des modifications apportées par l'occupant français, qui en a fait un siège de commune en 1848, après son aménagement en bureaux ainsi qu'en ateliers de menuiserie et équestre, entre autres. Plus tard, la bâtisse a subi plusieurs actions de «restauration impromptues», qui à chaque fois, «l'ont détériorée un peu plus», a déploré, à ce propos, M. Ouraghi. La dernière «restauration» en date a été apportée par l'ex - P/APC, qui a remplacé les portes en bois de la bâtisse en portes aluminium et retiré les appuis des fenêtres en marbre.
Ce triste sort n'a pas non plus épargné «Zenkette El Bey» (ou la rue d'El Bey), qui renfermait à l'époque des bureaux administratifs relevant du Bey et dont il ne reste aujourd'hui que le nom, après la démolition, par un particulier, de la maison historique du Bey pour y édifier un bâtiment moderne.
A l'opposé de ces vestiges non sauvegardées, les mosquées «Ben Saadoune» et «El Hanafi», deux hauts lieux de culte de la région, continuent aujourd'hui, d'être le point de convergence d'un nombre considérable de fidèles, tout en remplissant leur mission cultuelle et sociale.
La mosquée «Ben Saadoune Ben Mohamed Ben Baba Ali» a été construite vers la fin du XVIe siècle, tandis que celle d'El Hanafi, une mosquée antique portant le nom de l'Imam «Mustapha Stambouli», fut construite en 1750, à l'époque Ottomane, pour y effectuer la prière selon le rite Hanafite, mais c'est le rite Malékite, fort répandu dans le Maghreb arabe, qui y est pratiqué de nos jours. A l'Agence nationale d'archéologie et de protection des sites et monuments historiques, on déplore néanmoins que «les actions de restauration entreprises, depuis lors, à leur profit, n'ont pas obéi aux normes requises en la matière».
Des noms turcs toujours en usage parmi la population
De nombreux noms et dénominations, dont beaucoup ignorent l'origine turque, continuent d'être usités jusqu'à nos jours, notamment dans l'art culinaire, ou tout un chacun connait les fameux Tcharak (qui veut dire lune en turc), ou encore les Baklawa, le Bourek, la Dolma, Tezdam Lagha Fi Yed El Kheznadji, et autres plats réputés de la gastronomie algérienne.
D'autres dénominations à l'instar de Bab Lakhouikha (petite porte) et El Kerdache (frères) sont, également, un héritage des turcs, selon l'historien Ouraghi, qui souligne que la présence Ottomane en Algérie (Alger, Blida, Médéa, Miliana) a eu une influence notable sur les us et coutumes des populations de ces régions, qui ont ainsi, perpétué de nombreux noms de personnalités ottomanes connues, dont «Aziza», qui demeure un nom très apprécié et en usage parmi la population locale.


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