En quittant le bureau du Président Bouteflika, mardi dernier, le ministre nigérien de la Défense a bien résumé les dangers qui couvent sous la cendre au Mali. En déclarant, en substance, qu'il est facile de s'engager dans la violence mais difficile d'en sortir, il a parfaitement pointé le danger qui s'attache à une intervention militaire précipitée dans ce pays du Sahel gravement menacé dans son intégrité territoriale depuis avril dernier. A cette date, face à un Etat en décomposition et à un pouvoir qui avait laissé la curée s'installer, des groupes islamistes ont foncé à la vitesse de l'éclair en direction de la partie septentrionale du pays, y occupant les principales villes sans rencontrer la moindre résistance. Il leur a suffi de quelques jours seulement pour se rendre maîtres des deux tiers du territoire malien, faisant preuve d'un empressement inattendu et surprenant à imposer la chari'a à des populations depuis longtemps abandonnées à leur sort par le pouvoir central.Cette situation inédite pour un territoire devenu une «terra nullius» résulte de la conjonction d'une série de deux facteurs, endogène et exogène. Engagé dans un timide mais méritoire processus de démocratisation, le pouvoir politique malien n'avait pas vu venir, ou l'avait sous-estimée, la menace de militaires totalement irresponsables et dévorés par l'ambition. Officiellement, le coup d'Etat qu'ils ont mené le 22 mars 2012 contre le président Toumani Touré, à un mois de l'échéance de son mandat, est motivé par la mollesse de la riposte contre les groupes touaregs et islamistes dans la partie nord du pays. Le putsch est conduit par un capitaine fantasque qui s'est lui-même montré d'une affligeante incompétence face aux nouveaux occupants. Dans un sauve-qui-peut général, les militaires maliens en déroute ont fui ce qui devait être le théâtre des combats et de la riposte, non sans abandonner sur place une logistique et un armement qui ont renforcé les capacités combatives et meurtrières des envahisseurs. Ce même capitaine putschiste et capitulard devant l'ennemi terrorise, aujourd'hui, dirigeant politique malien veut s'ériger en libérateur du Nord. Autant dire que le président par intérim (depuis avril dernier) Dioncounda Traoré voit ses pouvoirs, déjà très limités et incertains, se réduire encore davantage sous les coups de boutoir «complotistes» de ce capitaine Sanogho. La deuxième série de facteurs découle, elle, du nouveau contexte régional induit par la situation en Libye. Un déversement extraordinaire d'armes, consécutif à la chute du régime de Kadhafi, a servi à surarmer les groupes de Touaregs (islamistes et autres) dont beaucoup étaient au service du «guide libyen». Leur retour au Mali, où ils feront jonction avec Aqmi et le Mujao, sera une simple méharée. Dans les deux cas, le pouvoir malien n'a pas été en mesure de gérer la nouvelle situation, bien qu'elle fût prévisible. Pris en tenailles entre une classe politique largement infantilisée et inefficace et des militaires qui n'ont fait semblant de retourner dans leurs casernes que par crainte de sanctions internationales, le gouvernement malien s'est trouvé piégé et subtilement conduit à solliciter une intervention militaire étrangère. Pour sauver les apparences, celle-ci sera exclusivement africaine et les contingents en provenance des pays de la Cédéao auront une présence la moins visible possible, dans la capitale. Ne reste plus que la résolution du Conseil de sécurité pour inscrire l'opération dans la légalité internationale.Mais l'intense chassé-croisé diplomatique sur la question, à l'assemblée générale de l'ONU révèle pour le moment un consensus incomplet, avec en particulier les réticences des Etats-Unis et les recommandations de prudence de Ban Ki-moon. L'activisme de la France qui s'est prononcée pour une intervention militaire rapide est contrarié par l'absence d'un front interne solide au Mali et des craintes justifiées, exprimées par ailleurs, des conséquences et de l'issue improbable d'un conflit dont la communauté internationale se passerait bien. L'Algérie qui partage avec le Mali une frontière de 1 400 kilomètres plaide évidemment pour une solution politique qui vise à découpler les groupes islamistes radicaux et manipuler des forces touarègues plus anciennes et enclines à la négociation. En tant qu'acteur régional de poids naturellement partie prenante pour une solution durable, sa position est déjà partagée par de grandes capitales qui ne se retrouvent pas dans l'entrain guerrier de Paris. Mais toutes les parties qui s'agitent sur le dossier malien ont-elles vraiment tiré les leçons qui s'imposent de l'interventionnisme militaire en Afghanistan, Irak, Syrie' ' Les islamistes au Mali seraient-ils plus dangereux et moins humains que les djihadistes de Syrie ou d'Irak '
A. S.
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Posté Le : 30/09/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : A Samil
Source : www.latribune-online.com