J'ai l'honneur de
vous adresser sous le présent bordereau d'envoi populaire, un sigle et une
liste.
C'est ainsi que
commence mon ennuyeuse littérature, au moment où adossé au siège de mes misères
d'écrivain public, je vois venir un peuple muni de son histoire, de ses clans,
de ses déboires mais aussi de ses gloires et de ses victoires, me demander
d'écrire une lettre de remise d'objet. Le tout est transmis à vos bons soins
pour les suites que jugeriez utiles. M'imprégnant de la définition concordataire
propre à l'ICOM (conseil international des musées)
faisant du musée une institution permanente sans but lucratif, au service de la
société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve,
étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l'humanité
et de son environnement à des fins d'études, d'éducation et de délectation ; je
vous prie Monsieur d'accéder au vÅ“u de mes délégants. Ils sont venus en peuple,
tous horizons confondus. Ils me pétitionnent dans leur grandeur et candeur de
plaider une place dans votre mémorable institution. C'est donc avec un
pincement de cÅ“ur plein d'ecchymoses que je m'adresse à votre bienveillance
comme ultime recours. Veuillez trouver en ma demande un cri de
détresse qu'aurait pu lancer un enfant devant par contrainte laisser choir un
père, un ancêtre, un géniteur. Ne consentant point à aller vers les allées des
cimetières où les stèles funéraires et les pierres tombales ne servent que les
visiteurs de circonstances, les fêtards ; j'ai opté obligé de le faire pour les
étagères muettes que contient votre demeure. Votre demeure monsieur, froide et
réfrigérée offre la quiétude perpétuelle et le repos du guerrier. Le classement
devient un linceul temporel, rendu inaltérable par les affres du temps et que
seul un esprit aux mains décentes puisse palper les plis. Elle n'est pas, comme
la sépulture, que fréquentent les hyènes et les loups. Ils y viennent eux aussi
muni d'un emblème celui de mon père, de mes voisins, de mes parents. Les
couleurs ne sont plus vives comme elles le furent auparavant au même moment où
mon géniteur naissait.
Des gens venus de
diverses provenances ont pu, l'indépendance durant, osé altérer les nuances et
rabrouer le croissant et l'étoile qui le surplombent. Ils peuvent, doivent y
déposer un cerceau couronné en guise de gerbe de fleurs dans ces carrés
blanchis à la chaux à l'occasion festive d'une date ou d'une autre. Ces roses
se fanent et s'avachissent au premier retour de pas. L'on s'aperçoit au fur et
à mesure de l'effilement de toutes les élections, lieu béni pour les
pourfendeurs ; que les batailles dans la profondeur de ce sigle n'ont jamais
pris l'allure de courants idéologiques contradictoires. Les conflits opposaient
les personnes, les clans et les familles et non les idées ou la nature de
projets sociaux. Les étourdis et les désarticulateurs
persistent à en faire un bien personnel, pourtant tout le monde y a puisé
l'honneur et l'estime.
LE SIGLE AUX
TROIS INITIALES DOREES
Pour le sigle
ci-joint, il s'agit en fait d'une mémoire commune. Il pèse lourd. Son poids n'a
pas la mesure du compte unitaire. Ses grammes sont des tonnes de jours, de
faits et d'exploits. Les initiales ont été fabriquées, non pas en porcelaine ou
en cristal, mais par la coulée de sang et les effluves des pleurs. Elles n'ont
pas été importées de Bandoeng, de Paris ou de Moscou. Elles ont été tissées
bout par bout dans la noirceur de la nuit coloniale et à la clarté d'une
bougie. Des Aurès, au Djurdjura à l'Ouarsenis. Ce sont plusieurs vies et
beaucoup d'âmes qui ont contribué à souffler dans ses entrailles l'existence et
la posture debout. Les premiers artisans sont partis, sont morts. Ils ne
servent maintenant qu'à légitimer une frange apocryphe, ingrate et hypocrite.
Leurs noms garnissent aléatoirement les coins et les recoins des rues et des
boulevards. D'autres se portent indifféremment sur les frontons des écoles. Ces
martyrs, mes aïeux, mes enfants se bousculent dans les corridors du firmament
promu, ce paradis espéré mais gardent leurs cÅ“urs accrochés à novembre de
l'idéal quelque part trahi. Novembre n'est devenu pour les veilleurs officiels
qu'une halte à l'heure zéro. Cérémonie, festivités, une pièce théâtrale, un
chant et voilà novembre parti encore dans l'oubli et la désuétude quand il ne
s'ensevelit pas dans un murmure et l'air de zorna.
Pire, novembre se paye ! On l'achète au cachet ! Des walis qui consomment une
centaine de millions pour un ballet ou une opérette d'une heure ! Allez voir
Monsieur du coté de la cité Sitifisienne
où des jets rares dans l'emm... des tympans et des
iris se font honorer.
Le sigle que je
tiens en ce jour à vous en faire le dépôt ; connut l'érosion et l'hémorragie
interne. La rouille le menace jusqu'à la moelle épinière. La conjuration et la complotite ont investit ses entrailles. Ses os ne
supportent plus le fardeau de la servitude. Né dans un monde de dignité, il ne
peut aspirer à mourir pour revivre autrement que dans un monde de la même
valeur. Ballotté, au gré des humeurs et des pouvoirs, à l'envie des personnes
et des régimes ; il se morfond dans sa portion incongrue d'appareil de levage
des uns et des autres. Que de fois ses trois initiales n'ont-ils pas été
utilisées pour remettre à l'odeur du jour, une odeur sentant mal le zéphyr qui
s'élance du tombeau des soldats connus. La politique, la petite, celle que l'on
pratique comme un jeu de famille pris pour un enjeu national, n'est plus celle
qui le servait de puissance et de beauté. Elle fut de son temps un sacrifice et
non une fonction ou un emploi supérieur. Des gens frôlant le siècle parlent
encore de redressement, croyant faire de la politique ! La politique dans un
temps ne se gratifiait pas par une mensualité ou la gratuité des hôtels cinq
étoiles. Son club des pins n'était autre qu'une chaumière que remplissait la
chaleur des frères et non pas la calorie des importateurs et promoteurs. Son
bureau n'avait pas les hauteurs de Hydra mais se limitait à un toit et un
enclos sur les hauteurs de la montagne. Il a parcouru pieds nus, corps sain et
esprit vivace les capitales, les monts et les douars. Sa phonie faisait
trembler le hardi injuste, le traitre et le vendu. Il
rassemblait en sa soyeuse poitrine la nation et son avenir. L'espoir de voir un
jour la lueur du jour ne s'est jamais estompé de ses jours. Il lui tenait la
tête et lui tenait celle de sa progéniture. Jusqu'à l'indépendance, il
cherchait la cohésion et unissait pour l'assaut final les âges et les
générations. Il refusait dans son for intérieur d'être un instrument ou un
alibi dans l'équilibrisme politique des pouvoirs successifs. L'unicité
postindépendance n'avait rien apporté comme élément fondateur d'une nation si
ce ne fut cette pseudo-discipline quoique honnie,
mais qualifiée d'indispensable pour éviter toute dérive. Le moindre vent de
vouloir dire ou faire des choses en dehors d'un «cadre organisé» s'assimilait
de facto à un acte contre-révolutionnaire. La démocratie n'avait qu'une
signification occidentale et bourgeoise au moment où, l'appropriation de
l'outil de travail, la justice sociale et l'égalitarisme rimaient avec la
négation des classes. L'embourgeoisement condamné à plus d'un titre sera une
fois la démocratie mise sur scène, un mode apte à appâter les foules et gagner
croit-on, l'estime de la populace. Les slogans d'à bas l'impérialisme et la
réaction se tairont et les vociférateurs feront la chaîne devant les ambassades
des pays qualifiés ainsi. Le parlement en 1976 ne constituait qu'un
regroupement de gens réunis pour la galerie tout en faisant office d'une preuve
tenant lieu d'un amphithéâtre de libre expression dans le cadre d'une
démocratie toujours voulue « responsable et organisée » Combien de ténors et de
maitres qui ont eu à gérer ce que je viens par la
présente faire dépôt, ont insisté pour le refondre dans un moule en adéquation
avec l'actualité. Il ne pouvait, le pauvre dans cette lancée survivre aux mites
qui le rongeaient ou résister longtemps aux redressements itératifs qui l'agite à ce jour. D'une échéance à une autre les figures éternelles et de toujours commencent à lui
causer une sérieuse hémorragie. C'est pourquoi donc, ce sigle une entité pleine
appartenant à tout le corps social sans distinction d'idéologie, ni de barbe,
ni de kamis ou de jeans, doit faire partie des dix constances nationales que
les algériens dans un consensus général ont adoptées. Ces trois profondes
initiales à la charpente inoxydable, ne mourra pas en
étant dans un musée. Il revivra dans un air serein et sain, loin du souffle et
de la contamination des toux épisodiques sèches et crachantes.
Il ne sera pas « remisé dans les hangars de l'histoire » mais bel et bien, haut
et fort, sur le fronton de cette histoire. Paradoxe des circonstances, 22 héros
historiques ont pu le mettre au jour, 22 députés squelettiques ourdissent ses
obsèques. Extraire ce sigle de la rue n'est pas
l'archiver. Ou le faire taire. Seulement une protection constante et pérenne.
LA LISTE DU PERSONNEL DE LA FLETRISSURE
Je vous joins,
Monsieur le directeur général ci-après une liste non exhaustive des profils de
personnes responsables et coupables : Ils sont nombreux. Divers et vagues. Mais
les plus importants seront les plus indiqués et seront ceux qui se mettent en
valeur depuis l'histoire de sa naissance. ManÅ“uvrant à distance ou à bout
portant, les caciques ne lâchent pas les rennes qui les ont traînés aux marches
supérieures de la gloire du jeune Etat. C'est grâce à ce sigle qu'ils sont devenus
ministres, ambassadeurs, députés ou sénateurs tiers résidentiels. Les coulisses
ne sont plus utiles, pour eux plus que ne le sont les eaux troubles.
La démocratie maintenant chérie à leurs yeux
est là d'abord au service de leurs intérêts. Car ce sont ceux-là même qui dans
les années 70 prenaient pour un blasphème ce mot au moment où ils officiaient
en tant que Mouhafedh omnipotent et omniscient.
Depuis, n'arrivant pas à reléguer leurs conflits personnels ni réguler l'envie
pressante de vider le contenu de leur vessie, comme des gagas ils
s'agglutinent, tel un essaim autours de ce sigle. Séniles, sinistrés, moches,
blafards, pales et tièdes ils se croient toujours tenir la main sans recourir à
la main courante à peine de trébucher. Je viens monsieur le Directeur général
dans cette liste adjoindre les noms de certains ex-mouhafedh,
ex-ministres ou en cours d'emploi et leurs consorts afin, vu la grosseur de
leur âge, leurs états pleins d'approximatifs services, leur ménopause, leur
infirmité à franchir les technologies de facebook, de
les classer dans une rangée ferreuse inferieure à
l'étagère dorée où sera remis à la postérité le sigle tant souillé par eux.
Leur incapacité
de s'affranchir de la délation, de l'abjection, des coups bas, de la rapine, du
vol de voix et de la contrefaçon politique a fait d'eux les pires ennemis de la
modernité et du nouveau paysage que beaucoup de jeunes veuillent bien
entretenir pour se nourrir de la sève encore fructueuse de ce sigle honorable.
Ces jeunes à propos prennent, à cause de ces momies ces initiales pour une
arnaque, une vielle peau desséchée de son suc originel. Se mettant ainsi au nom
du peuple entier et global au musée de l'histoire, ce sigle croit échapper en
ultime agonie aux goinfres et voraces prétendants. Ils sont têtus, ces
cafardeux de la pensée unique. Ils veulent continuer à en faire un piédestal
jusqu'après leur mort. Ces gens Monsieur, inconstants n'ont plus l'amour du
militantisme et du bénévolat. Ils furent pour certains d'entre eux de potentiels
potentats usant à satiété de privilèges que leur offrait l'appartenance à ce
sigle. De révolutionnaires anti-impérialistes farouches, le change s'est vite
fait en fervents universalistes endurcis et adroits défenseurs des droits de
l'homme. De socialistes spécifiques à des chantres du libéralisme et de
l'autonomie des entreprises; la métamorphose s'est faite au passage d'un prêt
de banque ou d'un port d'importation. Visage osé, âme plastique, audace dure
ces gens là monsieur ; fécondent l'impossible et cognent tous les serments et
brisent tous les engagements. Unicitaires, unipenseurs, devenus démocrates factices ils vénèrent en
public le discours multiple de la diversité. Ce sont eux qui, au nom de ce
sigle juraient par tous les dieux que le socialisme est irréversible. Que les
classes n'existent pas. Que l'homme qu'il faut doit être à la place qu'il faut,
que la terre est à celui qui la travaille. Et alors ?
L'un des 22 qui
ont eu à procréer et assister à la couvaison et l'éclosion de ce sigle m'aurait
dit dans un silence publié sur tous les toits que « ce sigle devenu parti est
une imposture, la mission historique est terminée ». Quand un praticien de
l'histoire en dit « qu'il est utilisé comme un registre de commerce », il ne
reste rien cher Monsieur d'attendre un quelconque saut de réhabilitation. Il
doit partir vers une retraite des plus légendaires. Légende, il s'éternisera
dans une autre à jamais imprescriptible. C'est le même son de cloche qui
s'entonne chez certains « copropriétaires » déshérités par les roublards encore
en action dans les arcanes des faux congrès et des bis-congrès
de Draria au Mouflon d'or. Le personnel que je
voudrais vous remettre Monsieur ; est totalement apte sans nul diagnostic à
être interné dans la noirceur de l'oubli. Le peuple en a marre de le voir à
chaque échéance. Il se peut que vos galeries soient capables par leur givre et
leur monotonie à leur faire dégonfler la tête et désagréger la bedaine. Cet
effectif qui bradant les principes, bafouant les inscriptions en marge de mon
acte déclaratif de naissance ; n'admet que de s'asseoir aux premières loges. Sa
lutte est un bon salaire, son militantisme n'est qu'un type déguisé de nouveau
mercenariat. Je n'ose par pudeur de mon mandant, citer des
noms. Toutefois, ces noms sont connus et non reconnus. Ils agissent dans les
lots et les costumes métallisés. Pour la génération actuelle, ils ne sont que
des bibelots, des trucs flasques, une espèce digne d'antiquité. La correction
aurait voulu qu'ils prennent leur retraite, partent loin pour paitre dans leurs souvenances ou se recroqueviller dans
leurs burnous dans les coins des mosquées de leurs confortables résidences.
C'est à ces fins, que je vous sollicite cher Monsieur d'accorder au sein de
votre aire de méditation, votre zone de grand silence l'asile historique à ces
messieurs. Passibles de tribunal, ils auront de ce fait à payer leur
forfaiture, par un châtiment les rendant aphasiques et silencieux à jamais. Ils
seront comme le dépouille du Pharaon ; une aya pour
l'humanité. Une démonstration des erreurs, des horreurs. En vous demandant un
accusé de réception, je vous exhorte enfin à redoubler de vigilance et de bon
gardiennage pour les noms déposés. L'évasion, le soudoiement
des vigiles, la complicité, l'imposture, la déloyauté, les faux-fuyants, la
fourberie, l'instinct du redressement et des coups d'état pourront
à vous et à nous faire des retournements de situations. Veuillez agréer Monsieur
l'expression de ma haute considération : Fait quelque part en Algérie, le
premier novembre d'une quelconque année. Signé le peuple.
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Posté Le : 17/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com