Algérie

Monologue d'un dictateur déchu



Monologue d'un dictateur déchu
Quand un ex-dictateur décide de se lâcher dans son exil forcé où il se noie dans sa déchéance, cela donne un déballage pathétique et sarcastique : «Les grands singes dérangent. Accepterez-vous qu'ils vous traitent d'égal à égal ' Même si vous l'acceptez, moi jamais je n'accepterai d'être égal à mon peuple.» Sa «gloire» est entièrement construite sur la manipulation de l'opinion publique. Le dictateur «ne croit qu'aux compliments».Il ne vénère pas Dieu, parce qu'il «n'aime pas la concurrence». Ce qu'il vénère, ce sont «les courtisans», parce qu'ils ne sont pas comme «ces journalistes qui ont besoin du talent des autres pour se faire distinguer». Dédaigneux face à son peuple, le dictateur «méprise ceux qui font leur gloire de la chute des autres». Mais quand la chute arrive, l'histoire est là pour graver les faits. «Hélas, l'Histoire ne retient que les mauvais exemples ! (?). Elle ne retiendra rien que des noms, sinon rien que des scandales», se lamente le dictateur déchu, sur son siège rouge. «Je défie, s'écrie-t-il, dans cette salle une personne capable de citer un seul des raisonnements du grand Napoléon».La salle est celle du Théâtre régional de Béjaïa qui a fait le plein pour Ce que le dictateur n'a pas dit, monologue profond et fougueux de Steve Karier, des Théâtres de la ville de Luxembourg, mis en scène par la Tunisienne Meriam Bousselmi. Une pièce suggestive jouée pour la première fois dans le monde arabe. Fantasmes d'un dictateur qui accuse son peuple «de prétention, d'ignominie, de plagiat, un peuple qui récite des slogans qu'il n'a pas écrit, de barbarie». «J'accuse le peuple de calomnies et d'injures, un peuple qui me reproche les défauts qu'il a. J'accuse des man?uvres sado-masochistes, un peuple qui n'éprouve autant de jouissance que dans la nostalgie. J'accuse d'inculture et de mensonges un peuple pseudo révolutionnaire».Que le peuple le répugne ou le maudit, le dictateur ne s'en émeut pas : «Je refuse de savoir ce que pense de moi le peuple (?) qui confond démocratie et médiocratie». La notoriété ' Plutôt «avoir une sale réputation qu'aucune». «Un peu de discernement, que diable !», invite-t-il, se raillant que l'on combatte une dictature «avec des statuts de facebook». Le peuple «qui n'écrit plus l'histoire, mais qui se contente d'apporter des répliques» est «coupable de man?uvres frauduleuses».Dans le même registre de la dérision, le procès se termine par un «enfin, j'accuse d'insolence le peuple qui critique la longueur d'une pièce de théâtre qui dure à peine deux heures». «Plutôt meuble que peuple !», dessine la position d'un peuple qui se complaît dans sa soumission, qui a «la nonchalance de la soumission». Confession d'un tyran : «J'étais dictateur à défaut de résistance. J'ai vécu au sommet d'une tour aveugle. Je suis un leader-né, il faut que je commande pour être moi-même», jouit-il, reprochant à ses sujets d'être «un peuple de lâches».S'engageant dans des discours imaginés, le dictateur qui a rêvé de devenir «chef de gang» et a fini par devenir «chef d'Etat» prend le peuple de haut, et l'adresse est faite aux peuples arabes qui veulent «aller plus vite que l'histoire». Se complaisant dans le statut de victime, le dictateur qui «pardonne à (son) peuple» ne veut plus du «pouvoir maudit». Dans la profondeur du désenchantement renaît latentation : «Rassemblons-nous tous derrière moi pour un nouveau mouvement politique : les perdants». La prochaine pièce de Meriam Bousselmi pourrait bien s'appeler Le retour des dinosaures.




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