Algérie

Monde du travail : la peur de l'avenir



La célébration de la Journée internationale du travail sonne comme une alerte sur l'impact dévastateur de la crise sanitaire sur l'emploi. La pandémie Covid-19 est un fléau qui a engendré une véritable crise sociale marquée par une récession économique sans équivalent qui a occasionné la perte de millions d'emplois à travers le monde (114 millions selon le BIT). Analystes et organisations mondiales estiment que le monde subira encore les conséquences de cette présente crise sur plusieurs années.
L'Algérie a eu son lot en termes de conséquences dramatiques de la pandémie Covid-19. Des secteurs entiers ont subi un arrêt de l'activité et le taux de chômage ne cesse d'augmenter. Tant que la reprise économique ne sera pas au rendez-vous, il est à craindre de voir les rangs des chômeurs s'agrandir.
«Depuis septembre, il ne semble pas y avoir eu une reprise spectaculaire pour que la situation s'améliore sensiblement sur le front de l'emploi. En fait, il est plus à craindre que le taux de chômage n'augmente encore plus en raison simplement d'une croissance de la population active par un simple effet démographique.
Cet accroissement démographique se situerait entre 300 000 à 350 000 nouveaux arrivants sur le marché du travail», prévoit Ecotechnics dans ses projections économiques livrés en ce mois d'avril 2021.
Ce cabinet spécialisé dans les statistiques et analyses économiques, et tout en regrettant «un black-out sur l'information statistique» qui rend difficile d'avoir une vision d'ensemble à jour sur l'économie algérienne, avait évalué en novembre dernier le nombre de chômeurs à 3 millions d'individus en juillet 2020 soit un taux se situant entre 20 et 25%.
Selon la délégation nationale aux risques majeurs au niveau du ministère de l'Intérieur, la crise sanitaire a provoqué une perte de 1 million de postes d'emplois avec en grande majorité les emplois précaires (informel ou accès limités à la protection sociale). Parmi le chiffre d'emplois perdus avancé, 500 000 emplois directs ont été recensés. De nombreux secteurs d'activités ont été contraints à la fermeture soit pour des raisons économiques (secteur automobile, BTPH) ou sanitaires.
Les emplois précaires sont recensés dans les secteurs du BTPH, les services, l'agriculture, le tourisme et les travailleurs journaliers. «334 000 Algériens ont enregistré une baisse de leur nombre d'heures de travail, 53 000 se sont retrouvés au chômage de façon temporaire ou permanente et 180 000 ont subi des retards dans le paiement de leurs salaires», souligne Mohamed Yacine, consultant auprès de l'OIT sur l'emploi et l'entrepreneuriat.
Une étude effectuée par la Chambre algérienne de commerce et d'industrie et l'entreprise Emploitic sur les projets de recrutement par les entreprises, avait révélé, en mars dernier, que dans 64% des entreprises les recrutements ont été impactés par la crise. «26% des entreprises ont décalé leurs recrutements, 24% les ont gelés et 14% les ont carrément annulés». Le secteur des services (arrêt de l'activité à hauteur de 88%) a été le plus touché par les effets de la crise sanitaire en gelant ou annulant les recrutements à hauteur de 74%, suivi par le secteur du bâtiment à hauteur de 70%, et l'industrie à hauteur de 52%.
La population active en Algérie est évaluée à un peu plus de 12 millions d'individus, dont 35% se trouvent dans un statut précaire. Les femmes, qui ne représentent que 20% de la population active, ont été les plus touchées par la crise sanitaire car elles sont nombreuses dans le secteur informel qui ont été contraintes à cesser de travailler.
«La reprise sera modeste à court terme, mais nous ne sommes pas sortis de la zone d'incertitudes. Le chômage frappera surtout les jeunes, les primo-demandeurs. Les diplômés, les filles en particulier, sont les plus touchés, encore une autre perte pour le pays», estime le sociologue Mohamed Saib Musette (voir entretien).
La situation socio-économique est très difficile et les ménages subissent de plein fouet la crise en constatant la détérioration de leur pouvoir d'achat. Ce dernier est en continuelle dégradation. Avec un SMIG à 20000 DA, et un taux d'inflation en hausse, les ménages éprouvent tout le mal du monde à subvenir à leurs besoins essentiels. La mesure visant à enlever l'imposition à l'IRG pour les salaires de moins de 30000 DA n'a pas eu un effet sur l'amélioration du niveau de vie des petits salaires.
La Fête des travailleurs aura un goût amer cette année, à l'instar de toutes les autres célébrations, tant que la crise sanitaire continuera de jeter son voile sombre sur le monde et tant que le pays n'engagera de vraies réformes économiques.

Nadjia Bouaricha
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