Algérie

Moncef Marzouki s'est dit "choqué"



L'ancien chef d'Etat tunisien Moncef Marzouki a estimé, hier au micro de RFI, que le mandat d'arrêt lancé contre lui, la veille, par un juge tunisien, est d'"un grotesque absolu" et "ne fait que, justement, renforcer l'image d'une dictature" qualifiée d'"ubuesque".Au lendemain de l'émission par un juge tunisien d'un mandat d'amener international contre lui, l'ex-président tunisien Moncef Marzouki, opposé aux dernières décisions prises par le président Kaïs Saïed, a déclaré au micro de RFI qu'il est "profondément" choqué par la décision du juge.
Cette décision intervient après que le président Saïed a demandé mi-octobre à la justice tunisienne d'ouvrir une enquête sur des déclarations de M. Marzouki et de lui retirer son passeport diplomatique. Considéré comme "traître à la patrie" par le président Saïed, l'ancien président tunisien se dit choqué par cette décision de la justice tunisienne.
"Cela me choque profondément, parce que ça accroît la crise dans le pays, et je crois que ce mandat international, qui est d'un grotesque absolu, ne fait que justement renforcer l'image d'une dictature, de plus en plus une dictature ubuesque", a-t-il soutenu. Et à l'ancien chef d'Etat, qui vit actuellement en France, de rappeler la réserve qu'il a observée le long des années de règne du président Kaïs Saïed.
"Quand ce monsieur a été élu, poursuit-il, pendant deux années, je n'ai pas ouvert la bouche, dans la mesure où je sais à quel point il peut être difficile pour un président d'exercer le pouvoir. Je n'ai jamais voulu lui mettre des bâtons dans les roues", a-t-il soutenu, avant de poursuivre : "Mais quand il y a eu le coup d'Etat, pour moi, c'était inacceptable.
Tout ce pourquoi je me suis battu toute ma vie, à savoir l'Etat de droit, la démocratie, les libertés, etc., a été jeté à la poubelle. Donc, j'ai pris position immédiatement, en disant qu'il est hors de question d'accepter ce coup d'Etat. Et après, au fur et à mesure que cet homme s'enfonçait dans ce coup d'Etat, j'ai fini par dire : cet homme, il faut l'arrêter, il faut le déposer et il faut le juger."
Ne s'arrêtant pas là, Moncef Marzouki a rejeté avec véhémence l'accusation d'"allié des islamistes" qu'on lui a collée depuis son passage à la tête de l'Etat tunisien. "Les gens continuent toujours à me considérer comme étant l'allié des islamistes. En 2014, il y a eu une rupture de fait, parce que les islamistes d'Ennahdha appuyaient la contre-révolution. Ghannouchi a appelé à voter pour le chef de la contre-révolution, Béji Caïd Essebsi. Depuis 2014, je n'ai absolument aucun lien avec les islamistes. Et je considère que le parti Ennahdha porte une très grande responsabilité dans le fait que, justement, la population a jubilé à ce coup d'Etat, tellement les islamistes ont donné une très très mauvaise image de la façon dont ils ont conduit les affaires de l'Etat", a-t-il soutenu.
"J'ai été allié des islamistes à partir du moment où ils ont accepté de fonctionner dans un régime démocratique, à partir du moment où ils ont fonctionné dans le soutien à la révolution... Mais à partir de 2014, année où ils sont passés de l'autre côté de la barrière et ont rejoint la contre-révolution, le divorce est complet et total", a-t-il ajouté.
La décision prise par le juge tunisien à l'encontre de l'ancien chef d'Etat a provoqué les foudres de certains hommes politiques. Dans un entretien accordé à l'agence turque Anadolu, Ahmed Chebbi, dirigeant du parti Al-Amal (l'Espoir), n'a pas hésité à qualifier cette mesure de "honte" et de "tache indélébile sur le front du peuple et de l'Etat tunisiens".
"Il est honteux de poursuivre un citoyen tunisien qui a exprimé son opposition au président actuel (Kaïs Saïed)", a-t-il soutenu, en affichant sa solidarité à l'égard de Moncef Marzouki. "Il est probable que la décision d'émettre le mandat d'amener contre Marzouki ait été prise directement sur ordre du président Saïed, au cours d'un Conseil des ministres, durant lequel, il a été convenu de lui (Marzouki) adresser l'accusation de haute trahison", a-t-il encore insisté.
Pour sa part, Mohamed Hamdi, ancien ministre de l'Education et dirigeant au parti du "courant démocrate", a estimé, dans un post publié sur sa page Facebook et cité par l'agence turque, que l'émission d'un mandat d'amener international contre Marzouki est une "honte".
À ses yeux, cette décision "aggravera la détérioration de l'image de notre pays à l'étranger". En revanche, Mohamed Ali Boughdiri, secrétaire général-adjoint de l'Union générale tunisienne de travail (UGTT), n'a pas vu d'un mauvais ?il la décision de la justice tunisienne, estimant que "Marzouki a entaché l'image de la Tunisie".
Dans une déclaration radiophonique faite le vendredi 5 novembre et reprise par l'agence Andolu, le responsable syndicaliste a souligné que "tout citoyen digne et patriote n'accepte pas cette atteinte".
Mi-octobre dernier, l'ancien chef d'Etat s'est dit, à l'occasion d'une entrevue accordée à France 24, "être fier d'avoir intercédé auprès des responsables français pour avorter la tenue du Sommet de la francophonie en Tunisie, dès lors que son organisation dans un pays en proie à un coup d'Etat est un soutien à la dictature et au despotisme".
Une déclaration qui n'a pas manqué de provoquer l'ire des autorités tunisiennes, à leur tête le président Kaïs Essaïed qui, au cours d'une réunion avec les membres de son gouvernement, a affirmé que "le passeport diplomatique sera retiré à quiconque aurait recouru à l'étranger pour quémander son aide, afin de porter atteinte aux intérêts tunisiens", et qu'il n'acceptera pas que "la souveraineté de la Tunisie soit mise sur la table des négociations".

A. C.


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