Algérie

Moncef Marzouki: Les islamistes d'Ennahda sont les "chrétiens-démocrates" de la Tunisie



Moncef Marzouki: Les islamistes d'Ennahda sont les
Dans une interview à Mediapart, le leader du Congrès pour la République refuse que les figures de l'ancien régime, comme le Premier ministre Béji Caïd Essebsi, participent à la gestion de la transition et propose que la Constitution résulte d'une longue consultation populaire, avec une première mouture proposée au débat puis amendé par la Constituante avant d'être soumise à référendum.
Appelé à faire partie du gouvernement de transition en tant que deuxième force politique du pays (30 des 217 sièges de la Constituante), le CPR refuse la logique de confrontation avec Ennahda, tranche son président, Moncef Marzouki, dans une interview parue le 3 novembre dernier sur Mediapart.
Cette attitude envers le vainqueur de l'élection du 23 octobre 2011, explique l'ancien opposant devenu une figure de la Tunisie post-despotique, constitue l'explication même du succès électoral du CPR : « Pourquoi avons-nous réussi, et pourquoi le Parti démocrate progressiste ou le Pôle démocratique (moderniste) ont-ils lamentablement échoué ' Parce que nous nous sommes adressés à la population laïque, un peu de gauche, en disant : ''Nous sommes capables de défendre les libertés publiques, les droits de l'homme, les droits de la femme, sans entrer en guerre idéologique avec la partie conservatrice de la société.'' Alors que ces gens-là (PDP, PDM, ndlr) étaient dans cette dichotomie franco-française, qui consiste à croire (') qu'il y a les bons et les mauvais, les laïcs et les obscurantistes. »
Moncef Marzouki rappelle, dans cette interview à Mediapart, que l'islamisme est un spectre large, qui va de l'AKP turc aux Talibans afghans, et que dans ce spectre, Ennahda constitue une fraction modérée, bien que conservatrice, qui, en tant que parti, rappelle moins à Hizb Al Tahrir (autre organisation islamiste tunisienne) que les partis chrétiens-démocrates européens.
L'élaboration de la Constitution tunisienne doit être une 'uvre de longue haleine, juge le président du CPR, rappelant que la Constituante de 1956 a eu une durée de vie de trois ans entiers : « Je suis totalement contre l'idée qu'un comité d'experts rédige seul cette Constitution et que l'Assemblée l'adopte. (') Il faut que la commission constituante écoute les divers partis et autres associations de la société civile, et les fassent participer autant que possible à la première mouture de la Constitution. (') Ensuite, nous souhaitons que l'Assemblée délibère sur une sorte de premier brouillon, et que ce brouillon retourne au peuple, qu'il y ait un large débat (dessus)pour que les Tunisiens voient un peu où l'on veut les mener. Ensuite, il faut travailler à une deuxième mouture, qui soit adoptée par la Constituante puis soumise au peuple, pour que le peuple dise : ''OK, cela, c'est ma Constitution''.»
En attendant l'élaboration d'une Constitution « pour un ou peut-être deux siècles, qui soit, comme la Constitution américaine, un acte fondateur », il faudrait bien une « petite Constitution » pour régir la vie institutionnelle pendant la période de transition, admet Moncef Marzouki. Il rappelle, à ce propos, la nécessité d'« une répartition claire des pouvoirs entre le président de la République, le président de la Constituante et le Premier ministre, de façon que le pays soit gouverné presque (par) un triumvirat ».
Pour que la « réconciliation nationale » ne se fasse pas au détriment des victimes de l'ancien régime et au profit de leurs tortionnaires, souligne le président du CPR, il faudrait une justice transitionnelle qui conditionne le « pardon » populaire par un véritable procès de la dictature et de ses symboles. Pour une transition réellement démocratique, ajoute-t-il, faire table rase du passé despotique est plus que nécessaire. La proposition de nommer l'actuel Premier ministre Béji Caïd Essebsi au poste de président de la République de la transition n'a ainsi pas ses faveurs : « Ce pays a fait une révolution, il veut une rupture. Il est hors de question que nous acceptions n'importe qui de l'ancien régime, à n'importe quel poste. »


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