Le centre de
gravité décisionnel de la Ligue
arabe est en train de se déplacer sournoisement vers les pays du Golfe comme
l'indique clairement le dernier sommet des ministres arabes des Affaires
étrangères qui s'est tenu avec fracas au Caire.
Fier de son
intervention libyenne remarquée en appui aux forces de l'Otan, le ministre
qatari des affaires extérieures s'est comporté de manière impensable en prenant
de la hauteur en ce samedi 12 novembre 2011 avec son air arrogant, hautain et
triomphant sur la scène arabe.
L'INFLUENCE
FLAGRANTE DU QATAR, FER DE LANCE DES MONARCHIES
Après que la Libye ait été son trophée
avec en prime la tête de Kadhafi offerte à ses amis de l'Otan, voilà que le
Qatar se lance aussitôt vers une autre ambition d'enrichir son palmarès pour
dépouiller la Syrie
qui en passant faut-il le souligner que le régime régnant dans ce pays n'a pas
laissé à ses adversaires d'autres idoines solutions. Si le pouvoir actuel
syrien ne s'est pas comporté de manière dictatoriale, jamais un pays comme le
Qatar ne saurait devenu le héros malgré lui.
Le Qatar avec le
silence acolyte des autres monarchies des pays du golfe, fortes de leur argent
frais par rapport au reste, sont en train de mener la ligue arabe dans une
situation tortueuse et inextricable.
Il faut
mentionner que les 6 pays (Qatar, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis,
Bahreïn, Koweït et Oman) constituent le Conseil de Coopération des Pays du
Golfe (CCG) et qui rappelons-le a été créé sous la pression des États-Unis il y
a de cela 30 ans afin de maintenir leur mainmise sur les réserves pétrolières
et par la même occasion phagocyter encore plus les décisions des autres pays au
sein de la ligue arabe.
MONARCHIES DU
GOLFE=BUREAU POLITIQUE DE LA
LIGUE ?
Ces pays là
fonctionnent en bloc contrairement par exemple aux pays du Maghreb qui sont
libres de leurs mouvements au sein de la ligue arabe et ne se sont jamais
concertés pour prendre une seule décision commune. Cette manière de
court-circuiter la ligue arabe a fait réagir le représentant de la Syrie à la ligue arabe qui a
accusé à l'issue de la dernière réunion des ministres arabes le CCG d'être le
Bureau Politique de la ligue arabe où ses membres y prennent les décisions
avant de venir les entériner au Caire à coups de pression sur les autres par
les finances qu'ils octroient aux plus dociles. Il est vrai qu'ils profitent
des périodes transitoires suite aux bouleversements qui se sont déroulés en
Égypte, en Tunisie et en Libye où les nouveaux pouvoirs légitimes issus des
urnes démocratiques n'ont pas encore vu le jour. Ces pays archi riches
disposent à eux seuls d'un PIB de 994 milliards de Dollars en 2010 pour une
population de 39 millions d'habitants soit le 9ème de la population arabe
totale, de quoi arroser toute contestation à leur hégémonie intérieure et
effectuer du lobbying extérieur pour mettre dans leur ligne de mire un pays
comme l'Iran, coché depuis longtemps comme un pays à abattre sur les agendas
occidentaux et d'Israël. Alors que les 16 autres pays arabes détiennent un PIB
de presque 912 milliards de Dollars mais pour plus de 300 millions d'habitants.
Si l'on ôte la Jordanie
et le Maroc, ce chiffre s'amenuise de 130 milliards de Dollars qui s'ajoutent
avantageusement alors à celui des monarchies du CCG.
Dans ce cas,
l'écart se creuse de manière très aisée en faveur de ces dernières quand on
passe au PIB par tête d'habitant, il est dans ce cas de 25500 Dollars/habitant
contre un peu moins de 3000 Dollars/habitant.
Sans les deux
candidats en lice au CCG que sont le Maroc et la Jordanie, le PIB par
habitant des monarchies du golfe est 10 fois plus important que celui de tous
les pays restants sur la balance.
On comprend assez
bien maintenant pourquoi une voix d'un résidant du golfe est considérable par
rapport à son pair situé au Comores, en Irak ou en Syrie en dépit des pays
républicains qui occupent les 80% du territoire arabe. Ce n'est pas l'héritage
historique de la Syrie
qui a été pendant longtemps la capitale du monde musulman à l'époque des Omeyades qui peut faire la différence.
C'est grâce au
miracle du pétrole qu'un pays comme le Qatar puisse donner de la voix
aujourd'hui où dans un passé pas vieux de 30 années, ce type de pays se faisait
tout petit en écoutant sans broncher lorsque les grands du monde arabe se
saisissaient de la parole.
MONARCHIES CONTRE
RÉPUBLIQUES !
Par ailleurs,
pour montrer leur solidarité avec les deux monarchies restantes en dehors de
leur union, ces pays ont tout bonnement invité les royaumes de la Jordanie et du Maroc à se
joindre à leur conseil. Cela saute aux yeux que le but principal est
de soutenir ces pays en leur état actuel dans leur fonctionnement très loin des
normes internationales. La preuve, le Bahreïn est aidé
par ce conseil à mater son opposition avec l'aval du CCG et l'envoi de forces
armées d'Arabie sur place. En quoi un pays comme le Maroc qui se situe à l'extrême-est du monde arabe peut-il être utile au CCG si ce
n'est que dans un objectif purement royaliste ? L'autre dessein, c'est sans
doute porter le coup de grâce au projet de la construction du Maghreb arabe qui
n'avait pas besoin d'un tel coup de massue supplémentaire pour entretenir le
rêve de tous les peuples magrébins de la région. Le message à faire passer par
le CCG est qu'aucun autre groupement régional ne doit lui faire de l'ombre.
Pourquoi n'avoir
pas convié dans ce cas par exemple le Yémen, l'un des pays les pauvres du monde
arabe et qui lui est plus proche historiquement que géographiquement si ce
n'est son problème d'être une république qui n'entre pas dans les plans du CCG
? Il faut noter que c'est aussi dans l'intention de réduire les mouvements en
Jordanie et au Maroc pour préserver leur monarchie dans une stabilité politique
et financière par des aides substantielles et sans doute les prémunir de tous
les soubresauts imprévisibles. Défendre les monarchies de ces pays, c'est aussi
s'assurer de paravents naturels.
Les leaders
habituels des pays arabes à leur tête l'Égypte se sont effacés devant le petit
poucet qui devient ogre par ces temps-ci des vaches maigres. A-t-on vu l'Union
Européenne se faire guider par d'autres pays à part les 3 grands leaders
naturels que sont la France,
la Grande Bretagne
et l'Allemagne ? Sans des régimes arabes hermétiques, jamais cette occasion ne
pouvait se présenter au Qatar qui vit actuellement dans une bulle que seuls les
régimes des peuples le feraient retourner à sa véritable place. La souris
continuera infatigablement à danser tant que les chats font défaut.
LES MINORITÉS DIRIGENT,
LES MAJORITÉS ACQUIESCENT
Est-il normal que
la voix d'un qatari vaut-elle plus que celle d'un algérien, d'un égyptien ou
d'un syrien si on compare le nombre d'habitants de chacun de ces pays ? Est-il
logique que le minuscule état du Bahreïn dont la monarchie vacille en ce moment
avec ses 665 Km2 ait le même poids d'un pays comme le nôtre avec ses 2381741
Km2 soit 3582 fois plus grand avec une population 30 fois supérieure ? Comment
des pays comme les Comores, Djibouti ou la Somalie complètement désintégrés auront-ils
identiquement la même pesanteur que les autres ? A mon sens, il faut que
certains grands pays disposent d'un droit de veto ou d'un vote à la
proportionnelle si l'on veut que le monde arabe ne puisse pas dévier dans un
virage dangereux où des minorités dirigent des
majorités qui acquiescent.
On peut constater
ouvertement que ces monarchies n'hument pas la démocratie qu'ils la
revendiquent aux républiques. Avec leur fortune démesurée, ils bouclent toutes
les bouches et toutes les excentricités sont corrigées avec cette manne
financière rentière presque sans fin. Ce sont les rois et les émirs et sultan
de ces pays avec les membres de leur famille qui gouvernent en occupant tous
les postes clés des régimes en place. Ils verrouillent tout le système
politique de leur environnement. Ils ne tolèrent aucune critique ni aucune voix
discordante où le roi et les émirs font presque partie du domaine du sacré.
RÉFORMES DES MONARCHIES
ET DES RÉPUBLIQUES
Ce ne sont pas à
l'image des monarchies européennes qui règnent seulement mais ne gouvernent
point. A part la reine d'Angleterre qui est connue à l'échelle planétaire, les
rois et reines d'Espagne, de Belgique, des Pays-Bas ou du Danemark passent
presque inaperçus dans leur pays en ne dérogeant pas aux règles d'éthique. Ils
représentent uniquement le symbole d'unité de leurs pays et ne vivent
absolument pas dans le faste criard comme c'est le cas des monarques arabes
dont l'étalement de leurs richesses dépasse l'extravagance. Pour attaquer les
républiques arabes dans leur ensemble, ils ont créé Aljazeera
et Al-Arabiya mais en aucune façon ces chaînes ne
doivent critiquer l'ordre établi au Qatar comme en Arabie quelles que soient leurs
inconduites et les anomalies. On a vu comment le soulèvement populaire bahreïni
ait été abordé avec l'extrême prudence par ces médias au service de leurs
maîtres. On a tous vu qu'Aljazeera s'est comporté
cruellement aux côtés de l'Otan lors de la révolte libyenne et actuellement
dans le cas syrien de manière inobjective en occultant l'avis des parties
adverses ou en essayant de les étouffer scandaleusement. La chaîne d'info
France 24 étant plus impartiale en couvrant les mêmes évènements.
MODES DE GOUVERNANCES
ARCHAÏQUES ET AUTORITAIRES
De plus les
monarchies arabes dans leur ensemble ne veulent en aucun cas changer leur
manière de diriger leur pays. S'il y a contestation, comme en Jordanie, au pire
des cas, le monarque ira changer le verrou représenté par le chef du
gouvernement servant de couverture formidable et qui assume toutes les
responsabilités sur sa personne en cas d'échecs. Le Roi est intouchable
pourtant il gouverne, personne ne doit remettre en cause son autorité ni son
éternelle souveraineté. On sent que les grands de ce monde appuient de façon
flagrante le maintien de ces monarchies pour mieux contrôler les puits de
pétrole sur lesquels ils se reposent.
Leurs réformes
annonceraient la fin de ce chantage occidental. Les occidentaux ont l'air
d'être plus sûrs avec une monarchie régnante de ce type qu'avec une république
où tout peut changer radicalement s'il arrive un dysfonctionnement à la tête de
l'état. Avec un royaume soumis, on peut anticiper sur le devenir d'un pays en
misant même sur le prince héritier que l'on peut couver en attendant son règne.
Il est impossible que l'on n'entende une seule infime voie discordante appelant
à l'abolition de ce type de monarchie archaïque dans un monde plus ouvert comme
celui dans lequel nous vivons en ce siècle des nouveaux TIC.
Si la ligue arabe
doit se réformer cela ne veut pas dire qu'elle tomberait douteusement dans les
bras de ces monarchies anti-démocratiques comme ils le projettent dans un plan
non avoué par l'occident. Celles-ci comme pour les républiques arabes doivent
d'abord se réformer dans leur gouvernance qui est devenue vainement obsolète.
Si un grand pays arabe tremble et se fait tirer les oreilles par un petit pays
comme le Qatar, c'est à cause de la dictature qu'il a imposée à son peuple et
qui l'a rendue aussi faible devant un tel état microscopique et également
devant son peuple. C'est comme si un pays comme la France ou l'Allemagne se
fasse dicter la loi d'un pays du genre de la Roumanie ou de l'Estonie.
Encore qu'ici la comparaison ne paraît pas dans ce cas trop outrée.
DEMAIN, L'ESPOIR
?
Au lieu de réunir
leurs forces en se réformant d'abord de leurs intérieurs que ce soient pour les
républiques comme pour les monarchies, les régimes arabes, tout en ignorant les
profondes aspirations des peuples, sont alors une fois de plus divisés en
opposant des monarchies périmées contre des républiques autoritaires. L'écart
ne fait que de se creuser tant que l'éveil des peuples arabes ne s'est pas
répandu dans ces pays identiquement comme en occident et particulièrement en
Europe où les monarchies et les républiques fonctionnent et vivent dans une
merveilleuse symbiose.
La division des
rangs va encore s'accentuer, à ne pas le douter, lors de la réunion prévue pour
ce Mercredi 16 Novembre 2011 à Rabat pour mettre en action les basses besognes
alors que lors des bombardements de Ghaza en
2008/2009, les dirigeants arabes passaient leur temps à faire semblant
d'accorder leurs violons et qui ont joué que trop tard leur symphonie avec de
fausses notes pour le malheur des frères palestiniens dont le largage des
bombes non conventionnelles n'avait cessé que grâce à la mobilisation
internationale d'humains épris de liberté et de justice sur cette terre.
Cela ne voudrait
pas dire que le régime syrien est exempt de tous reproches. Il a une très
grande part de responsabilités par ce qui arrive à cette ligue arabe en
perpétuel déclin. C'est son entêtement, fidèle à sa ligne dictatoriale
ancestrale léguée par Assad père, qui le persiste à
demeurer dans son retranchement qui a abouti à cet indéniable cul de sac. Mais
les donneurs de leçons doivent être au-dessus de tous soupçons, ce qui est loin
d'être le cas des émules arabes de la
Syrie.
Les attentes
légitimes du rêve des peuples arabes, transformées le plus souvent en
cauchemars, sont encore très loin à se dessiner et risquent inlassablement de
durer. Mais malgré tous ses abyssaux obstacles, tous les espoirs peuvent être
permis pour un renouveau du souffle arabe. C'est une question de lutte, de patience
et de temps.
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Posté Le : 17/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohammed Beghdad
Source : www.lequotidien-oran.com