Momo est de retour dans le paysage poétique et littéraire grâce à notre confrère Amar Belkhodja qui, connu pour son dada pour l’histoire, semble cette fois-ci taquiner la poésie en nous proposant un recueil de poèmes de Himoud Brahimi, le célèbre poète de la Casbah.
Mais on ne doit pas oublier que A. Belkhodja a fait son baptême dans le journalisme avec des «papiers culturels». Il écrira abondamment sur le théâtre et la musique comme il s’est toujours réclamé d’être «l’ami des artistes» en proclamant à tout bout de champ qu’un monde sans art est un monde périssable. Comme d’ailleurs sa première publication fut consacrée à l’artiste Ali Maâchi.
Mais voilà que cet enfant des hauts-plateaux vient explorer les ruelles de la sublime Casbah pour exhumer une partie non négligeable de l’âme de la célèbre cité; Himoud Brahimi connu sous le sympathique pseudonyme Momo.
Un ouvrage Momo la magie des mots, publié récemment aux éditions Alpha fera désormais partie d’une collection littéraire et poésie que l’éditeur se promet d’innover avec des soins très particuliers : conception étudiée de la couverture, choix d’un papier de qualité, option pour le caractère et la disposition des textes. C’est-à-dire donner naissance à un produit de qualité qui aura la chance d’entrer dans les meilleures collections dans le monde de la littérature et du livre.
Momo, la magie des mots est un ensemble de poèmes, textes et nouvelles inédits que Belkhodja eut la patience de rassembler. On sait, en effet, que l’œuvre poétique et littéraire de Himoud Brahimi (1918-1997) est éparpillée ça et là. Momo, le généreux poète, se plaisait assez souvent à composer des textes et à les offrir aux gens qui composaient son entourage.
Hasard ou prédestinée, l’ancien journaliste d’El Moudjahid, a eu le bonheur de découvrir une partie des textes du défunt. Ceci grâce à une parente qui l’a mis sur la piste d’un ami de Momo, une certaine Malika qui n’est autre que la mère d’une bien sympathique animatrice de radio et de télévision : Hayat Eddine, Khaldi qui a gratté avec brio les Awtar dans les mélodies les plus variées de la chanson algérienne.
Ce que nous reprochons à l’auteur c’est peut être de ne pas s’être attardé sur la biographie de noms dont nous ignorons beaucoup de choses. Nous estimons que la vie du poète méritait davantage d’investigations. Peut être que Amar Belkhodja s’attellera-t-il à combler cette lacune, lui qui a accepté de s’aventurer sur les traces d’un personnage aussi multiple que Himoud Brahimi.
En revanche ce que nous devons au chercheur, c’est d’avoir réussi à réunir “les familles égarées” de noms et de nous proposer aujourd’hui une très intéressante partie de la production intellectuelle d’un poète émérite et dont l’œuvre mérite un jour d’être complètement reconstituée.
En guise d’introduction Belkhodja a rassemblé lui-même ses propres textes qu’il aura consacré à Momo. C’est d’ailleurs l’un des rares journalistes qui balançait ses papiers à partir du G’zoul (Célèbre djebel qui domine Tiaret), pour évoquer la mémoire du disparu. “Le poète est mort un 31 mai de l’an 1997 dans le silence, au cœur d’un bruit infernal qui fait mal, atrocement mal à l’âme, à la mémoire, aux yeux, aux oreilles, à l’être tout entier, parce que la catastrophe avait mal partout dans son corps, dans un corps frappé de décrépitude et lacéré par les lames de ses propres enfants” (P.11).
Après l’hommage exprimé par Belkhodja a Momo avec des accents d’admiration, l’ouvrage s’ouvre sur quatre parties qui sont l’œuvre ou une partie de l’œuvre de Himoud Brahimi : un recueil de poèmes, un recueil de textes traitant une variété de thèmes, un recueil de texte et de méditations consacrée exclusivement à la spiritualité et enfin des extraits d’un cantique à l’Algérie rédigé par le poète en novembre 1962.
C’est encore et toujours l’éternelle Casbah qui est la mieux chantée par un homme qui avec la cité sont le prolongement l’un de l’autre :
“Quelle que soit l’emprise que demain aura sur toi,
Tu resteras toujours superbe,
Mienne Casbah,
Il y a dans les enfants qui réoccupent tes ruelles, un regard de candeur,
Qui se trouve absent dans les yeux de leurs parents.
Leur innocence est aussi précieuse que l’air de l’espoir qui mène vers le paradis.
Tes petits enfants, mienne Casbah
Sauront t’aimer mieux que ne 1’ont fait leurs parents.
Dans un texte intitulé Identité suit "si j’avais à me définir comme algérien, je dirais que la berbérité est ma grand-mère, l’arabité mère, la francité ma marâtre. Les religions, en Islam, sont ma voie».
Par «religions», Momo, en lecteur averti du Coran, entend que le texte révélé au Prophôte arabe, Mohammed, est une bienveillante synthèse de l’ensemble des révélations depuis Ibrahim El Khalil qui incarne déjà la notion de l’Islam, notion annoncée par les deux grandes religions monothéistes qui ont précédé "Edhikr el Hakim".
Dans le texte intitulé «Omega», Momo nous avoue que le Coran, rapporté par Mohammed ne peut être descellé que par un cœur pur exempt de toute souillure» (p.160) pour conclure avec puissance et humilité». Dans ce torrent de lumière inépuisable que retient le Coran : «Permets mon âme, mon Dieu, de recevoir le baptême» (p. 160).
Côté spirituel, Momo, mérite une étude largement, spécifique. Car, c’est sans doute la face cachée du personnage qui pratiquait une sorte de soufisme, une foi intimement intérieure et ancrée solidement à l’intérieur.
Cette foi personnelle, Momo a su l’associer avec un autre amour : celui des arts, du cinéma, du théâtre, de la peinture, de la poésie, de la littérature. La recherche de Amar Belkhodia nous offre, peut-être pour la première fois pour certains du moins, la face la plus méconnue de Himoud Brahimi, une spiritualité que nous lui découvrons à travers la lecture de textes inédits et édifiants à la fois.
Mais à vrai dire, lire Momo, tous thèmes confondus, on y décèle des parfums de piété, des marques de pratique soufie, une déférence et une attention toutes particulières pour Jésus Fils de Marie et des tentatives assez hardies dans l’interprétation coranique.
Côté littérature, Momo nous livre un texte assez instructif sur Albert Camus. Comme beaucoup de critiques de l’œuvre onusienne, Momo n’a pas pardonné à l’auteur de La Peste d’avoir tué l’Arabe, le seul Arabe, dans L’Etranger. Celui qui décréta préférer sa mère plutôt que la justice n’obtiendra pas clémence du poète qui incarne le rôle du poète dans Tahia ya Didou : «Dans l’Etranger Albert Camus tua l’Arabe comme il dit. Il le tua non pas qu’il soit tueur, il le tua parce que le pouvoir colonial tenant à ce que l’indigène ait l’échine ployée» (p. 125).
Les textes que nous propose Amar Belkhodja se terminent par des extraits d’un Cantique à l’Algérie composé par Momo en novembre 1962, c’est-à-dire à quelques mois seulement de l’accession du pays à son indépendance. Les «morceaux choisis» sont de séduisants balades au cœur desquelles des hymnes sont déclamés à la grâce de l’Algérie, de sa jeunesse, de ses martyrs, de ses espoirs, de ses grands espoirs.
A travers quoi nous apprenons aussi que Momo a eu le bonheur d’avoir rencontré un homme qui a choisi de se battre et de mourir pour l’Algérie : Le docteur Frantz Fanon. Le poète écrira à la gloire du psychiatre : «Repose en paix, toi qui a tant mérité de vivre. Par ton action lucide, n’as-t-u pas été le symbole flagrant de la conscience universelle, alors que par ton existence, tu étais déjà grand. Ta mort te rendait plus grand encore. Frantz Fanon, les grands hommes sont ceux qui donnent. Ils donnent sans attendre la moindre récompense. Ne dit-on pas que : la récompense de la grandeur se trouve dans l’acte même qui donne». (p.183).
Sur beaucoup d’aspects, nous restons sur notre faim, tellement nous avions hâte à découvrir tous les détails et toutes les anecdotes qui ont émaillé la vie du poète de la Casbah. Néanmoins, Amar Belkhodja, le laborieux et patient enfant du G’zoul, a eu le mérite de nous offrir sur un même couvert, les premières saveurs qui ouvrent et excitent notre appétit littéraire.
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Posté Le : 20/12/2006
Posté par : nassima-v
Ecrit par : Khaldia Benahmed
Source : www.elwatan.com