Algérie

Mois du patrimoine



Mois du patrimoine
Au sommet d'une colline surplombant le cours de la Soummam, sur un terrain agricole bordé par un chantier de travaux publics, le site archéologique de Mlakou à Béjaïa, dit Pétra, émerge peu à peu grâce à une équipe d'archéologues de l'université d'Alger aidés par des associations locales."Pourquoi ne pas installer des répliques de l'inscription de Pétra pour signaler le site aux intersections '", propose Madani Mouhous à l'archéologue. Comme d'autres citoyens du village de Mlakou, ce retraité se mobilise pour mettre en valeur ces ruines antiques épargnées in extremis par une déviation inespérée du tracé d'une des pénétrantes de l'Autoroute est-ouest.Le site, abritant la résidence d'un des héritiers du roi berbère Nubel qui fut détruite lors de la révolte de son fils Firmus contre l'autorité romaine à la fin du IVe siècle, commence à peine à livrer ses secrets après deux campagnes de fouilles menées en 2014.Pour l'instant, seuls des pans de muraille en galets et en moellon (pierre calcaire) émergent de la végétation, suggérant un mur d'enceinte ou les murs d'une bâtisse, dans un espace estimé à plus de deux hectares par les archéologues.Sur le site, une cavité attire également l'attention. Selon des villageois, elle servirait encore de lieu de "Ziara" (visite et imploration des saints) ancré dans les croyances populaires de la région et relevant de pratiques cultuelles plus anciennes, selon les hypothèses posées après les fouilles."Maintenant nous pouvons enfin travailler", dit, soulagé, le chef du projet de fouilles archéologiques, Arezki Boukhennouf, en montrant la clôture qui sépare désormais le site du nouveau tracé de l'axe routier, en cours de réalisation à quelques mètres de là."Sollicités par des associations locales, nous avons commencé en mai 2014 à délimiter le site, déterminer sa valeur sur la base de sources historiques avant de présenter un rapport au ministère de la Culture", raconte cet universitaire, entouré de membres de l'association "Talwith" (paix en Tamazight).Il aura également fallu, poursuit-il, "sensibiliser" d'autres structures publiques (agence nationale des autoroutes, direction de wilaya). Le travail de sensibilisation est mené aussi par ces associations à travers des expositions de pièces retrouvées sur le site à différentes périodes.Ces pièces, précieuses pour les archéologues et dont certaines ont déjà été, hélas, "utilisées comme matériaux de construction" sont "en cours de collecte" dans le village et les localités voisines, affirme à l'APS M. Mouhous.La collaboration des citoyens à la mise en valeur du site s'exprime également par les témoignages des plus âgés sur son état antérieur, en plus de l'aide logistique lors des campagnes de fouilles auxquelles participent à chaque fois une "trentaine d'étudiants" de l'Institut d'archéologie, explique M. Boukhennouf.Fouilles prometteuses, valeur historique majeureCité par différentes études qui s'appuient sur une seule source latine (Ammien Marcellin) et une inscription sur une pierre (visible au musée des antiquités à Alger), signalée à quelques kilomètres par le Français Stéphane Gsell en 1901, le site de Pétra a longtemps été entouré de "zones d'ombre" au sujet de son emplacement géographique exact, notent les archéologues de l'université d'Alger dans le numéro 11 de la revue "Athar" de l'Institut.Pour M. Boukhennouf, la découverte de "traces de destruction" et le "dégagement d'une partie de la muraille", lors des premières fouilles confirment qu'il s'agit bien du site détruit lors de la campagne du général romain Théodose contre Firmus et les tribus ralliées à sa cause (vers 370-375).En plus d'avoir levé le voile sur l'emplacement du site, les archéologues ont également trouvé "des pièces de mobilier, des pièces de monnaie, des structures à vocation agricole et une partie d'un cimetière", selon M. Boukhennouf qui refuse de donner plus de précisions sur ces découvertes.Autant de résultats qui permettront d'écrire une page de l'histoire de l'Algérie, "dont nous ne savons peu de choses, en dehors des écrits des 'vainqueurs'", explique l'archéologue.Les secrets de l'antique Pétra pourraient surtout fournir des informations sur les causes de la révolte du prince Firmus dont les velléités indépendantistes sont toujours débattues par les historiens.La reconstitution de l'épopée des fils de Nubel pourrait, par ailleurs, éclairer sur "la volonté de création d'un Etat organisé" dans l'Algérie antique entre le IIe et le IVe siècle, note, pour sa part, Madani Mouhous en citant, de mémoire, le célèbre historien français spécialiste de l'Afrique du nord, Charles André Julien.Conquis et fiers de ce qu'il leur arrive, les citoyens de Mlakou projettent d'ores et déjà de rebaptiser leurs commerces avec des noms antiques, en rêvant de l'atout touristique supplémentaire que cette découverte, voisine d'un important projet d'infrastructure, pourrait apporter à leur région.Que reste-t-il de la résidence-ville de Petra'- Détruite au 4e siècle par le général romain Théodose, dit l'Ancien, lors de son expédition contre Firmus, Pétra (Béjaia) était la résidence de Sammac, autre fils de Nubel, et avait "la taille d'une ville", selon l'historien romain Ammien Marcellin.L'existence du site avait été signalée en 1901 par l'historien et archéologue français Stéphane Gsell après la découverte à Ighzer Amokrane (près de Pétra) d'une inscription gravée sur une pierre, mentionnant la construction, par Sammac, d'un "château fort qui s'élevait sur une montagne dominant la Soummam", en témoignage de sa loyauté à l'égard de Rome.Cette inscription est aujourd'hui exposée au musée national des antiquités à Alger. Présenté par les archéologues comme "le siège de résidence et de gouvernance de la région", Pétra fut rasée par Théodose après que Firmus eut assassiné son frère Sammac et se soit révolté contre l'autorité de l'empereur Valentinien II .Dans sa "Note sur une inscription d'Ighzer Amokrane", S.Gsell décrit un "éperon qui commande au nord le confluent de l'Oued-Seddouk avec l'Oued-Sahel (la Soummam), des "traces de murs, des chapiteaux, des colonnes biens conservées" et des "pierres portant des caractères et des dessins employés à des constructions voisines".De cette résidence, défendue par deux autres frères de Firmus, n'apparaissent aujourd'hui que quelques pans de muraille parmi la végétation, traces probables d'un mur d'enceinte ou murs de bâtisse, dans un espace estimé par les chercheurs à plus de 2 ha.Pour les archéologues de l'université d'Alger, la description du site telle qu'établie par Gsell est très "différente" de son état lors des premières fouilles en 2014 et renseigne sur les dégâts subis en un siècle seulement.(Par Fodhil BELLOUL)




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