Mohammed VI fait le dos rond

Si le Front Polisario a affiché sa satisfaction après qu'Alger et Paris se soient prononcées pour un règlement du conflit «juste et durable» permettant l'autodétermination des Sahraouis, Rabat s'est mis en mode silencieux.Motus et bouche cousue. Le communiqué franco-algérien aurait dû pourtant secouer le trône. La presse marocaine qui réagit d'habitude au quart de tour lorsque est évoquée défavorablement, pour le Royaume, la question sahraouie a observé un mutisme qui en dit long sur l'impact provoqué par la déclaration conjointe des deux parties. Les deux pays «se félicitent de la constance de l'engagement de l'ONU et de la communauté internationale, pour un règlement juste et durable» de la question du Sahara occidental, indique le texte qui souligne que ce règlement doit être «basé sur une solution politique mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, conformément aux principes et aux objectifs de la Charte des Nations unies, ainsi que des résolutions de l'Assemblée générale (de l'ONU Ndlr)et du Conseil de sécurité».Si le Front Polisario a affiché sa satisfaction après qu'Alger et Paris se soient prononcées pour un règlement du conflit «juste et durable» permettant l'autodétermination des Sahraouis, Rabat s'est par contre mise en mode silencieux. «Nous considérons que la position exprimée par la France, sur le Sahara occidental, dans ce communiqué conjoint signé par le Premier ministre algérien et son homologue français, est positive», a indiqué Brahim Ghali, l'ambassadeur de la République sahraouie à Alger. «Ce qui a été exprimé dans ce communiqué sur la question du Sahara occidental, s'inscrit totalement dans la légalité internationale et le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination» a fait remarquer le diplomate sahraoui.Côté marocain, on fait le dos rond. Bizarre. Il y a en effet moins de deux mois, piqué au vif par la déclaration du président de la République, qui avait évoqué «la nécessité de la mise en place d'un mécanisme de suivi et de surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental» dans un message lu en son nom le 28 octobre à Abuja par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, le pouvoir marocain avait rappelé manu militari son ambassadeur à Alger, puis orchestré la profanation de l'emblème national du consulat de Casablanca, par un membre des «jeunesses royalistes». Le coup est plus rude, cette fois-ci. La France officielle a évoqué clairement l'option de l'autodétermination, comme éventuelle solution au conflit du Sahara occidental. Le Makhzen, encaisse sans broncher.Le gouvernement socialiste n'a fait que mettre fin à un déni de justice entretenu depuis des décennies par ses prédécesseurs. «La France, comme d ?ailleurs, le Conseil de sécurité, juge intéressante la proposition marocaine qui mérite d ?être discutée», avait déclaré Bernard Kouchner, l'ex-ministre français des Affaires étrangères, dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique au mois de mars 2009. «Cette proposition d ?autonomie, constitue la base la plus pertinente, pour sortir de l ?impasse. La France encourage les négociations autour de la proposition marocaine...», avait renchéri François Fillon, le Premier ministre français, au cours d ?un point de presse qui avait clôturé les travaux de la 10e réunion de haut niveau franco-marocaine, qui se sont tenus au début du mois de juillet 2010 à Paris.«Sur le Sahara occidental, notre position est de soutenir le processus des Nations unies», avait laconiquement ajouté Alain Juppé, le chef de la diplomatie française, lors de sa visite en Algérie le mois de juin 2011. La France, traditionnelle alliée du Royaume a de tout temps privilégié la proposition marocaine de large autonomie. Le correctif qu'elle vient d'y apporter penche en faveur de plus de justice et de respect de la légalité internationale. Ce qui fera grincer des dents le monarque alaouite qui ne résistera pas à l'envie de déléguer ses émissaires pour faire «plier» Paris...Cela sera une autre paire de manches.