Algérie

Mohammed Ghefar. Attaché de recherche à l’Institut national de la recherche forestière et chef de la station de recherche de Sidi Bel Abbès: L’incendie de l’Australie est un signe précurseur pour les pays méditerranéens et l’Algérie



Mohammed Ghefar. Attaché de recherche à l’Institut national de la recherche forestière et chef de la station de recherche de Sidi Bel Abbès: L’incendie de l’Australie est un signe précurseur pour les pays méditerranéens et l’Algérie


- A ce jour, plus de 6 millions d’hectares ont brûlé en Australie depuis août, deux fois la superficie du domaine forestier national algérien. Comment est-ce perçu chez nous?

L’Australie est connue pour être le pays le plus touché au monde par les feux de forêt, mais cette saison a été d’une ampleur et d’une intensité sans précédent. Le pays est en proie à une vague de chaleur, avec des températures record au cours des trois derniers mois. A la mi-décembre, le pays a connu le jour le plus chaud de l’histoire la température moyenne était de 41,9 °C. Les incendies ont été alimentés par une un «cocktail explosif», combinant le réchauffement climatique à des années de sécheresse ainsi qu’à d’autres facteurs climatiques tels que la vitesse du vent ou encore l’humidité. Le sud de l’Australie est en sécheresse depuis 2017, et sa sévérité dans l’état actuel a causé le dessèchement de vastes étendues de couvert forestier permettant à des incendies violents de s’établir dans des endroits qui ne brûleraient pas normalement. Ces feux géants, souvent appelés «méga-incendies», sont heureusement des événements rares; ils ne représentent que 5% du nombre total de sinistres qui se produisant chaque année dans le globe. Ils se caractérisent par leur comportement extrême, grande vitesse de propagation, forte intensité, fronts multiples. Ils durent des jours, voire des semaines, et ne s’arrêtent pour la plupart qu’avec un changement de météo.

- La région la plus touchée de ce pays-continent, la Nouvelle Galles du Sud et Victoria, dite à climat méditerranéen par sa similitude avec notre région. Sommes-nous sous le risque d’une semblable catastrophe?

L’occurrence de méga-incendies comparables à ceux de l’Australie est peu probable en Algérie pour plusieurs raisons. Il existe peu de zones géographiques dans lesquelles la végétation combustible est aussi étendue et continue qu’en Australie. Elle est généralement fragmentée par la forte densité de routes ; ainsi les conditions météorologiques peuvent être extrêmes en Méditerranée durant l’été, les seuils de sécheresse et les durées de ces périodes sont rarement similaires à ceux observés en Australie. Toutefois, ce qui se passe actuellement en Australie est un signe précurseur pour les pays méditerranéens et l’Algérie spécialement, un avant-goût de ce à quoi ressemblera notre avenir si nous n’agissons pas très vite. Ce que nous réserve l’avenir est bien pire en l’absence d’actions concrètes pour la forêt.

- On parle d’un demi-million d’animaux qui ont péri dans les incendies du sud-est du pays. Une hécatombe. Avons-nous une estimation des animaux sauvages qui ont péri dans les incendies de forêt en Algérie?

Face au feu, il n’existe pas de réponse type des animaux. Certains peuvent fuir avant même d’être atteints, ce qui suppose une bonne perception du danger et une locomotion rapide: seuls les oiseaux et quelques mammifères en sont capables. Cependant, l’observation directe montre rarement les mouvements de panique auxquels on pourrait s’attendre. Certains animaux peuvent gagner un refuge proche: terrier ou amas rocheux, mais la plupart des espèces, notamment les invertébrés, restent passives devant le feu. La question de la mortalité induite est des plus difficiles. Néanmoins, le nombre d’animaux directement touchés par les incendies est énorme. Il y a toujours une reconstitution des populations animales post-incendies. Elle dépend de la vitesse de restauration du milieu et des capacités reproductrices des espèces. Par ailleurs, la cause directe et déterminante de la disparition d’une partie du règne animal est causée par le défrichement du couvert végétal et par l’envahissement de béton. Leurs effets sur la faune et la flore sont beaucoup plus sévères que les incendies de forêt.


Entretien par Slim Sadki


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