L'aveuglement individualiste érigé en règle dans les rapports humains devient si dangereux pour la cohésion sociale qu'il appelle une offensive pour mettre en avant nos valeurs oubliées, celles de l'entraide et de la solidarité.Partant de là, l'association Waha de Constantine inaugure une tradition de reconnaissance envers des personnages distingués, des hommes et des femmes honorables et exemplaires, estimant créer des repères pour les plus jeunes par ces temps d'absence de repères. «Cet hommage rentre dans la philosophie et la culture de Waha», a souligné le Pr Abdelhamid Aberkane, président de Waha, cette association qui offre le gîte et le couvert aux malades et aux familles des malades du cancer et se distingue par son approche efficace et révolutionnaire dans le registre caritatif.
Le triomphe du chacun pour soi rend le contraste encore plus net avec cette catégorie qui s'investit pour le bien de tous et se sacrifie pour venir en aide à la veuve et l'orphelin. La cérémonie organisée jeudi au siège de l'association à Ali Mendjeli a permis de rendre hommage au doyen des militants de la solidarité, Mohamed-Tahar Benmahmoud. Un geste à la portée symbolique mais nécessaire aussi, tant l'homme mérite tous les honneurs, mais surtout parce qu'il s'agit d'un personnage dont l'action et l'exemplarité offrent un précieux enseignement pour la jeune génération.
Le jour de l'indépendance de l'Algérie, Mohamed-Tahar Benmahmoud était dans la fleur de l'âge, mais avait déjà la mine aguerrie par l'expérience révolutionnaire et un séjour dans les geôles de l'armée coloniale. Mais comme beaucoup de ses compatriotes de 25 ans, il avait l'énergie de la jeunesse et le regard tourné résolument vers l'avenir, celui de la construction du pays.
Benmahmoud est un bâtisseur. Non pas d'ouvrages techniques, mais de liens de solidarité avec les nécessiteux dans cette Algérie exsangue. Quand le Croissant-Rouge algérien (CRA) est né en 1962, il est déjà dans les fondations. Son abnégation lui vaut d'exercer en tant que permanent et secrétaire général du comité de Constantine qu'il construit aux côtés du non moins illustre Dr Hafid Boudjemaa.
Il porte l'altruisme dans ses gènes, mais à cette époque, il devait aiguiser son savoir et savoir-faire dans le domaine en fréquentant les meilleurs des hommes, comme le Dr Mohamed-Seghir Nekkache, alors président du CRA, ou encore dans des formations à l'étranger. En 1963, il prend part à Genève à un regroupement sous la tutelle de la ligue des croix et Croissant-Rouge de jeunes dirigeants des Croix et Croissant Rouges. Plusieurs missions suivront dont celle d'octobre 1967, quand il est envoyé au Caire pour accueillir et raccompagner un groupe de jeunes étudiants algériens de Naplouse, retenus par des Israéliens et libérés sous l'égide du Comité international de la Croix-Rouge.
La même année, il est désigné au poste de vice-président au sein du Comité national du Croissant-Rouge. Durant les premières années de l'indépendance, le CRA joue un rôle des plus importants pour aider les couches nécessiteuses à dépasser leurs difficultés. Benmahmoud fait partie de ces cadres qui ont donné à l'organisme sa force et son efficacité, grâce à leur intelligence et à leur dévouement. Détaché de la chose matérielle et réfractaire à l'ambition carriériste, il fait des choix très difficiles parfois en sacrifiant ce qu'il aime et ceux qu'il aime, notamment sa femme et ses enfants qu'il voit rarement entre deux missions. «Ce n'était pas facile, même dans le cadre d'un groupe, d'obtenir des résultats tangibles.
Il fallait de l'amour et de la persévérance, et je peux dire que la nature ne m'en a pas privé», reconnaît-il dans son discours lors de la cérémonie. Parmi ses exploits, peut-être le plus illustre, raconte-t-il à El Watan, sa réussite à obtenir pour Constantine la création du centre d'appareillage orthopédique initié par la Croix-Rouge suédoise. Durant les années où il était à sa tête, ce centre avait équipé des centaines, voire des milliers d'amputés venant particulièrement de la région de l'Est, et même des combattants palestiniens et yéménites. De courtes études de droit à l'université de Constantine lui permettent d'obtenir un diplôme d'administrateur et devenir au début des années 1970 un cadre au sein des structures du ministère des Commerce.
A 84 ans, Mohamed-Tahar Benmahmoud est président d'honneur du CRA de Constantine dirigé par le Dr Ali Abdennour, présent lui aussi à l'hommage organisé par Waha. Hommage à un personnage que l'histoire a tout fait pour effacer, et qui vise à encourager et à faire éclore l'esprit de militantisme dans l'action sociale et humanitaire au sein de la société algérienne.
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Posté Le : 27/03/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nouri Nesrouche
Source : www.elwatan.com