Dans cet entretien, le romancier Remita nous en dit un peu plus sur son dernier livre L'Empyrée n'est jamais bleu.Propos recueillis par Omar Arbane
-Comment vous est venue l'idée d'écrire ce roman '
Tout d'abord, écrire un roman c'est toute une construction. C'est plus difficile que d'écrire un poème. Pour moi, il y a une raison profonde. Celle de poser la problématique de notre histoire en Algérie. Le berbère est toujours dénigré dans les livres d'histoire. C'est cette dépréciation qui m'a touché, moi qui était élevé dans une famille typiquement berbère. Ce roman se veut une étude d'opposition entre nos valeurs et celles des autres. On ne s'est pas encore demandé pour la Kabylie qui est caractérisée par promiscuité.
Ce n'est pas un phénomène anodin. C'était le résultat des invasions répétitives et des injustices. Les autochtones n'avaient d'autres solutions que de se protéger dans des régions escarpées et inaccessibles. Dans notre culture populaire, nous sommes caractérisés par la résistance, et c'est justement ce qu'ont incarné mes personnages. Ils savent qu'ils sont face à une situation d'expansionnisme, de conquête, face à tout un empire, mais résistent quand même. C'est la lutte entre deux forces, une qui est armée face à une autre qui résiste avec ses valeurs, sa sagesse qui se fait bâtir sur la nature.
-Pourquoi ce choix de l'époque turque ou ottomane '
Beaucoup d'historiens ont écrit sur le colonialisme français qui est condamnable. Cependant, on ne peut pas comprendre la colonisation française sans comprendre l'occupation turque. C'est à cette époque, voire un peu avant, que la Kabylie a été atteinte de promiscuité. Il y a eu énormément d'arbitraire. Un janissaire avait le droit de couper la tête à n'importe qui. Il n'y avait plus de justice.
Le deylicat d'Alger était réellement une culture de harem. L'administration turque n'avait pas pour mission la construction, répandre le progrès ou la civilisation. Bien au contraire, elle était exclusivement dédiée à l'intérêt turc. Dire que ces derniers ont été empêchés d'asseoir une civilisation est un pur délire, c'est de la dérision. Je me suis toujours posé la question sur l'apport des Turcs à l'Algérie.
La Casbah qu'on appelait Tighremt qui veut dire cité en Tamazight, existait bel et bien avant l'arrivée des ottomans. Dire le contraire est une falsification de l'Histoire. Les Turcs n'ont laissé que quelques palais construits pour eux-mêmes. On ne s'est jamais posé la question d'où venait la colossale fortune du deylicat d'Alger. Il faut dire la vérité, elle émanait de l'expropriation des Algériens et des lourds impôts imposés injustement. Le deylicat a pris la nourriture aux Algériens pour la prêter aux Européens. D'ailleurs, le dey d'Alger lui-même possédait une énorme fortune.
-Vous avez développé plusieurs concepts relevant de la philosophie dans votre roman. Quel était votre objectif '
Dans mon roman, j'ai fait du personnage Thiziri, par exemple, une femme au summum de la dignité et de l'honneur. Une dignité émanant de sa culture, de ses valeurs. C'est ce que j'appelle une culture d'horizontalité, qui est la relation entre les humains en symbiose avec la nature. Cette culture est en opposition avec celle de la verticalité céleste, mystique, religieuse, qui n'est autre chose qu'une imposture. En outre, j'ai posé indirectement une problématique essentielle dans ce roman. J'ai attiré l'attention sur un concept philosophique qui est le plan dialectique.
Ce plan composé de l'hypothèse, la thèse, l'antithèse et la composition. Or, dans notre culture actuellement, il y a trois étapes de cette dialectique qui sont totalement effacées. On n'ouvre pas droit à élaborer une hypothèse, alors que l'antithèse ou autrement dit, l'opposition, est complètement rejetée. Idem pour la composition, signifiant proposer quelque chose de nouveau. L'éminent philosophe allemand Hegel nous a pourtant prévenus qu'il n'y aura plus d'évolution de société sans ce principe de la dialectique qui est le moteur de la vie. Malheureusement, en ce qui nous concerne on n'a gardé que l'étape de la thèse.
Advertisements
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 08/11/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Omar Arbane
Source : www.elwatan.com