Algérie

Mohamed, passeur de clandestins



C’est «el khobza», comme il dit, qui l’a amené à s’installer à des milliers de kilomètres de sa région natale. Mohamed est un passeur de harraga (2) et ne s’en cache pas. Il fait partie de ceux qui ont choisi ce métier prohibé et dangereux, en vogue actuellement à cause du flux migratoire du Sahel vers le nord, transitant par l’Algérie, notamment le Sahara algérien. Nous l’avons rencontré près du poste frontalier de Debdab, remarquable par sa barbe argentée et son accoutrement, mais surtout par sa notoriété qu’il n’a visiblement pas usurpée… Pourquoi a-t-il choisi cette voie ' «C’est le pain de mes enfants», nous dit-il, à l’ombre du fronton du poste de la police des frontières de Debdab. Mohamed est père de sept enfants, dont le dernier est arrivé voilà à peine quelques mois, et il n’a d’autre source de revenu que cette activité plutôt lucrative. A 52 ans, sa connaissance de la région fait de lui un interlocuteur incontournable dans le réseau d’émigration clandestine. Chaque nuit, il passe deux à sept véhicules transportant chacun six clandestins, surtout des Maliens, envoyés des wilayas d’Adrar, Ouargla et Tamanrasset. Sa mission : les accueillir et les faire parvenir à Ghadamès, une ville située sur le sol libyen à 16 km de Debdab. «Là-bas, c’est un autre passeur qui prend le relais», nous explique-t-il. Chez Mohamed, on peut être passeur de père en fils. Depuis quelques temps en effet, son fils aîné, âgé de 18 ans, assure la mission une nuit sur deux. «J’ai constaté qu’il avait de plus en plus de mauvaises fréquentations, alors j’ai décidé de l’attirer davantage vers moi et je l’ai initié au métier», raconte-t-il. L’initier veut dire surtout lui apprendre les pistes par lesquelles il est possible de passer sans se faire remarquer par les gardes frontières des deux pays. Le fils est désormais passeur attitré, lui aussi. Sur chaque harrag, il touche 10 DA libyens (environ 700 DA) auprès du récepteur à Ghadamès, chez lequel il passe la nuit avant de rentrer le lendemain matin à Debdab, en contournant les deux postes. Avec les événements que traverse la Libye et l’instabilité sécuritaire, Mohamed, en bon père soucieux, a décidé de suspendre l’activité de son fils, de peur qu’il lui arrive un malheur. Pour autant, la présence des autorités n’a en rien affecté son business…   Note : (1) Nous avons changé son prénom
pour protéger son identité.
(2) Les clandestins du Sud sont aussi appelés
 «harraga», même s’ils ne prennent pas la mer.


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