Constantine - Mohamed Naâman Bey

Mohamed Naâman Bey (1811 - 1814)



Mohamed Naâman Bey (1811 - 1814)
Turc de naissance, il avait été Khalifa de Abdallah Khodja Bey. Gendre de Zreg Aïnou, il avait effectué toute sa carrière militaire à Qacentina.

Il suivit la politique à la fois ferme et équitable de son prédécesseur et sut comme lui maintenir une certaine tranquillité dans sa province. A cet effet il procède au remaniement des hauts fonctionnaires de son administration. M'Hamed Tchaker, kaïd des Ameur Cheraga, fut réintégré dans son ancien corps de la milice. Détestant les Arabes, cupide à l'extrême, M'Hamed Tchaker avait soulevé la réprobation de tous ses administrés. Afin d'éviter une insurrection de la région, Naâman Bey jugea utile de lui ôter cette charge et de le réintégrer dans son ancien corps de la milice.

De ce fait, M'Hamed Tchaker devint son pire ennemi. Disposant d'une grosse fortune amassée en faisant "suer le burnous" de ses administrés, il se constitua, peu à peu, une cour et un parti hostile au bey. Il intrigua, fit jouer ses relations, acheta des consciences, pour tirer vengeance de son rival. Grâce à de nombreux et précieux présents, il réussit à captiver la confiance de Omar agha et de son entourage lors de leur passage à Qacentina, et en faire un instrument incisif auprès du dey.

Naâman Bey ne fut pas dupe de ces manoeuvres. Pour les déjouer il chercha à complaire au dey en lui suggérant de revendiquer les anciens droits d'Alger sur Tunis. A cet effet il mettait toute sa fortune à sa disposition. Le Diwan accueillit cette proposition avec satisfaction, et lui laissa le soin de préparer l'expédition en attendant que Omar agha le rejoignît. La trêve existant entre les deux pays depuis 1808, fut donc rompue.

Les raïs des deux pays se livrèrent à des déprédations réciproques, En fin mai, dans les eaux de Sousse, la flotte algérienne commandée par Raïs Hamidou, battit la flotte tunisienne commandée par Rais Mohamed El Mourali et lui captura sa frégate amirale dotée de 38 canons. Pendant que la flotte établissait un blocus rigoureux du port de Tunis, les troupes de Naâman Bey et de Omar Agha pénétraient en Tunisie. Hamouda Pacha, bey de Tunis, moyennant indemnité, obtint une trêve. Sur la demande de Tunis, un kapidji bachi dépêché par Istambul, tenta d'arbitrer le conflit. Les négociations reprirent. Hadj Ali Pacha exigea de Hamouda Pacha :

- Le versement d'un tribut permanent égal aux précédents ;
- La destruction des fortifications des postes frontaliers, du Kef en particulier ;
- Ne hisser qu'à mi mât le pavillon tunisien en signe de vassalité.

Hamouda Pacha refusa de souscrire à ces conditions qu'il considérait humiliantes. En dépit des interventions au kapidji bachi pour amener la délégation algérienne à des positions plus souples, le porte parole du diwan demeura intransigeant. Les négociations interrompues, le kapidji bachi reprit la mer vers Istambul non sans avoir averti les Algériens qu'il les rendait responsables du conflit et qu'il leur interdirait les ports du Levant.

La guerre ne reprit pas immédiatement, non pas que Hadj Ali Pacha eut craint les représailles du sultan, mais parce qu'il venait d'apprendre que le bey d'Oran Bou Kaddous lui refusait des renforts (1), et que les Mokrani s'obstinaient à réclamer à ses troupes les droits de Péage pour traverser leur domaine les obligeant ainsi à emprunter la route du Sud via Sour El Ghozlan et Bousâada. Il monta donc une expédition contre le premier qu'il battit sur les bords de La Mina ; et chargea les beys du Titteri et de Qacentina de combattre les seconds.

L'accalmie rétablie, Naâman Bey renouvela ses gages de fidélité en offrant à Hadj Ali Pacha un don de : 200 pièces d'or mahboub, 125 boudjous, 2 burnous, 2 grands haïks de Biskra, 2 charges de dattes, 2 outres de couscous, 2 outres de beurre, 15 moutons, 1 mule, 1 bouteille d'essence de fleurs de roses, 12 calettes.

Au début de l'année 1813 les hostilités reprirent entre Tunis et Alger. La flotte algérienne fit une démonstration devant la Goulette, mais la résistance locale l'obligea à reprendre le large. Immédiatement, l’armée tunisienne qui était depuis longtemps massée aux frontières, envahit les territoires de l’Est. Naâman Bey soutint seul et sans fléchir cette offensive jusqu’à l’arrivée des renforts de Omar Agha. L'ennemi fut alors repoussé jusqu'au Kef où le gros de ses troupes s'était retranché. L'affrontement fut violent et meurtrier pour chaque camp. Au moment du plus fort de la bataille, les troupes algériennes se débandèrent aux ailes abandonnant le centre occupé par Omar Agha et ses janissaires. Ceux ci tinrent bon pendant quelques temps, puis, voyant la partie perdue et perdant beaucoup d'hommes, ils se replièrent.

Arrivé dans le Constantinois et sur instigation de M'Hamed Tchaker, Omar Agha s'en prit au bey, puis aux chefs des goums qu'il accusa de trahison pour avoir cédé le terrain et pris la fuite au Moment où ses propres hommes prenaient l'avantage sur l'ennemi. Il fit décapiter 260 personnes.

Sur son retour, au niveau des portes de fer, il se heurta aux hommes de Mokrani auxquels ses troupes durent livrer de durs combats pour se frayer un passage dans ces montagnes. Omar Agha, et le peu d’hommes qui lui restaient arrivèrent à Alger dans un état lamentable. Dans le compte rendu qu’il présenta au Dey, il rendit Nâaman-Bey responsable de sa défaite et de ses déboires, et, sollicita sa déchéance.

A force d'insistance de sa part comme de ses compagnons d'armes, le dey consentit à leur désir. Mais il conseilla d'attendre une circonstance favorable pour mettre à exécution la sentence.

L'occasion se présenta en début de 1814, quand une insurrection éclata dans le Hodna et s'étendit à Sétif.
Celle-ci n'était en fait, que les conséquences de la défaite du bey du Titteri dans le Sud (Laghouat) et contre les Ouled Naïl.

Sur ordre du dey, Naâman bey se porta à marches forcées sur les lieux. Chemin faisant, il reçut plusieurs messagers de Omar Agha l'informant son itinéraire et de ses prochaines étapes. Lorsqu'il n'y eut plus qu'une étape entre eux deux, Naâman Bey lui envoya son bach siyar, El Hadef Ben Ali, dont le Père était agha de deïra, pour le saluer et lui remettre en hommage divers présents.

En cours de toute, El Hadef et son escorte furent assaillis et tués par les insurgés qui s'emparèrent de leurs chevaux et de leurs bagages. Le bey en fut affligé, et ne souffla mot à Omar Agha.

Le lendemain les deux colonnes opérèrent leur jonction aux environs de Bou Saâda. Après les salamalecs d'usage, on discuta de la formation de bataille, et chacun prit position à la place convenue. Les troupes furent divisées en deux colonne, l’une devant opérer chez les Ouled Madhi et l’autre chez les Ouled Sidi Brahim.

Après deux jours d'opérations infructueuses, et gênés par le mauvais temps qui rendait difficile tout déplacement de l'artillerie et de l'infanterie, on décida de se replier sur Bou Saâda. Quatre jours après, le temps s’étant adouci, on remonta vers M'Sila. On y arriva vers le soir et, le lendemain au matin lorsque Naâman Bey voulut sortir de la tente, il en fut empêché par des sentinelles au service de Omar Agha qui lui déclarèrent qu'il était prisonnier. Avant qu'il eut pu demander l'explication, deux chaouchs le saisirent et l'étranglèrent à l'aide de son propre turban.

Un certain nombre de ses amis furent aussitôt arrêtés, mais ils furent relâchés quelques temps après contre le paiement d'une forte rançon. Seul son Khalifa, Mustapha Khodja, fut gardé à vue jusqu 'à Alger où il fut libéré par le dey moyennant le paiement d'une forte amende.
Mustapha Khodja autorisé à reprendre le service acheva sa carrière militaire en qualité de agha de la nouba dans une caserne de Bab El Oued.

Naâman Bey fut remplacé par M'Hamed Tchaker, le protégé de Omar Agha.

Note

(1) En 1810, Mohamed Bou Kaddous avait mêlé dans le feu et dans le sang les insurgés du Zaccar et de Médéa où il fit décapiter 245 personnes dont 200 femmes.

Ce fut en 1811 que Hadj Ali sollicita l'appui de Bou Kaddous pour une expédition contre Tunis. Soit que le bey avait peur d'une nouvelle révolte dans ses Etats conduite par Derkaoui, soit qu'il n était pas prêt à offrir l’appui demandé, soit, comme sous entendent certains historiens, qu’il voulait profiter des difficultés que rencontrait le pacha pour marcher contre Alger et Prendre le pouvoir. Quoiqu'il en soit Hadj Ali, lui dépêcha Omar Agha qui débarqua à Oran et prit le commandement de là ville pendant que des troupes venues d'Alger le battaient sur les bords de la Mina.

Bou Kaddous, fait prisonnier fut livré aux chaouchs qui lui écorchèrent la figure, lui ouvrirent le ventre et le suspendirent par le dos à un crochet de fer. Au bout de 36 heures de cet affreux supplice, Omar Agha, apprenant qu'il vivait encore, eut pitié de lui, Il lui fit trancher la tête. L. Péchot : Histoire de l’A.N. t. III p. 122.



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