Le président
tunisien, M. Mohamed Moncef Marzouki,
a estimé, à la veille de sa visite officielle en Algérie, que les pays du
Maghreb peuvent donner un «grand coup d'avance» à la construction de cette
entité sous-régionale qu'il faut relancer, notamment avec le nouveau tournant
pris par la région du Maghreb.
« Personnellement,
je reprends le rêve de la génération de mon père où tout le monde était
maghrébin. Cette génération avait plus de sang maghrébin que nous et, maintenant,
il faut reprendre cette maghrébinité», a affirmé M. Marzouki dans un entretien à l'APS (lire l'intégral sur le
site www.aps.dz). «Avec les cinq libertés (liberté de
circulation avec une simple carte d'identité, de travail, d'installation, de
propriété, de participation aux élections municipales), nous pouvons donner un
très grand coup d'avance à la construction du Maghreb, avec l'espoir d'avoir
par la suite un vrai parlement maghrébin qui jouit de vrais pouvoirs, une vraie
cour constitutionnelle à la lumière du schéma adopté par les Européens», a-t-il
expliqué, ajoutant que l'Union du Maghreb arabe doit être un ensemble d'Etats
indépendants avec de «fortes et réelles» institutions communes et avec un
espace maghrébin «ouvert». «J'espère que nous allons la relancer avec ce
nouveau tournant qu'a pris la région du Maghreb après les révolutions de la Tunisie et de la Libye et les transformations
qui s'opèrent actuellement en Algérie et au Maroc qui vont plus dans le même
sens, celui des réformes et l'ouverture des régimes à la volonté de leur peuple.
Tout cela me laisse espérer de remettre le grand Maghreb en marche. Ce sont-là
nos attentes», a dit ce militant des droits de l'homme.
Il s'enorgueillit
d'avoir traversé en 1962, avec son père, les frontières marocaines, pays où sa
famille vivait, pour fêter l'indépendance de l'Algérie. Sur la question du
Sahara Occidental, pays dans l'attente de l'organisation par l'ONU d'un
référendum d'autodétermination, le chef de l'Etat tunisien a attesté que le
problème existe et sur lequel «nous ne pouvons pas fermer les yeux». Mais il
préconise, dans ce contexte, que lorsqu'il est difficile de surmonter un
obstacle, «il faut le contourner». «Quand vous avez un obstacle que vous ne
pouvez surmonter, il faut le contourner. Moi, j'appelle à contourner cet
obstacle, c'est-à-dire continuer à organiser le Maghreb avec les cinq libertés,
continuer à discuter et laisser ce problème, pour le moment, entre parenthèses,
le laisser à l'ONU qui s'en est emparé. Je ne dirai pas que ce problème
n'existe pas. Il existe et nous ne pouvons fermer les yeux», a affirmé cet
admirateur de Nelson Mandela. «Nous avons fait l'essentiel du travail»
Sur le plan
interne, le président Marzouki a rappelé qu'une année
après la révolution en Tunisie, «nous avons fait l'essentiel du travail». «Regardez,
il y a beaucoup de pays où les problèmes socio-économiques sont dix fois plus
importants que ceux de la
Tunisie, parce que la problématique politique n'a pas été
résolue. Or nous, nous avons fait ce travail. Nous avons fait des élections
libres et honnêtes, des institutions qui ne sont pas du tout remises en cause. Nous
avons un gouvernement légitime, un Président légitime, etc. Donc, nous avons
mis en place les bases fondamentales pour la solution des problèmes socio-économiques.
C'est une chose très importante et nous l'avons fait à un coût très très faible, comparativement à d'autres révolutions», a-t-il
expliqué.
Pour ce chef d'Etat,
qui jure qu'il n'y aura «plus jamais» en Tunisie un Etat corrompu, la moitié du
chemin pour la résolution de ces problèmes reste à parcourir. «Nous sommes
décidés à le faire et nous avons beaucoup de cartes pour la réussite de ce défi,
en plus d'un régime politique maintenant stable et légitime», a-t-il dit, reconnaissant
que le gouvernement se trouve face à «beaucoup de handicaps».
M. Marzouki, qui refuse toujours de porter la cravate, a
déploré qu'après une année d'agitation sociale, le tourisme ait sombré et que
des usines soient fermées. «Maintenant, nous sommes en train de rebâtir sur des
décombres et cela va être difficile et compliqué, en plus de l'environnement
international qui n'est pas très bon», a-t-il estimé, en avertissant que
l'année 2012 sera pour la
Tunisie «une année difficile». Il préconise, à cet effet, que
la Tunisie
réalise «un minimum de stabilité» pour faire revenir les investissements
nationaux et étrangers. «Nous essayons de convaincre nos partenaires et nos
frères pour qu'ils acceptent un minimum de stabilité, parce qu'il n'existe pas
de stabilité à 100%, sauf dans les régimes dictatoriaux», a-t-il soutenu.
Sur le plan
politique, le chef d'Etat tunisien, fondateur en 1998 du Conseil national pour
les libertés en Tunisie, refuse, avec la victoire des islamistes aux
législatives, qu'on dise que la
Tunisie est devenue un Etat islamiste. «Marchez dans les rues
et regardez vous-mêmes si cela est vrai. Avez-vous constaté une police
islamiste obligeant les femmes à mettre le foulard ? C'est quoi un Etat
islamiste ? La Tunisie
est un pays démocratique, où les droits de l'homme et ceux de la femme sont
respectés», a-t-il argué, soulignant que le président de la République est un
homme qui n'appartient pas «du tout» à la mouvance islamiste ; le président de
l'Assemblée constituante n'appartient pas également à cette même mouvance». «Il
y a un chef du gouvernement islamiste, mais aujourd'hui nous sommes dans un
régime où la Constituante
est la source du pouvoir. Ceux qui gouvernent le pays émanent d'une coalition
entre deux partis : l'un, laïque et modéré, et l'autre islamiste modéré. Ils
gouvernent pour maintenir la démocratie, les droits de l'homme et les libertés
publiques. Si vous trouvez là que c'est un Etat qui ressemble à l'Iran, moi je
ne le vois pas du tout», a-t-il ajouté.
Par ailleurs, il
a déploré la situation en Syrie, se disant «accablé» par le nombre de morts. «J'apporte
entièrement mon appui au peuple syrien. La Tunisie condamne totalement et absolument le
régime de Bachar al-Assad»,
a-t-il affirmé, estimant que la seule solution est que «cet homme parte et
qu'on trouve une solution politique, à savoir un gouvernement d'union nationale
qui organise une période intermédiaire, le temps que l'on puisse mettre en
place des élections libres et honnêtes». «Le régime baâthiste
est fini et il doit s'en aller», a-t-il ajouté, se disant cependant opposé à
l'envoi de troupes militaires étrangères en Syrie. Déjà pour la Libye, a-t-il tenu à
souligner, «nous l'avions accepté à contrecÅ“ur et avec la plus extrême
réticence, parce qu'apparemment il n'y avait pas d'autre solution». «Mais pour la Syrie, il est totalement
hors de question parce que ceci entraînerait non seulement la guerre civile, qui
commence malheureusement déjà, mais également l'éclatement de la Syrie et une guerre dans
toute la région. C'est une option à bannir totalement et absolument», a-t-il
conclu.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 11/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : RN
Source : www.lequotidien-oran.com