Ses photographies ont fait le tour du monde, relayées par les journaux les plus prestigieux. Mohamed Messara, photographe de guerre algérien, est un témoin privilégié des remous qui agitent le Monde arabe depuis plus d'une année.
Lorsqu'en 1997, il signe ses photographies d'un laconique Moh, Mohamed Messara ne se doute pas qu'une quinzaine d'années plus tard, ses clichés s'étaleraient en unes du New York Times ou du International Herald Tribune. Mohamed fait ses armes en parcourant l'Algérie sur les traces sanglantes du terrorisme pendant la décennie noire avant de rejoindre, en 2003, l'agence allemande European Pressphoto Agency. Il démarre en couvrant la seconde guerre du Golfe de 2004 à 2005. Alors que des effluves de fleur de jasmin commencent à exalter le Monde arabe, Moh assiste à la séparation du Soudan. Il se rend en Libye dès le 20 février, au lendemain de la couverture de la deuxième journée de manifestation à Alger. A Tripoli, Beni Walid, Tarhouna, Zaouia ou encore Misrata, il suit les troupes pro-Gueddafi. «Une guerre à deux fronts, et il est important de relayer les deux'», déclare-t-il.
S'enclenche alors un jeu entre journalistes et ministère de la Communication libyen. Les premiers oeuvrant à livrer une information complète, les seconds essayant de canaliser les curieux. «On ne nous permettait pas de sortir les vendredis avant 17h, par crainte que des manifestations anti-Gueddafi éclatent après la prière, témoigne-t-il. L'un des journalistes qui m'a le plus marqué était Peter Graff. Pointilleux et consciencieux, il n'hésitera pas à dénoncer l'histoire d'une enfant blessée lors d'un accident de la route, mais qu'on tentait de faire passer pour blessée lors d'un bombardement de l'OTAN.»
Corps à corps
Parmi les images qui l'ont le plus marqué : l'ex-guide libyen mort. «Ce n'était pas dans une morgue. On l'avait mis au même endroit où ils entreposent la viande fraîche dans un marché», explique-t-il. L'ancien leader libyen gît sur un simple matelas, torse nu et maculé de sang. L'image a fait le tour du monde. «Un an plus tôt, je couvrais le sommet Euro-Afrique et le sommet arabe. Ces présidents, aujourd'hui chassés du pouvoir, étaient en place et personne n'imaginait que ça changerait un jour. Ni les peuples ni les dirigeants», commente-t-il. La bataille la plus intense en Libye a été celle de Syrte. Les combats qui ont duré plus d'un mois devenaient de plus en plus violents.
«Vers la fin, on en était au corps à corps.» Alors qu'il traverse la ville en compagnie de son collègue espagnole Mano, il reçoit une balle à l'épaule. Il retire son gilet pare-balles fiévreusement avec l'aide de son ami. Le choc est tel que quand son ami lui assure que la balle a été arrêtée par le gilet pare-balles, il palpe plusieurs fois son épaule avant de réaliser et de constater un hématome. Cependant, l'expérience le marquera et si ses responsables l'exhortent à prendre deux jours de congé et lui proposent de rentrer, il décide de repartir dès le lendemain sur le terrain. «Je ne voulais pas que la peur s'installe.»
Mon fixeur
L'objectif se transforme vite en cible dans ce genre de conflits et un photographe est tout de suite identifiable. Afin de pouvoir s'entraider, Mohamed raconte que les photographes se déplacent à deux ou en groupes. La solidarité est indispensable et naturelle lorsque la mort rôde. «Nous sommes conscients de pouvoir nous perdre à tout moment.» Un autre allié du photographe est son chauffeur. Le reporter préfère le terme «fixeur», pour le grand rôle que celui-ci joue. «Il connaît la région et noue un lien avec les habitants. Dans des missions particulièrement difficiles, il représente 50% du travail», explique-t-il avec un sourire nostalgique. Il se souvient particulièrement d'une anecdote où le photographe s'était retrouvé coincé entre deux feux. Malgré les taquineries quotidiennes de son chauffeur et du danger de la situation, celui-ci l'attendait jusqu'à la fin. «Je lui ai confié deux numéros à appeler en cas de malheure' », poursuit-t-il. Chaque matin, il l'aidait à enfiler gilet pare-balles et casque. Chaque soir, lorsqu'il venait récupérer Mohamed, il l'accueillait avec les bras levés vers le ciel en signe de reconnaissance envers Dieu. «Son sourire fait partie des choses qui me rassurent», confie le grand gaillard au c'ur tendre. L'année qui s'est écoulée a été très riche pour Mohamed. «J'ai pris cinq ans cette année !, plaisante-t-il en évoquant des insomnies, mais je ne suis plus le même homme'» n
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Posté Le : 13/01/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nesrine Sellal
Source : www.elwatan.com