Algérie - Beni Snous

Mohamed Lemkami présentant son ouvrage : Les hommes de l'ombre



Mohamed Lemkami présentant son ouvrage : Les hommes de l'ombre


Texe : Reda Bekkat - Publié dans El Watan le 01 - 02 - 2005

Le livre de cet ancien « Malgache » appellation qui sert à désigner les membres du MALG (ministère de l'Armement et des liaisons générales) une structure du FLN durant la guerre de Libération nationale n'est pas un ouvrage sur le fonctionnement de ce corps militaire qui allait donner naissance après l'indépendance aux services de renseignements et de contre-espionnage connus sous des dénominations successives comme la Sécurité militaire SM, la DGPS ou le DRS.


Ce sont des mémoires d'un militant nationaliste, d'un combattant et d'un officier de renseignements qui allait occuper, après 1962, différentes fonctions dont celles de cadre supérieur de l'Etat, du secteur économique puis de parlementaire et enfin de diplomate. Au début de ses mémoires, Mohamed Lemkami, né le 1er décembre 1932 à Khemis, une localité de la région des Beni Snous non loin de Tlemcen, raconte son enfance dans le contexte d'une Algérie sous la colonisation française. Une scolarisation dans des conditions difficiles et où il faut se battre « coude à coude » avec les petits Français blancs pour prouver que les petits « indigènes » étaient parfois les meilleurs. Un itinéraire qui lui permit de croiser d'autres petits Algériens qui deviendront d'illustres personnages plus tard, comme l'écrivain Mohamed Dib. Premières classes au sein du mouvement nationaliste grâce aux scouts musulmans qui ont familiarisé l'auteur avec les idées du Parti de peuple algérien (PPA-MTLD), nommé instituteur dans son village natal, le déclenchement de la guerre de libération le surprend comme beaucoup de militants nationalistes tétanisés par la crise au sein de ce vieux parti nationaliste divisé entre Messalistes et Centralistes. Mohamed Lemkami se retrouve de par sa fonction d'instituteur et d'observateur privilégié naturellement au service du FLN auquel il fournit au début des renseignements importants pour monter des opérations de guérilla. Intégré un peu plus tard au sein d'unités combattantes, opérant de part et d'autres de la frontière algéro-marocaine, le parcours de l'auteur croise celui des dirigeants militaires comme Abdelhamid Boussouf, futur patron du MALG, ou encore celui de Houari Boumediène, futur chef d'état-major de l'armée des frontières, de Si Lotfi futur colonel de la 5e Wilaya. Tout au long de ses mémoires Mohamed Lemkami effectue des allers-retours, dans le temps pour rappeler le destin de ces innombrables moudjahidine qu'il a croisés à un moment ou à un autre de son parcours de combattant, que ce soit en Algérie ou au Maroc, où il intégra les services de renseignements du MALG. Affecté dans une unité opérationnelle de la région frontalière, il traverse et le lecteur aussi, une étape de la guerre de la révolution à force d'anecdotes et de récits inédits. L'auteur en profite pour déplorer également certaines « dérives de la révolution », les exécutions sommaires de certains éléments douteux, les procès expéditifs de certains supposés traîtres avant que leur trahison ne soit établie. Après l'indépendance, Lemkami a occupé plusieurs fonctions de cadre supérieur de l'Etat et du secteur économique, et rapporte dans son ouvrage les conditions dans lesquelles allait s'effectuer le développement de l'Algérie, la confrontation avec une bureaucratie superpuissante et paralysante. Il nous conduit un tout petit peu dans les arcanes du pouvoir où l'on peut y déceler certaines pratiques de clans, de régionalisme dans les années 1970-1980, les passe-droits et autres dessous-de-table étaient déjà perceptibles au lendemain de l'indépendance au sein des rouages de l'Etat et des organismes publics. Tout comme on entre, toujours accompagné de l'auteur, dans les coulisses de l'hémicycle de l'Assemblée populaire nationale (APN), à l'occasion de la première législature en 1977 au cours de laquelle il fut élu député, abandonnant son poste au sein de l'Etat lui qui avait pratiquement mis sur pied, entre autres, les organismes de la Pharmacie centrale algérienne qui allait beaucoup plus tard donner naissance à des unités de production de médicaments. Après deux mandats passés à l'APN, l'auteur se retrouve diplomate et nommé ambassadeur d'Algérie à Tirana, d'où il continue de suivre le tumultueux développement économique et social, les émeutes d'octobre 1988. Deux ans plus tard, il assiste à Tirana aux premières révoltes albanaises et à la fuite des réfugiés albanais auprès des ambassades étrangères présentes dans la capitale du pays en pleine ébullition. Et c'est de Tirana que l'auteur et sa famille suivent ce qui se déroule en Algérie, et les événements aussi marquants que la victoire du FIS lors des communales et au premier tour les législatives, l'interruption du processus électoral. Une carrière qui s'achève en juin 1992 quelques jours à peine avant l'assassinat du président Boudiaf et aussitôt après, accompagnée par la fermeture de l'ambassade d'Algérie. Quelque temps plus tard dira l'auteur, le FIS ouvrira une représentation qui acheminera les jeunes Algériens à aller combattre en Tchétchénie et d'où seront acheminées les armes pour les maquis du GIA...
Mohamed Lemkami, Les hommes de l'ombre (Mémoires d'un officier du MALG)Editions ANEP - 531 pages



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